Le SNJT organise une journée de soutien aux journalistes emprisonnés    Tunisair : le programme des vols de et vers la France pourrait être impacté à cause de la grève    Situation à G-a-z-a: La CIJ prononce son verdict    Gafsa : Une usine clandestine de fabrication de boissons alcoolisées démantelée    Envirofest Tunisia , le festival du film environnemental, se déroule du 24 au 29 mai 2024 à Tunis    Jaouhar Ben Mbarek empêché de se défendre devant la Cour d'appel    Guerre en Ukraine: Situation actuelle (Ambassade d'Ukraine en Tunisie)    Mort du président iranien : Le rapport d'enquête est tombé, il n'y aura pas de combat contre Israël    14e édition du Prix Orange de l'Entrepreneur Social en Afrique et au Moyen-Orient    Tunisie : Réserves en devises de la BCT au 23 Mai 2024    Tunis accueille l'exposition "Ce que la Palestine apporte au monde"    Coopération bilatérale: Ouverture d'une ambassade ukrainienne en Mauritanie    Ahlem Kamerji : le président de la République est le premier à être lésé par ce qui se passe !    Officiel: Le FC Barcelone se sépare de son entraîneur Xavi    Anouar Ben Ammar, DG de Ennakl Automobiles: La mobilité électrique est une opportunité en or    Tournoi des Esprits 2023-2024 : La cérémonie de clôture de "IFM School » célèbre l'excellence des Lycéens    Mise en échec de 33 opérations de franchissement illégal des frontières maritimes    Aram Belhadj : il faut arrêter de transformer les chiffres en propagande !    Revue de la semaine du 17 au 24 mai 2024: Les avocats organisent une grève générale nationale    Miguel Cardoso : L'EST vise la gloire en finale de la Ligue des Champions de la CAF    Daily brief régional du 24 mai 2024: Béja: L'hôpital régional se dote de 10 nouveaux appareils de dialyse]    Tunisie-Suisse : Alliance juridique contre la corruption financière transfrontalière    Elon Musk au salon Vivatach 2024 : Le propriétaire de X conseille d'éloigner les enfants des réseaux sociaux    La lutteuse tunisienne Islem Hemli remporte la médaille d'or au championnat arabe de lutte féminine    Supposée « présence de membres de Wagner à Djerba » : L'ambassade de Tunisie en France rejette fermement les allégations de la chaîne d'information LCI    Salon de la création artisanale : Les bonnes raisons pour valoriser les métiers de l'artisanat    Météo en Tunisie : pluies éparses attendues sur les régions du Nord-Ouest et du Centre    REMERCIEMENTS ET FARK : Dahmani MEDDEB    Al Ahly – EST : À quelle heure et sur quelle chaîne voir la finale ?    «Arts visuels en Tunisie, Artistes et institutions 1881-1981» de Alia Nakhli : Un document essentiel    «Ground Zero», 22 films tournés à Gaza projetés à Cannes : Des moments poignants et touchants    «Le grand procès des femmes qui écrivent» : Hommage aux écrivaines dans un spectacle littéraire unique    Hajj 2024 : Départ aujourd'hui du premier vol au départ de Sfax, 277 pèlerins de Sidi Bouzid    Indice Couscous – Mai 2024 : Combien Coûte un plat de couscous pour 4 personnes en Tunisie ?    Démantèlement d'un réseau de falsification de diplômes à Kairouan    Effondrement d'un immeuble de 5 étages à Casablanca    Tabac : l'OMS dénonce le marketing qui séduit les jeunes    Ligue 2 – 23e jpurnée – Demain et dimanche : La JSK peut-elle freiner Jendouba ?    L'US Tataouine remporte le derby de la délivrance : Mission accomplie    Fédérations sportives : La mauvaise gestion !    Carthage Cement augmente de 55% son résultat net en 2023    L'Algérie signe un contrat pour la réalisation des installations de Boosting dans le plus grand gisement de gaz naturel en Afrique    Présidence de la République : Le Chef de l'Etat présente ses condoléances aux dirigeants et au peuple iraniens    Jennifer Lopez et Ben Affleck au bord du divorce ?    Prix des 5 continents de la Francophonie 2024-2025 : L'appel à candidatures se poursuit jusqu'au 31 juillet    Mexique : 9 morts et 50 blessés dans l'effondrement d'un chapiteau    En photos : Kaïs Saïed présente ses condoléances en Iran    Le Groupement Professionnel de l'Industrie Cinématographique de la CONECT appelle à la réforme du cinéma Tunisien    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Pourquoi donc rien ne change ?
