Par notre envoyé spécial à Abidjan, Jawhar CHATTY L'Afrique est aujourd'hui en marche, la Tunisie ne pouvait, à l'évidence, pas rester en retrait du mouvement. Un mouvement dans lequel le degré d'implication de la BAD est manifeste et ira selon toute vraisemblance crescendo. L'absence tunisienne hier à Abidjan contraste étrangement avec la volonté affichée des autorités tunisiennes de soutenir et d'épauler la candidature... tunisienne à la 9ème présidence de la BAD. De grâce, un peu d'humilité ! L'Afrique n'est sans doute pas l'Europe ou l'Amérique. La BAD n'est sans doute pas non plus la Banque mondiale ou le FMI. Mais l'Afrique est un peu beaucoup notre avenir et la BAD reste un de nos plus gros bailleurs de fonds. Les responsables tunisiens seraient-ils à ce point obnubilés par les problèmes intérieurs pour se distinguer par leur absence hier à l'ouverture officielle à Abidjan des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement? La Tunisie devait être représentée par le ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale, Yassine Brahim, également gouverneur pour la Tunisie à la BAD. Des «imprévus» sans doute ! Rien pourtant ne pourrait, en principe, justifier cette «absence». D'abord, aussi amer et regrettable que pourrait l'être le départ de la BAD de Tunis, le 50e anniversaire de la première institution financière africaine méritait un peu plus d'intérêt de la part d'un pays, la Tunisie, qui, il y a cinquante ans, a activement et significativement été à l'origine de la création de la BAD. Ensuite, le pari que fait la Tunisie sur l'Afrique, tel que souligné à maintes reprises par le président de la République est un pari gagnant. «Standing ovation» pour Kaberuka Six chefs d'Etat ont participé à l'ouverture officielle des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement, le 26 mai. «Merci chers frères de Tunisie», a déclaré le président ivoirien, Alassane Ouattara, dans son discours d'ouverture en hommage à la Tunisie d'avoir abrité pendant plus de onze ans le siège provisoire de la BAD. Saluant le «retour de l'enfant prodige» à Abidjan, le président ivoirien a demandé une standing ovation pour celui que certains considèrent comme étant un des acteurs les plus agissants de ce retour, Donald Kaberuka, président sortant de la BAD. Visiblement ému, celui-ci a dressé un bilan très positif du retour à Abidjan, relevant «une absence d'impact sur les activités et la santé financière de la banque» et ce, grâce, dit-il, à la «coopération étroite entre la Tunisie et la Côte d'Ivoire». La BAD pèse aujourd'hui plus de 100 miliards de dollars. C'est l'une des rares institutions financières internationales qui peut s'enorgueillir d'avoir depuis des années la note triple A. Toute une culture, que l'on pourrait appeler «culture de la BAD», est sans doute derrière cette performance. Un signe qui ne trompe pas : pour la BAD, le 50e anniversaire est «une occasion de se pencher sur la question de l'accroissement de son efficacité dans le domaine de la transformation économique de l'Afrique. «Il importe de ne pas oublier que ce que l'on appelle la «nouvelle Afrique» est un continent composé de 54 pays, répartis dans cinq régions. L'Afrique n'est pas un ensemble monolithique. La seule généralisation que l'on peut s'accorder sans se tromper est celle-ci : l'Afrique est en marche pour planifier, gérer et commencer à financer son propre destin», dixit Donald Kaberuka. Son successeur à la tête de la banque aura du «pain sur la planche», pour reprendre l'expression du président ivoirien. Huit candidats, dont une femme, sont dans la course pour prendre le 1er septembre la relève du président sortant. Jeudi, 28 mai, réunion du Conseil des gouverneurs pour l'élection du nouveau président de la BAD. Les spéculations sur le nom du favori vont bon train. Tout reste possible tant l'enjeu est de taille, stratégique et éminemment politique. Le lobbying, le jeu des alliances et des contre-alliances est très ouvert !