Jeudi dernier, s'est tenu, dans un hôtel de la banlieue Nord de Tunis, le séminaire national de capitalisation, portant sur le «Projet MedDiet «Diète méditerranéenne et valorisation des produits alimentaires traditionnels». Le budget de ce projet stratégique, qui s'élève à presque 5 millions d'euros, est financé par l'Union européenne, à travers l'Ievp, son instrument financier, pour la période 2007/2013. Six pays y participent, trois de la rive nord du bassin, à savoir la Grèce, l'Espagne et l'Italie, et trois de la rive sud, qui sont le Liban, l'Egypte et la Tunisie, qui est représentée par l'Inrat (Institut national de recherche agronomique de Tunisie) et la Ccit ( Chambre de commerce et d'industrie de Tunis). A cette occasion, la déclaration de la sauvegarde de la diète méditerranéenne a été signée par les différentes parties impliquées dans ce projet. Entretenir la santé Ce projet intervient pour essayer de ressusciter un modèle de consommation alimentaire commun aux populations méditerranéennes, à base de produits végétaux, dont notamment l'huile d'olive et les céréales, avec de faibes quantités de produits d'origine animale. Ce modèle alimentaire produit des résultats positifs sur l'état de santé de l'homme, en raison de ses vertus protectrices contre diverses maladies, telles que l'obésité, l'hypertension artérielle et le diabète. Les chiffres présentés, à ce propos, par les organisateurs sont alarmants: un demi-milliard de personnes dans le monde sont obèses et 2,8 millions meurent chaque année à cause d'un excès de poids, et en Tunisie, la situation n'est pas rassurante non plus, puisque la moitié des adolescents de 15 à 19 ans et un homme sur deux et trois femmes sur quatre âgés entre 35 et 70 ans souffrent de surpoids et 1/3 d'entre ces derniers sont hypertendus. Le projet MedDiet n'est pas seulement un modèle de régime alimentaire, mais aussi un mode de vie, associant tous les bienfaits sociaux, économiques et culturels liés à la diète méditerranéenne. Il vise à accroître la conscience des consommateurs, tous âges confondus, sur les bénéfices de cette diète, augmenter la capacité des autorités locales et des écoles de base à mette en place des initiatives efficaces et durables en vue de sensibiliser ces derniers, et améliorer les compétences des PME, particulièrement les restaurants, à offrir des produits cohérents avec la DM, ainsi que la capacité des décideurs à mettre en œuvre des stratégies et des instruments pour la sauvegarde de celle-ci et des traditions alimentaires. Les impacts à court et moyen termes du Projet MedDiet sur le milieu méditerranéen sont de deux ordres: l'un est direct, consistant en l'amélioration de la santé, l'autre se rapporte à la durabilité de l'agriculture, l'augmentation du revenu des agriculteurs, notamment les petits d'entre eux, la préservation des produits de terroir, une participation plus importante de la femme rurale à la valorisation de ces produits et, par conséquent, la contribution au développement régional, la réduction du chômage et la sécurité alimentaire de la population. Sensibilisation et promotion Ce projet a accompli plusieurs réalisations. On en cite, tout d'abord, l'élaboration d'un système partagé commun de connaissances sur la DM, en se basant sur les groupes de produits de la pyramide alimentaire adaptée au contexte de chaque pays, et la formation de formateurs, se répartissant comme suit: trente autorités locales, à raison de trois pour chacun des dix gouvernorats côtiers sélectionnés et deux cent cinquante cadres d'école. Il y a ensuite la mise en place d'initiatives de sensibilisation des consommateurs à travers la promotion de la DM, par le biais de neuf événements organisés entre 2013 et 2014, ayant touché 3.000 consommateurs dans la plupart de ces gouvernorats où une thématique spécifique était traitée en fonction de la région concernée et ses bonnes pratiques. Mille élèves ont pris part à ces événemets. D'autre part, on a créé un «label qualité MedDiet» pour les restaurants et la formation des restaurateurs, et élaboré une étude pour l'instauration d'un cadre juridique légal pour la sauvegarde de la DM. Enfin, on a procédé à la mise en place de «3 infos Points Med Diet» en Tunisie. Pour ce qui est des perspectives de ce projet, il y a la participation à l'Expo 2015 de Milan, la signature de la déclaration de la sauvegarde de la diète méditerranéenne par les représentants de ministères et autres organismes en Tunisie, en Egypte et au Liban, l'organisation d'un séminaire interational de capitalisation en Tunisie au mois d'octobre prochain, auquel participeront différents ministères et partenaires nationaux, en vue de la signature de la Charte de protection de la DM et, en dernier lieu, la constitution d'un Réseau méditerranéen MedDiet pour la formation et l'éducation à la DM. En évoquant le projet Magon «Le chemin de la vigne méditerranéenne sur les traces de Magon, entre la Sicile et la Tunisie», Mohamed Ben Cheikh, président Cpba - Utica, a rappelé que la production du vin en Tunisie est vieille de 27.000 ans, soulignant que ce produit noble qui est fait pour être dégusté et qui, dans les pays du Nord, accompagne les mets, connaît un certain encerclement pour des considérations religieuses, tout en rassurant, toutefois, qu'il y a 2 millions de consommateurs de vin en Tunisie. On ne peut que se féliciter d'un projet aussi ambitieux et aussi bénéfique tant sur le plan de la santé qu'au niveau culturel, puisqu'il permet d'installer une convivialité, c'est-à-dire de nouer et de cultiver des rapports positifs, que ce soit entre les individus d'une seule populations ou bien entre les différentes populations des deux rives. Cependant, un modèle alimentaire pareil, qui repose sur des produits biologiques et des ingrédients chers, à l'image du poisson et de l'huile d'olive, est-il réaliste? La campagne de sensibilisation auprès d'une soixantaine de restaurants touristiques seulement dans un pays qui en compte des milliers nous donne une idée sur l'étendue de ce projet et la nature de la clientèle touchée. De plus, a-t-il les moyens de résister à la toute-puissance de l'industrie alimentaire locale ou bien celle des industries agroalimentaires européennes qui détruisent l'agriculture locale au profit des productions standarisées, pour pouvoir imposer les produits de terroir?