Publié dans Leaders le 12 - 10 - 2014

Les gouvernements se suivent et ne se ressemblent pas, et pourtant rien ne change. Il n'est donc pas question de les mettre tous dans le même sac. Mais il faut reconnaître que les espoirs de changement restent vains.
Une situation que tous les Tunisiens vivent avec un pessimisme de plus en plus prononcé. Pourquoi un pays dont tout le monde s'accorde à dire qu'il a des potentialités importantes, en dépit de ses faibles ressources naturelles, réalise-t-il des performances si médiocres depuis tant d'années ?
Pourquoi le décollage économique qui aurait pu s'enclencher depuis la fin des années 90 n'a-t-il jamais eu lieu ? Le système politique et la corruption qui l'a accompagné ne peuvent à eux seuls expliquer la spirale négative qui a aspiré l'économie tunisienne vers le bas. La réalité est que la Tunisie s'est positionnée très tôt comme une économie à bas coûts et basse qualité. A l'image du tourisme, un beau pays où les Européens peuvent séjourner pour moins cher que le total d'un ticket de caisse de supermarché. Ce positionnement, la Tunisie l'a voulu, mais si on ne pouvait faire mieux au début, l'erreur a été de ne pas savoir en sortir jusqu'à aujourd'hui, quarante ans plus tard.
Mais plus encore, ce positionnement a touché l'ensemble des activités et structures du pays, car pour maintenir ce positionnement «low-cost», il a fallu rogner de plus en plus sur la qualité, maintenir les salaires au plus bas, et renoncer à tout espoir de montée en gamme. Un tel positionnement ne peut être durable, tant ses effets sociaux sont désastreux à long terme. Le positionnement doit changer et la Tunisie doit avoir des objectifs qualitativement élevés, arrêter de regarder derrière et multiplier les efforts pour aller de l'avant. Ce virage que la Tunisie n'a pas su prendre a provoqué des dégâts importants du point de vue économique. On pourrait, pour se donner bonne conscience, mettre cela sur le dos de la dictature d'un voyou-président, totalement ignorant des questions économiques, mais cela serait une erreur supplémentaire dont la Tunisie n'a pas besoin aujourd'hui.
La réalité est bien plus prosaïque, elle tient à un système que les Tunisiens ont construit de leurs propres mains et dont ils peinent à sortir par manque de courage et aversion du risque. C'est au moment des grands choix que la Tunisie a toujours failli, au niveau de l'Etat mais aussi au niveau du tissu économique tout entier. Le pays ne s'est jamais donné les moyens de son ambition. L'économie tunisienne est restée enclavée, dirigiste et centralisée, et cela convenait bien à de nombreux entrepreneurs au profil de rentiers.
Cette situation a fini par convenir à tous, une sorte de connivence entre le secteur public et le secteur privé, où les lois et réglementations d'une part, les subventions de l'autre assuraient la rente à l'investisseur et le pouvoir sur la rente à l'administration. Cela est d'autant plus dramatique que ce système alimentait en permanence le modèle « low-cost », en conduisant à des coûts des services de base très élevés, du fait d'une baisse importante de la productivité et des coûts cachés subis par l'économie, ce qui évidemment réduisait encore notre compétitivité et nous condamnait plus encore à la paupérisation.
La question de la montée en gamme de l'économie tunisienne a donc été mise à l'ordre du jour au cours de la dernière décennie, preuve que certains avaient compris la problématique et cerné le diagnostic. Mais voilà, le diagnostic seul ne suffit pas, et il est difficile d'envisager de confier le malade aux charlatans, médecins-marabouts, responsables de sa maladie, et d'en espérer une guérison. Le récent rapport de la Banque mondiale, intitulé «La révolution inachevée», est un concentré d'analyses économiques et sectorielles comme il n'y en a jamais eu auparavant en Tunisie.
Et même si on peut et doit en contester certaines conclusions, il devrait devenir un document de référence, le livre de chevet de tous les politiques, les économistes, voire, pourquoi pas, faire l'objet d'analyses et critiques approfondies dans les travées de l'université tunisienne. Mais j'ai bien peur qu'encore une fois, on rejette ce document sous le seul prétexte de son origine.
