L'échec de l'initiative du Dialogue national prônée par le Quartet a plongé une bonne partie de l'opinion publique tunisienne dans la consternation, tant le pays attend avec impatience une sortie de crise. Fidèle à sa promesse de préciser la responsabilité de cet échec, Houcine Abbassi, secrétaire général de l'UGTT a accusé Ennahdha de paralyser la démarche, estimant que son dernier communiqué est « ambigu et permet des manoeuvres, des interprétations et des lectures diverses ». Il ne lui restait plus qu'à affirmer : "Nous tenons à notre initiative et nous allons oeuvrer à la faire appliquer en nous appuyant sur nos propres forces et sur notre peuple avant tout". La suite de cette déclaration n'a pas tardé. C'est ainsi que la Commission administrative de l'UGTT, réunie l'après-midi même, dans la même salle où s'était tenue la conférence de presse, a décidé le lancement d'une série de manifestations dans les régions devant aboutir à un grand rassemblement dans la capitale. Il s'agit-là selon des syndicalistes d'un premier degré de mobilisation devant montrer à la Troïka et plus précisément à Ennahdha la capacité de la centrale syndicale à exercer son poids, à partir de toutes les régions du pays. Ni grèves régionales ou sectorielles tournantes, ce que tous craignent sans doute, mais des manifestations. Qu'en est-il pour la suite ? La Commission administrative a gardé sa réunion ouverte pour envisager les prochaines étapes à entreprendre, ce qui confirme la volonté de Houcine Abbassi de laisser encore la porte ouverte à Ennahdha.
De leurs côtés, les autres membres du Quartet, l'UTICA, la LTDH et l'Ordre des Avocats doivent revenir vers leurs instances pour décider des positions à prendre. Ouided Bouchammaoui a bien souligné lors de la conférence, samedi, que son alerte quant à l'extrême gravité de la situation économique et l'urgence d'une sortie de crise n'a pas l'écho nécessaire auprès de la Troïka. Elle doit aujourd'hui en référer à son conseil national, sachant que la marge de manœuvre de la centrale patronale reste réduite ne pouvant recourir à des arrêts de travail ou appeler à des fermetures d'entreprises, même si certains employeurs l'envisagent sérieusement. Le bâtonnier Mohamed Fadhel Mahfoudh devra de son côté tâter le pouls de ses confrères membre du bureau national pour convenir de la suite à réserver dans ce bras de fer qui s'annonce. Il en sera de même pour Abdessettar Ben Mooussa, avec les instances de la Ligue.
Quant au mouvement islamiste, il est clair que son aile dure continue à exercer tout son poids pour céder sur les principaux points de la feuille de route élaborée par le Quartet. Il s'agit notamment pour ce qui est de la formation immédiate d'un gouvernement de compétences nationales et la limitation des attributions et de la durée de l'Assemblée nationale constituante. Peut-on espérer de meilleures prédispositions à l'issue de la réunion du Majliss Echoura ce weekend ? Les optimistes y fondent des espoirs, sans s'attendre à une avancée majeure.
Moncef Marzouki, parti à New-York pour toute la semaine, prendre part à l'Assemblée générale de l'ONU, ne sera d'aucun appui pour la reprise des concertations. Mustapha Ben Jaafar, leader d'Ettakatol et président de l'ANC, et qui essaie tant bien que mal à faire valoir sa poids, pourrait intervenir efficacement pour lever ce blocage. En attendant, la Tunisie s'expose, encore plus chaque jour, à tous les risques.