BAGDAD — Bagdad a rejeté les critiques américaines sur le «manque de volonté» de l'armée irakienne de se battre contre les jihadistes, tandis qu'un général iranien accusait Washington de n'avoir «rien fait» pour aider son allié irakien à Ramadi. Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a exprimé sa «surprise» après les déclarations du secrétaire américain à la Défense Ashton Carter, les plus critiques d'un responsable américain à l'encontre des autorités irakiennes au cours des derniers mois. M. Carter a regretté, dimanche, sur CNN que l'armée irakienne n'ait «pas montré de volonté de se battre» pour défendre la ville-clé de Ramadi, tombée aux mains des jihadistes le 17 mai. Il a prévenu que le groupe extrémiste sunnite EI ne pourra être battu que par l'engagement des forces irakiennes, même si les Etats-Unis jouaient leur rôle de soutien avec les frappes aériennes, la fourniture d'équipements et l'entraînement des soldats. «Je suis surpris par ce qu'il a dit (...) Je suis sûr qu'il a reçu des informations inexactes», a réagi M. Abadi sur la BBC. La chute de Ramadi, chef-lieu de la province d'Al-Anbar situé à une centaine de kilomètres à l'ouest de la capitale irakienne, a soulevé des questions sur la stratégie, non seulement du gouvernement Abadi, mais aussi des Etats-Unis, proche allié de Bagdad. Plus de 3.000 raids aériens de la coalition internationale menée par Washington n'ont en effet pas empêché l'EI de continuer à renforcer son «califat» proclamé sur un vaste territoire à cheval sur l'Irak et la Syrie. Les Etats-Unis «n'ont rien fait» La critique la plus vive est venue d'Iran où l'influent général Ghassem Souleimani a déclaré que les Etats-Unis n'avaient «rien fait» pour aider l'armée irakienne à Ramadi. «M. (Barak) Obama, quelle est la distance entre Ramadi et la base al-Assad où les avions américains sont basés? Comment pouvez-vous vous installer là-bas sous prétexte de protéger les Irakiens et ne rien faire ? Ceci n'est autre chose que d'être complice d'un complot», a déclaré le chef de la force Qods chargée des opérations extérieures de l'armée d'élite du régime, dans un discours prononcé dimanche soir. Al-Assad est une base où sont notamment stationnés des conseillers américains à une centaine de kilomètres de Ramadi. «Pour lutter» contre l'EI, «il n'y a que la République islamique», a lancé le général Souleimani, qui a été actif en Irak, notamment lors de la reprise, fin mars, de la ville de Tikrit par l'armée et les milices irakiennes selon des médias iraniens. Pour l'expert irakien Ahmed Ali, les critiques de M. Carter sont «surprenantes et sont susceptibles de peser sur le moral des forces de sécurité irakiennes», déjà affecté par les récents revers face à l'EI. Un commandant irakien d'Al-Anbar a, pour sa part, qualifié les propos de M. Carter de «provocation» destinée «à saper la confiance du peuple vis à vis de l'armée». Après la débâcle de Ramadi, M. Abadi a changé de stratégie en faisant appel aux puissantes milices chiites des Hachd al-Chaabi — ou unités de Mobilisation populaire —, jusque-là tenues à l'écart d'Al-Anbar pour éviter de s'aliéner la population majoritairement sunnite. «Mon cœur saigne parce que nous avons perdu Ramadi, mais je peux vous assurer que nous allons la reprendre bientôt», a précisé M. Abadi, en évoquant une opération de «quelques jours». Les forces gouvernementales, renforcées par des tribus sunnites et des miliciens chiites, sont parvenues à reprendre, ces derniers jours, une partie du territoire perdu à l'est de Ramadi La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a pour sa part affirmé que le conflit entre sunnites et chiites n'était «pas une guerre de religion» mais un «conflit de pouvoirs en vue de l'hégémonie régionale». Face à cette situation, «je suis convaincue que la solution ne pourra être que régionale», a-t-elle ajouté.