Ce rapport montre qu'au-delà de leur quatrième année d'existence, les entreprises tunisiennes ne créent plus d'emplois et même en détruisent. Tout cela dans un environnement protégé et subventionné. Quatre ans, c'est extrêmement court dans la vie d'une entreprise, ce qui laisse penser que dans l'environnement tunisien, l'entreprise vit un cycle entier, création-croissance-maturité, en quatre années, un cycle court en somme. Cela témoigne d'un manque d'ambition de l'entreprise tunisienne qui, très rapidement, atteint un palier qu'elle peine durablement à franchir.
Là où l'analyse est pertinente, c'est que nous avons effectivement besoin de faire sauter les verrous multiples qui freinent notre économie. Il y a des verrous liés aux accumulations de lois et règlements, autorisations et procédures diverses, mais il y a aussi des verrous issus d'une forme de conservatisme de la société tunisienne. De la politique des étapes de l'époque bourguibienne au consensus aujourd'hui en vogue, tout cela témoigne d'une certaine volonté de ronronnement du système. Le Tunisien n'aime pas être bousculé. Pourtant ce même Tunisien plongé, à l'étranger, dans un cadre ouvert et favorable est souvent plus créatif et même performant. Preuve que l'environnement tunisien structurellement sclérosé est le premier responsable des entraves au développement économique.
La question n'est pas tant de légiférer que d'abroger. Le cadre législatif est déjà extrêmement lourd en Tunisie, et nous avons besoin de l'assouplir. Réduire les autorisations préalables, supprimer les entraves à l'entreprise, et libérer les énergies. En échange, il faut renforcer les contrôles a posteriori et sanctionner la fraude. Pourtant, nous continuons à vouloir mettre en place des lois et règlements et verrouiller encore plus le système. En fait de système, il s'agit d'un équilibre atteint en fonction d'un certain nombre d'intérêts contradictoires dans un contexte de rapport de force donné. Combattre le système revient à s'opposer à l'ensemble des forces en présence pour lesquelles le système est devenu une protection efficace et durable. Un parapluie, même par beau temps.
Plus d'autorisations préalables, moins de financements, plus de numerus-clausus, tout cela entretient le statu quo, évite d'ouvrir le marché à la vraie concurrence et permet à l'Etat, en contrepartie, de fixer les règles du jeu et les prix. Globalement, depuis trente ans, ce que l'Etat libéralise de la main droite, la main gauche le socialise. En contrepartie, c'est moins de création de valeur, d'emplois et donc moins de ressources pour les entreprises et l'Etat.
Il se crée, finalement, une forme de torpeur généralisée qui gagne les politiques, soutenus en cela par une majorité de l'opinion publique, pour maintenir un système inefficace mais qui sauvegarde les apparences, plutôt que de prendre des risques pour en changer. Pourtant, ce n'est qu'en sortant de cette zone de confort, qui ne fait plus illusion, que nous pourrons sortir la Tunisie de son sommeil. En réalité, la Tunisie a toujours cherché à éviter de prendre une position claire par rapport à la mondialisation, alors que face à ce genre de questions, ne pas prendre position, c'est se condamner. Certes, pour éviter la thérapie de choc, du passage d'une économie protégée à une économie ouverte, la Tunisie a cherché à mettre en place des mesures d'accompagnement, mais elles ont trop duré et ont fini par se transformer en privilèges, pire en perfusion continue. Mais surtout, cela a exclu une bonne partie de la population des opportunités offertes, restée spectateur de la prime à la rente.
Et que l'on ne s'y trompe pas, il ne s'agit pas d'un plaidoyer pour une économie libérale, loin s'en faut. Mais il s'agit de renoncer clairement à l'économie dirigiste, favoriser l'investissement dans des conditions équitables et transparentes, tout en conservant à l'Etat un rôle fort de régulateur avec une vraie capacité d'amortissement des inégalités. Un Etat performant et efficace, voilà tout. Plutôt que de cliver et opposer le secteur public au secteur privé, il faut asseoir les rôles de chacun. Au secteur privé de prendre des risques pour aller plus loin et au secteur public d'assurer les conditions de la performance. Aujourd'hui, nous n'avons ni l'un, ni l'autre.
Il ne sera pas facile de passer de la culture de la médiocrité à celle de l'excellence. Pourtant, la Tunisie n'a pas d'autre alternative. Il faudra du courage et des sacrifices pour combattre le système de l'intérieur, et le gouvernement qui voudra le faire, quel qu'il soit, devra d'abord compter ses soutiens. Ils ne seront pas légion. Réorganiser, restructurer et responsabiliser doivent devenir les maîtres mots des politiques publiques. Mais quand? La question reste ouverte.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.