Tunisie – Jendouba : Deux jeunes de 17 et 18 ans se noient dans des lacs de montagne    Tunisie – Siliana ; Saisie de plus de 28 tonnes de fourrage subventionné destiné à la spéculation    Maroc : Un ambitieux contrat avec le n°1 mondial pour doubler les nuitées touristiques    Parution de l'édition d'Avril 2024 du Magazine "TN le Mag"    Le bilan s'élève à 35 562 martyrs à G-a-z-a, la plupart sont des femmes et des enfants    Tensions commerciales entre la Chine et l'UE : Pékin lance une nouvelle enquête    Egypte – Baisse de 60% des revenus pour le Canal de Suez !    Arrestation de la journaliste Thouraya Ferchichi    Concours mondiaux 2024 : Médailles en rafale pour l'huile d'olive tunisienne    Refus de libération de Sonia Dahmani    Comment est choisi le nom du plat tunisien « Nwasser » ?    Tunisie : Engagement pour la recherche technologique en santé    Prologation des délais d'inscription au programme d'appui aux PME en difficulté    Gabès : Vent de sable réduisant considérablement la visibilité    Appel à Kais Saied : Plafonnement urgent des prix des viandes rouges    Mort du président iranien : Ses funérailles auront lieu demain    Le 225ème anniversaire de la naissance d'Honoré de Balzac    Algérie : Tebboune confirme le seuil des 400 milliards de dollars de PIB en 2027, et ce n'est pas tout…    Netanyahou visé par un mandat d'arrêt de la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité    Daily brief régional du 20 mai 2024: Korba: 23 migrants tunisiens portés disparus en mer    Abdellaziz Ben-Jebria: Passion Pulmonaire    Tahar Bekri: Arbre du voyageur    Prix de l'or au 17 Mai 2024 : Informations essentielles sur les prix de l'or en Euro, Dollar et Livre Sterling    WWF Afrique du nord et Attijari bank Tunisie signent un accord de partenariat stratégique    Intervention chirurgicale réussie pour Ali Maaloul    Classement WTA : Ons Jabeur toujours dans le top 10    Urgent : Sonia Dahmani, aujourd'hui devant la justice    Mort du président iranien : Ce pays annonce une journée de deuil national    Les partis progressistes appellent à la libération des détenus politiques    Athlétisme : Mohamed Amine Jhinaoui qualifié pour les JO    Expatriés : Ltaief rejoint Twente    Une vague d'attaquants buteurs qui émerge en championnat : La piste à ne pas sous-estimer    Le CA à la croisée des chemins : Dépassionner les débats et choisir...    17e session de la commission mixte irako-tunisienne : Pour des relations économiques plus intenses entre la Tunisie et l'Irak    La Tunisie proclame sa solidarité avec l'Iran    Observatoire National de l'Agriculture : Le prix du poulet a reculé de plus de 7%    Symposium international, à Beit al-Hikma : Trois jours pour imaginer l'avenir du monde    «Goodbye Julia» de Mohamed Kordofani, actuellement dans les salles : La déchirure    Entre histoire et légende : Voyage envoûtant au cœur de la Cité Interdite et de la Grande Muraille de Chine    Les Filles d'Olfa remporte trois prix lors de la 8e édition des Prix des Critiques pour les films arabes    Comment va s'organiser la succession du président iranien ?    ISIE : Début de l'actualisation du registre électoral    Météo : Températures atteignant les 43 degrés au sud    Décès confirmé du président iranien Ebrahim Raïssi    Le président colombien réagit au tifo de l'Espérance sportive de Tunis    Classement des gouvernorats par nombre de lits dans les hôpitaux publics    Rencontre avec les lauréats des prix Comar d'Or 2024    Ce samedi, l'accès aux sites, monuments et musées sera gratuit    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Marzouki face à son « peuple citoyen », discours de la négation, naissance d'un populisme
Publié dans Leaders le 24 - 12 - 2014

Le discours de Marzouki devant des milliers de jeunes « électrisés » hier soir n'est pas une banalité ou un fait divers de la fin d'une campagne soldée par son échec électoral. Non, c'était bien l'annonce d'une rupture et d'un projet politique nouveau » au nom de la Révolution.
Dans un discours au ton violent et passionnel, Marzouki invente un autre peuple, celui du « peuple citoyen », notion puisée dans l'imaginaire révolutionnaire jacobin de la Révolution française et qui va prospérer à la faveur de l'éclosion des mouvements révolutionnaires en Europe aux XIX et XX siècles, jusqu'à la montée des fascismes et populismes de gauche comme de droite et d'extrême droite.
Marzouki se rebelle contre Ennahdha
Le ton de la rupture avec Ennahdha était clair, il cherchait par là à se débarrasser de sa tutelle. Jusque là vu par une large partie de l'opinion comme une « marionnette » du parti islamiste qui l'a fait président, Marzouki voulait hier rompre définitivement avec cette image aliénante. Sa revanche sur ses parrains d'hier, il veut l'imposer au « peuple » même d'Ennahdha , public qu'il a tant courtisé des mois durant, cherchant ses voix. En l'appelant hier à s'affranchir avec lui pour devenir « le peuple citoyen » il cherchait ouvertement à le dévoyer, à le réincarner par un discours de la « régénération ».
