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«Ne pas ghettoïser l'art arabe»
Entretien du lundi: LINA LAZAAR, agitatrice artistique
Publié dans La Presse de Tunisie le 18 - 05 - 2015

En matière d'art et de culture, il y a les agitateurs qui bousculent les tabous, font bouger les lignes, les transgressent si besoin, se disant qu'il en sortira toujours quelque chose. Il y a les ponts qui font passer les messages, les expériences, les recherches. Et puis, il y a les liens, ceux qui s'attachent à relier, rassembler pour conforter. Lina Lazaar est tout cela à la fois. Cette jeune dissidente, qui était programmée pour faire une brillante carrière dans la finance internationale, est entrée en art par passion, conviction, et... frustration. Depuis quelques années, elle s'attache à donner à l'art arabe contemporain une place sur la scène internationale. La première exposition d'artistes arabes à la Biennale de Venise, c'est elle. Les premières ventes aux enchères internationales d'artistes arabes, c'est elle encore. Les premières assises d'art contemporain arabe, organisées sous le joli nom de Jaou-Tunis, c'est toujours elle.
Vous êtes, semble-t-il, celle qui a introduit l'art contemporain arabe chez Sotheby's, une des plus grandes maisons de vente d'art.
Il y a, chez Sotheby's huit ventes d'art contemporain par an sur lesquelles je travaille. Sur ces huit ventes, une vente annuelle d'art contemporain a pour particularité de proposer une prédominance d'artistes arabes, et bien sûr, d'artistes tunisiens. Cette vente se tient à Doha, les autres à Londres ou à New York
Pourquoi Doha ? La capitale de l'art contemporain pour le monde arabe n'est-elle pas Dubaï avec son Art Fair qui prend de plus en plus d'ampleur ?
Doha est la vraie plate-forme institutionnelle pour la promotion de l'art et de la culture au niveau de la scène muséale. Le siège de Sotheby's pour le monde arabe est à Doha. Et ce dernier, est pionnier dans l'affirmation que l'art contemporain arabe peut se conjuguer de façon harmonieuse avec l'art contemporain universel. Nous nous inscrivons dans l'ouverture vers le monde, et choisissons, de manière engagée et consciente la conjugaison d'artistes tunisiens, saoudiens, libanais avec les plus grands artistes universels tels Christopher Wool, Donald Judd, Rodolph Stingel... C'est une option : ne pas ghettoïser l'art arabe, ne pas confiner la scène artistique du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord à des ventes exotiques et ethniques. Nous nous inscrivons dans un dialogue universel, sans aucune distinction entre Tunis, Londres, New York, Beyrouth ou Paris. Ceci se fait à partir de Doha, et je travaille de manière très étroitement liée avec Aileen Agopian à New York pour assurer l'équilibre entre le monde arabe et l'Occident, et pour monter des ventes ancrées dans un discours universel
Il faut savoir que j'ai une chance énorme d'être soutenue par une équipe visionnaire et clairvoyante, qui m'a toujours autorisée à sortir du circuit traditionnel des ventes aux enchères vers une promotion de l'art du monde arabe
Cette promotion de l'art contemporain arabe, vous la menez à travers plusieurs initiatives : «The Future of the Promess» qui a marqué la première présence d'artistes arabes à la Biennale de Venise. Mais aussi et surtout Jaou, cette rencontre d'artistes, de critiques d'art, de collectionneurs, de curators, née à Tunis il y a trois ans, devenue une tradition, ayant essaimé en Arabie Saoudite, et probablement dans d'autres pays arabes
Jaou est né, pour moi, d'un élan de frustration. Frustration du fait du déséquilibre de cette scène artistique arabe entre les pays importateurs de cultures du monde arabe, c'est-à-dire les pays du Golfe, et les pays producteurs de ces cultures riches et fécondes, à l'Histoire et la tradition inscrites dans le patrimoine universel, mais mis à l'écart de cette redistribution des cartes.
