L'auteur de la boucherie de Bouchoucha aurait menacé, selon les premiers éléments de l'enquête, de rejoindre les jihadistes en Syrie. Au ministère de la Défense, on préfère, pour le moment, parler «d'un acte isolé commis par un militaire souffrant de troubles comportementaux», en attendant ce que révélera l'enquête Le commandant Belhassen Oueslati, porte-parole du ministère de la Défense, a beau marteler, hier, lors de sa brève conférence de presse, que «pour le moment, rien n'indique que l'auteur de l'attaque contre la caserne militaire de Bouchoucha appartient à la mouvance terroriste ou partage les idées des jihadistes. L'enquête montrera s'il a agi en solitaire, commettant un acte isolé ou si son acte est à classer parmi les actes terroristes». Il se trouve, contrairement à ce que Belhassen Oueslati s'est efforcé de souligner, que «les premiers éléments de l'enquête auprès de ses collègues révèlent qu'il est porteur de la pensée terroriste et qu'il est considéré comme un religieux dur», comme l'indique à La Presse une source généralement bien informée. La même source ajoute : «La femme du caporal en chef auteur de la boucherie de Bouchoucha, qui est elle aussi une militaire, a déjà informé les autorités concernées que son mari a déjà menacé de rejoindre les jihadistes en Syrie. Quant à la décision de le priver du port d'armes, elle est récente puisqu'il exerçait, il y a tout juste une semaine, sur les frontières tuniso-libyennes». Badra Gaâloul, présidente du Centre international des études stratégiques, militaires et sécuritaires, se pose la question : «Pourquoi a-t-il été sanctionné et privé du port d'armes, et s'il souffre de troubles comportementaux comme l'a dit Belhassen Oueslati, pourquoi n'est-il pas envoyé à l'Hôpital militaire pour être soigné ou au moins subir un traitement chez lui ?». Elle enchaîne : «Ce qui m'intrigue le plus en tant que spécialiste des études sécuritaires, c'est de savoir pourquoi il a été tué, alors qu'on pouvait le maintenir en vie en le blessant aux pieds par exemple. Encore une fois, on laisse la porte ouverte à toutes les interprétations et la voie balisée aux réseaux sociaux pour semer davantage de confusion et de troubles parmi l'opinion publique nationale et internationale». Et si les terroristes revendiquaient l'attaque ? De son côté, Fayçal Cherif, enseignant universitaire et analyste militaire, appelle à la transparence et à une approche d'information intelligente qui «se base exclusivement sur la réalité et rien que la réalité». «Il n'est pas difficile de livrer à l'opinion publique le dossier militaire de l'auteur du massacre pour que l'on sache effectivement s'il souffrait de troubles psychologiques et pourquoi il a été interdit de port d'armes. A mon sens, dévoiler la vérité est à même de contrer les groupes terroristes qui pourraient revendiquer l'attentat et prétendre que son auteur appartient à l'une de leurs organisations. Quand on sait leur intelligence et leur habileté à tirer profit de la cacophonie médiatique entourant de telles opérations, on devrait s'attendre à un coup médiatique de leur part», précise-t-il. Le coup est-il d'origine ou au moins d'instigation terroriste ? Fayçal Cherif préfère attendre les résultats de l'enquête pour trancher. «Pour le moment, je me fie au communiqué officiel, bien que lacunaire et autorisant toutes les interprétations possibles. A ma connaissance, les petits gradés dans l'armée se sentent toujours frustrés et écrasés par leurs supérieurs, surtout lors des moments de crise. Quant à dire que l'auteur du crime constitue à lui seul une cellule terroriste dormante, je ne saute pas le pas pour épouser cette théorie et je préfère attendre l'enquête. Je reste attaché à la nécessité que son dossier soit dévoilé dans sa totalité afin de lever tous les doutes», conclut-il.