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Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 28 - 05 - 2015


Par Hédi BEN ABBES*
M. Béji Caïd Essebsi, président de la République tunisienne,
C'est avec tout le respect dû à votre rang et à votre fonction que je m'adresse à vous, en tant que simple « citoyen » convaincu de votre sens de la responsabilité et votre patriotisme.
Monsieur le Président, rares sont les moments qu'offre Clio, la muse de l'histoire, à ceux qui sont capables de les saisir, pour marquer de leur empreinte le destin d'une nation. Le peuple tunisien vous a élu pour présider à sa destinée à l'un de ces moments névralgiques qui se déploie sur le déroulé de l'histoire de cette nation, plusieurs fois millénaire. Le moment est aussi grave qu'exaltant et comporte à la fois des risques incommensurables mais aussi une lueur d'espoir qui, si elle n'est pas saisie et amplifiée, plongerait notre chère patrie dans des ténèbres, dont nul, hormis le Tout-Puissant, ne connaîtrait l'issue.
M. le président, depuis votre élection le 22 décembre 2014 en tant que président de la IIe République, le peuple tunisien a placé sa confiance en vous, rassuré qu'il était et l'est encore, je l'espère, par l'étendue de votre expérience et la sagesse et la pondération qui sont censées en découler. Ce peuple est aujourd'hui en droit de vous voir assumer pleinement vos fonctions, d'être conforté dans le choix de votre personne et d'adhérer aux valeurs de la démocratie.
Aujourd'hui, vous êtes le président de tous les Tunisiens sans exception et cela suppose que l'on est en droit de vous voir exprimer votre vision et fixer le cap pour l'avenir de cette patrie qui nous est très chère. Or, cette vision et ce cap tardent à venir alors que le désespoir gagne les esprits et les cœurs et du désespoir naissent les idées les plus obscures et les projets les plus rétrogrades. Sans vision ni cap fixés, la patience s'essouffle, les plus farouches des volontés s'érodent et laissent la place au discrédit de la classe politique ainsi qu'au désintéressement de la chose politique qui, comme vous le savez, est la gangrène qui menace toutes les démocraties naissantes.
M. le Président, aujourd'hui la Tunisie est à court de vision, de cap, de programme et de projets. Pendant ce temps-là, nous sommes tous saisis par un désarroi dû à la perte de tout ce qui fait une nation digne de ce nom, à savoir : ses repères identitaires, ses valeurs, son éthique, sa cohésion, sa communauté de destin, sa foi dans le présent et l'avenir, des valeurs dont le président de la République est non seulement le garant de leur pérennisation mais aussi le rempart contre toute dérive éventuelle. Et des dérives on n'en a que trop d'exemples. Nul ne peut feindre d'ignorer l'axiome selon lequel là où il y a moins d'Etat prolifèrent l'arbitraire et l'anarchie. L'insécurité qui habite les rues et les esprits, la sclérose de notre administration, l'obsolescence de notre système éducatif, la déliquescence de notre système bancaire et fiscal, les inégalités qui se creusent, l'effritement des valeurs, j'en passe et des pires, sont quelques-uns des maux qui rongent notre système de gouvernement pour cause de faiblesse de l'Etat et de la puissance publique.
Il est grand temps Monsieur le Président, de dire la vérité au peuple et de la manière la plus transparente et la plus simple, à commencer par la seule question qui vaille : sommes-nous prêts à sortir de notre sous-développement humain et matériel et à faire l'inévitable saut dans la modernité du XXIe siècle ? Si la réponse est positive, et j'espère qu'elle le sera, il faudrait alors se donner les moyens pour convaincre le peuple, il faudrait alors mettre chaque Tunisien devant ses responsabilités et lui faire comprendre l'importance de ce tournant historique que connaît la Tunisie et la nécessité de sacrifier le présent pour sauver l'avenir. Le désir d'Otium (impossible retour en arrière et impossibilité d'envisager le futur), l'immobilisme actuel ne fait qu'aggraver une situation déjà bien grave. Quoi d'autre que l'action volontariste et courageuse d'un président de la République pour créer la dynamique positive dont le pays a besoin ? Il faudrait alors dire l'indicible et faire rêver un peuple en mal d'idéal.
Monsieur le Président, nul ne doute ni de votre bonne volonté ni de celle de votre gouvernement, mais la bonne volonté ne suffit pas pour redonner espoir au peuple et assurer l'efficience de l'action de l'exécutif. Fort d'une majorité confortable à l'Assemblée des représentants du peuple, jouissant d'un soutien indéfectible de la plupart des puissances régionales et internationales, ayant un mandat complet, nous attendons de vous un double engagement relatif au modèle social et économique que l'ensemble de l'exécutif se doit de décliner en programme cohérent, chiffré et daté tout en trouvant les arguments nécessaires pour impliquer tous les Tunisiens sans exception dans la mise en œuvre de ce modèle. Vous n'êtes pas sans savoir que c'est le premier rôle que doit jouer un président de la République et le rôle du politique en général dont la mission consiste à convaincre et à fédérer toutes les forces vives de la nation autour du seul projet qui vaille, celui d'une nation unie et responsable, une nation inclusive, ouverte et fière, une nation dont les enfants prennent leur destinée en main.