Le citoyen contre l'individu
Sur le même ton, Marzouki, sorti des élections gonflé par 1,3 million de voix, se présente en conquérant et promoteur du « citoyen vertueux », un citoyen qui n'existe pas pour lui, comme simple individu en société, mais qui ne peut exister que dans la posture de l'éternel insurgé contre tous les « vices », contre l'injustice, contre la corruption, contre le mal. Le citoyen prôné hier par Marzouki ne peut être que l'incarnation d'une utopie qui a surgi dans la tête de Marzouki même, celle d'inventer un peuple « aguerri », révolutionnaire et de le dresser contre la société « siège de tous les vices » et indignement représentée par les élites décriées hier par le « président du peuple » qui s'oppose ainsi « dignement » au « président des élites » celui élu par un autre peuple, celui tunisien.
La promotion du citoyen « vertueux », conduit à la négation simple du citoyen tel qu'il existe dans le réel. Il est de ce fait une illusion puisque renvoyé à un principe abstrait, celui de la révolution qui n'est pour le citoyen ordinaire qu'un événement contingent aussi exceptionnel soit-il mais qui, dans la tête de Marzouki, est un idéal en incessante réalisation, toujours à parfaire parce que imparfait.
Un peuple qui n'existe pas, contre un peuple qui existe
Images et mots se bousculaient hier dans sa tête en laissant jaillir toutes les contradictions et ambigüités : crier au complot « des urnes » pour préparer une conspiration « insurrectionnelle » et faire le procès de la démocratie naissante au nom d'une utopie démocratique ; opposer l'archaïsme du peuple à la société civile moderne et organisée. A aucun moment il n'a fait usage des notions structurantes comme celle de société ou de société civile. A aucun moment il n'a évoqué la femme tunisienne qui a voté massivement pour son concurrent. Son adversaire, pourtant victorieux des suffrages n'avait pas de place dans son discours ; il fallait justement l'ignorer parce que représentant des « vieilles élites décadentes » face « au nouveau « guide du peuple citoyen ».
Par son jeu de mots et d'images, il a simplement opposé un peuple qui n'existe pas à un peuple existant ; par son « citoyen » nouveau, il a nié l'individu pragmatique et modéré construisant sa citoyenneté à partir de ses références habituelles.
Il ne manquait à son discours qu'un élément pour compléter la« cohérence révolutionnaire » : l'appel à la démocratie directe ou au pouvoir direct du « peuple souverain » qui a marqué dans les annales les pires moments de la terreur robespierriste d'après la révolution de 1789 jusqu'aux abîmes deGueddafi dans la Libye voisine. Ce pas a failli être franchi puisque le mot « le pouvoir au peuple souverain » revenait tel un refrain tout le long du discours.
En opposant hier peuple à élites, il a versé dans le populisme le plus cru, populisme qui a servi de réserve idéologique aux pires violences contre l'UGTT, contre les militants politiques et contre toutes les manifestations publiques qui ne plaisaient pas à ces missionnaires de la « violence purificatrice ».
En bref, le discours de Marzouki rappelleaussi les discours fondateurs du fascisme du temps de Mussolini: on fait appel à une entité sacralisée, le peuple"déifié" qu'on dresse contre un ennemi intérieur qu'il faut extirper au nom de la vertu révolutionnaire, ensuite on maquille ce populisme haineux et hargneux par un vernis de citoyenneté trompeuse, le tout donne une justification à toutes les dérives violentes et autoritaires.
Une droite populiste organisée et totalitaire en projet
Hier Marzouki a tout simplement annoncé la naissance d'une droite populiste organisée et totalitaire. Quelles sont les chances de succès d'un tel projet ? Historiquement les projets populistes se sont nourris des frustrations et des crises profondes des sociétés qui les ont vus naître, ainsi que de la capacité de personnes démagogues et ambitieuses à pouvoir s'en servir pour canaliser et orienter les colères et en faire des forces de frappe insurrectionnelles.
Ce ne sont ni les frustrations ni les crises qui manquent à la notre. Les violences protestataires dans les fiefs électoraux de Marzouki au sud du pays et dans certains foyers de l'exclusion pourraient constituer les premiers terreaux de cette « genèse rêvée » du populisme. Reste que beaucoup de choses dépendront de la manière dont la société sera gouvernée par les nouvelles élites portées au pouvoir, de la manière aussi dont les réponses seront données aux problèmes, sociaux, culturels et idéologiques d'une jeunesse aux abois.
Sinon, le net recul de l'islam politique et les désillusions qu'il provoquera, les limites et ambigüités du discours politique du réformisme tunisien réactivé à la faveur de la montée de NidaaTounes, la crise durable des idéologies de gauche ; tout cela risque de perpétuer un vide propice à l'éclosion de tous les populismes et notamment de ceux qui trouveront un chef, incarnant l'enfant du peuple et l'image du guide d'une révolution toujours rêvée, mais jamais accomplie.Marzouki l'a bien dit hier « je suis cet homme providentiel » pour un peuple « idéal ». Pourtant, il le sait, ce peuple « réservoir » qu' il rêve de guider est aussi fait des membres des LPR interdits pour violences, auxquels il voudrait additionner d'éventuels désenchantés d'Ennahdha, des anciens activistes des petits partis de l'extrêmes, le tout servirait de carburant à une lame de fond dont il détiendrait seul les secrets.
L'histoire n'est jamais un progrès linéaire de la raison, elle peut enfanter les pires folies..


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.