De notre envoyé spécial à Milan, Soufiane BEN FARHAT Que serait la Méditerranée sans la Tunisie ? En parcourant la formidable Exposition universelle de Milan, on se dit que, malgré tout, la Tunisie demeure incontournable. Le pavillon national est somme toute bien situé, même s'il est inséré dans le cluster méditerranéen. Il côtoie le gigantesque pavillon italien et le fameux Arbre de la vie. En fait, la présence italienne à l'Expo Milano 2015 s'articule autour de la zone du Cardo. C'est l'un des deux axes perpendiculaires qui, avec le Decumanus, structurent le plan directeur de l'Expo Milano 2015. Si le Decumanus accueille les pays participants, le Cardo offre aux visiteurs une expérience très enrichissante sur le thème de "Nourrir la planète, énergie pour la vie". Et, au bout du voyage dans la Pépinière Italie, se dresse l'Arbre de la vie. C'est une structure iconique qui s'inspire du pavement de la place du Capitole, tel que conçu jadis par Michel-Ange. Elle offre au monde entier les fleurs et les fruits de l'Italie. Structure interactive de bois et d'acier de plus de 30 mètres de haut, l'Arbre de la vie s'allume au fil des heures, caléidoscope de lumières et de couleurs. Le pavillon Tunisie tranche net avec ce qu'il en était au cours des dizaines de participations antérieures à diverses expositions universelles. Jadis, la démarche était un peu dans le style qui trop embrasse mal étreint. C'était même un fourre-tout. On voyait tout et on n'en retenait rien au bout du compte. Cette fois, on a choisi une thématique spécifique, le grand Sud tunisien, avec le fameux Grand Erg oriental et l'oasis enchantée de Gabès. Le tout sous le slogan, «La Tunisie naturellement généreuse». Une idée simple mais porteuse. Comme une sincère déclaration d'amour. Il faut savoir que l'Expo Milano 2015 table sur pas moins de 21 millions de visiteurs de mai à octobre, dont 70 pour cent d'Italiens. C'est dire la formidable opportunité à spectre large pour la Tunisie proche, la Tunisie amie, qui se reconstruit. Et dont l'image a été profondément écornée au cours des dernières années. Divers motifs et assortiments de la Tunisie profonde, la Tunisie du terroir, sont présents. Qu'il s'agisse de la salle d'exposition, du comptoir des ventes ou du restaurant take away, c'est le même topo. Couleurs, saveurs, lumières de Tunisie trônent. Les visiteurs de diverses nationalités raffolent particulièrement du savoureux couscous aux légumes chétoui qu'un chef cuisto habile prépare avec minutie. Le thé à la menthe et le café turc ne sont guère en reste, ainsi que les pâtisseries traditionnelles. Toutefois les dattes l'emportent haut la main. Le renvoi à l'oasis enchantée de Gabès n'est guère fortuit. C'est l'unique oasis maritime encore existante au monde. Elle survit, malgré la pollution et le phosphogypse. Pour M. Samir Azzi, commissaire général-adjoint de l'exposition (il seconde M. Abdellatif Hmem) «il s'agit de mettre en valeur deux idées-phares ; la promotion touristique du grand Sud tunisien et faire valoir la vocation de la Tunisie en tant que premier exportateur mondial de dattes». D'ailleurs l'une des attractions majeures du pavillon Tunisie est incontestablement le court-métrage de cinq minutes écrit et réalisé par le cinéaste Naceur Khmir. C'est une fable, une légende bien inventée, une histoire digne des Mille et une Nuits. Un esprit naissant de l'eau, source de la vie par excellence, tamise les infinies étendues de sable du Sahara, pour découvrir le noyau magique. C'est le noyau du palmier dattier, à l'origine des suaves oasis aux millions de palmeraies, érigées comme les Tunisiens fiers et bien enracinés dans le socle du terroir. Bien évidemment, on aurait souhaité que le pavillon Tunisie soit plus vaste, avec ses 250 mètres carrés aux portions incongrues. Mais ici plus qu'ailleurs, la vastitude a des prix exorbitants. Le souci de comprimer les dépenses est passé par là. N'empêche, ce qui reste, c'est une profonde émotion. La Tunisie éternelle est toujours là, sobre et belle, comme une jolie partition sur les merveilleux rivages de la Méditerranée. Certes, il y a des dépenses qui enrichissent comme il y a des économies qui ruinent. Mais, à voir la débauche des expositions dans des pavillons proches et lointains, on se dit que jamais, au grand jamais, la technologie ne triomphera de l'anthropologie. En parcourant les rues de Milan au bout d'une escapade studieuse dans les arcanes de l'Exposition universelle, on ne peut s'empêcher de se dire, encore et encore, davantage même, que serait la Méditerranée sans la Tunisie ?