Le scénario qui s'était créé était le suivant : pour rencontrer des penseurs, des artistes tunisiens, marocains, libanais, jordaniens ou palestiniens, il fallait aller à Dubaï ou à Doha. Bien sûr, cette dynamique est excellente, mais il est aussi important qu'il y ait un vrai travail d'échange culturel, que le monde vienne également sillonner les circuits moins commerciaux, plus authentiques, à Ramallah, à Tunis, à Jeddah, à Beyrouth, à Damas...
C'est comme cela que Jaou est né: une plate-forme organique qui sort des sentiers battus, et revient sur les sentiers réels de l'Histoire et de la culture afin de mettre en avant des villes émettrices de sources de créativité, et d'inviter les protagonistes de la scène artistique internationale sur les lieux de productivité. Nous voulons leur dire : pour voir l'art contemporain tunisien, venez à Tunis.
Jaou en est, aujourd'hui, à sa troisième édition. Il évolue, et se développe. Définissez-nous le concept
Le concept est toujours le même : un symposium sur une thématique particulière. Ce symposium se tient au musée du Bardo, et ce n'est pas de l'opportunisme de circonstance, il en a toujours été ainsi. Cette année, le colloque a pour thème «La culture à l'épreuve des conflits». Nous aurons cinq tables rondes, des performances, des signatures de livres, des projections de films et une très belle participation dont Sultan Qacimi, de Sharjah, Frédéric Mitterrand, Mohamed Aziza pour n'en citer que quelques-uns. Autour du colloque, nous organisons un tour des galeries de la banlieue à qui nous avons demandé d'organiser des expositions sur ce thème, et qui, toutes, ont joué le jeu. La grande nouveauté, cette année, c'est qu'il y aura, pour la première fois, une exposition Jaou.
On parle et on attend beaucoup de cette exposition, dont on dit qu'elle sera surprenante
Elle sera certainement inattendue de par son lieu : nous avons réalisé un musée à partir de 24 containers imbriqués et superposés, que nous avons placés sur le parking du théâtre de Carthage. L'architecte en charge du projet a réussi une véritable performance. Le contenant augure déjà le contenu, car cette exposition se veut une caravane culturelle itinérante qui voit le jour en Tunisie, mais s'enrichira de ses différents voyages. Quant au thème, disons que ce sera un itinéraire mystique et spirituel sur la thématique de l'Islam et de la Tolérance. 22 artistes arabes participent à cette exposition, dont plusieurs Tunisiens, des Libanais, des Egyptiens, des Irakiens, des Saoudiens...
L'exposition voyagera par la suite à travers la Méditerranée occidentale, puis orientale. Diverses institutions la réclament déjà. Mais le coup d'envoi ne pouvait être donné qu'à Tunis
Jaou Tunis a fait des émules puisqu'on a vu naître Jaou Jeddah, et que l'on annonce d'autres expériences dans différentes villes arabes
Jaou Jeddah a été une magnifique expérience. L'exposition avait pour thème Kayka Bang Jeddah, ce qui veut dire Jeddah différente, unique. On avait demandé à 25 émigrés philippins, souvent installés là depuis longtemps, de photographier les aspects insolites de la ville. 6.000 personnes ont assisté au vernissage, ce qui, dans un pays où les hommes et les femmes ne se mélangent pas dans les lieux publics, était une façon de briser les tabous. Aujourd'hui, il existe une Art Week à Jeddah. Jaou a semé la graine, a mobilisé la ville autour de l'art, la relève a été prise, et nous pouvons aller essaimer ailleurs. J'aimerais semer des graines dans tout le monde arabe. J'aimerais aller à Abha, en Arabie Saoudite, à la frontière du Yemen, la ville la plus conservatrice du royaume, celle où est né le salafisme... Peut-être aussi à Ramallah.
En fait, mon rôle n'est pas d'accaparer la scène artistique, mais d'agiter les choses en espérant toucher des acteurs locaux qui assureront la pérennité de l'initiative.
Pour lutter contre le fondamentalisme qui est en train de voiler le monde, on doit opérer partout, et à une vitesse exponentielle. Nous ne devons pas attendre que les institutions officielles se mettent en marche. Elles le feront, bien sûr, mais en attendant, la société civile doit prendre en charge le destin culturel de chaque pays.


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