Monsieur le Président, ce ne sont pas les compétences qui manquent en Tunisie, ni les solutions techniques à ses problèmes économiques et sociaux, nous n'allons pas réinventer la roue, les remèdes sont connus et ont déjà fait leur preuve ailleurs, ce dont la Tunisie a besoin aujourd'hui c'est de politique dans le sens le plus noble du terme. De ce que le père fondateur de la Tunisie moderne, le président Habib Bourguiba, avait qualifié de ciment sans lequel d'édifice de la nation ne peut tenir. La période que la Tunisie traverse aujourd'hui est politique par excellence. Or, la politique est aujourd'hui discréditée par ce que nous voyons au quotidien, à longueur de colonnes de journaux, de plateaux de télévision et de radio : c'est la démonstration de notre médiocrité et de notre incapacité à redonner à la chose politique ses lettres de noblesse, alors que la politique se doit d'être élevée au rang d'un art qui donne sens aux fragments. Or, ce que nous constatons aujourd'hui chez la classe politique et chez l'exécutif dont il est issu, c'est le gaspillage de toutes ses bonnes volontés par manque de cohérence et de coordination, par manque de politique sans laquelle aucune synergie ne peut se développer pour donner du sens à l'incohérence actuelle comme le dirait Averroès, l'adepte de la pensée socratique. Sans le courage de ses idées on ne peut prétendre à une quelconque place sur l'Olympe de l'Histoire. Pourtant, c'est de courage politique dont nous avons besoin. D'abnégation et d'amour pour ce merveilleux pays qui est le nôtre dont nous avons soif, et de disponibilité, car on ne peut être disponible pour les autres que lorsqu'on est moins disponible pour soi.
Monsieur le Président, contrairement à ce que dit le dicton, j'affirme qu'à l'impossible nous sommes tous tenus si nous souhaitons relever le défi de la modernité et du développement, à commencer par le devoir d'exemplarité. On ne fait pas de la politique pour être important, on la fait pour être utile. La politique n'est ni un métier, ni une source d'enrichissement, ni une fin en soi, la politique est une vocation qui fait appel à ce « je ne sais quoi » de Jankelevitch, à cette force intérieure qui donne du sens à l'action de l'Homme et modifie le courant de l'histoire. Vous avez toujours pris Bourguiba comme modèle et nous souhaitons que cet engagement le soit aussi bien dans la forme que dans le fond et c'est ce fond qui nous fait défaut aujourd'hui. Cette volonté de puissance qui, en dépit des difficultés actuelles, peut redonner espoir à un peuple qui a soif d'exemplarité. Un peuple qui veut encore y croire mais à qui il manque des preuves tangibles de cette volonté d'assurer l'avenir de ses enfants et ses petits-enfants. Un peuple qui ne peut consentir à faire des sacrifices que s'il est assuré que ceux à qui il a confié sa destinée sont à la hauteur de la mission, prêts au don de soi et à être en première ligne, à faire le saut qualitatif dont nous avons tous besoin.
«Il n'y a de vent favorable que pour celui qui sait où il va», disait Sénèque, force est de constater qu'il n'y a nul besoin de boussole quand le cap fait défaut et c'est à vous, Monsieur le Président, de fixer ce cap et de le définir, à vous de fixer le cadre de l'action de votre gouvernement pour que les talents qu'il recèle puissent travailler de concert visant les mêmes objectifs. Ce cadre, cette philosophie politique nous font défaut aujourd'hui Monsieur le Président. Les actions individuelles de chacun des ministres ne peuvent produire d'effets positifs que si elles s'inscrivent dans le cadre d'une vision claire dont la méthode est le squelette et la politique les points d'articulation. Or cette débauche d'énergie, chez l'exécutif, ne trouve aucun cadre pour l'orienter, aucune coordination, et aucune méthode à-même d'assurer son efficience. Vous avez, Monsieur le Président, la hauteur et le recul nécessaires pour canaliser ces énergies et leur donner un sens et une direction. Vous êtes le mieux placé pour savoir que l'ennemi de l'action politique est l'improvisation. Car l'improvisation est l'expression de l'absence de vision et de méthode. Dès lors qu'il s'agit de la destinée de tout un peuple, l'improvisation devient antinomique à la responsabilité. L'improvisation ne peut être érigée en mode de gouvernement.
Vision, cap, programme, projets et méthode sont les maîtres-mots d'un mode de gouvernance dont la Tunisie de demain a grandement besoin. J'estime que, du haut de votre expérience, il est légitime pour tout un peuple d'aspirer à en récolter les fruits. A moins d'un sursaut républicain de votre part et d'une mise en œuvre des prérogatives que vous confère la Constitution, je crains que Clio, la muse de l'histoire, ne détourne le regard de notre Tunisie et qu'avec elle ne s'évapore l'espoir de tout un peuple de sortir de sa torpeur et de son sous-développement.
Avec mes plus hautes considérations.
*Citoyen tunisien


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