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Rym Msadek: l'étoile tunisienne à Princeton
Publié dans Leaders le 18 - 03 - 2010

Elle venait tout juste de débarquer de Paris où elle avait obtenu, il y a un an son doctorat en océanographie physique et climat et s'apprêtait à s'engager dans une nouvelle vie à l'Université de Princeton, aux Etats Unis en tant que chercheur au "Geophysical Fluid Dynamics Laboratory". En traversant, pour la première fois, les rues de cette ville, construite autour de son campus, Rym Msadek, 28 ans à peine, se dit qu'elle a vraiment de la chance de travailler dans cette prestigieuse université entourée de prix Nobel et de grands noms de la climatologie dont elle dévorait les articles et les livres quand elle était étudiante.
Elle est déjà toute excitée à l'idée de les rencontrer . Eux, qui paraissaient inaccessibles vont devenir des collègues avec lesquels il lui sera, désormais, loisible de discuter d'égal à égal... Que de chemin parcouru depuis que, enfant, elle venait près du port punique de Carthage, contempler la Grande Bleue...De doux souvenirs défilent dans son esprit: Mutuelleville où elle a fait ses études secondaires, Paris où elle collectionnera les diplômes, et omniprésents à chaque étape de sa vie, ses parents qu'elle chérit, sa soeur aînée, Amel, "la personne qui compte le plus" pour elle et cette bonne ville de Zarzis dont est originaire son père et où elle aimait se ressourcer et retrouver sa "jeddaya".
De Zarzis à Princeton. Lisez et savourez ces tranches de vie évoquées avec beaucoup de spontanéité et de talent par Rym Msadek:
De père tunisien, originaire de Zarzis et de mère française, je suis née à Carthage le 19 mai 1982, une ville riche en symboles, dont je suis très fière. Jusqu'à aujourd'hui, je suis admirative devant ces colonnes, encore intactes, qui me rappellent le passé glorieux de la Tunisie. Encore enfant, je me souviens être venue, souvent, visiter le port punique avec ses barques de pêcheurs et cette ouverture sur la mer. Il m'arrivait,souvent, de rester des heures entières à contempler le spectacle qui s'offrait à ses yeux et à rêver. A chacun de mes passages au pays, je ne manquais pas d'y retourner. A l'occasion de l'une de ces visites, je me suis aperçue un peu par hasard, que l'Institut Océanographique était situé tout près. Cela me fait sourire aujourd'hui, y voyant un signe du destin, moi qui suis devenue océanographe et climatologue.
Je suis la deuxieme fille d'une belle petite famille, ma soeur Amel étant mon aînée de 2 ans et demi. Bien qu'étant la “petite”, je tenais le rôle de la “grande” à la maison. "J'ai des souvenirs idylliques de mon enfance et des jeux avec ma soeur, pas toujours très tendres. Nous nous sommes beaucoup disputées à l'adolescence, j'avais 14-15 ans, elle, 16-17 ans, la jalousie prend vite des ampleurs irrationnelles à cet âge-là. Lorsqu'elle est partie faire ses études à Paris à 18 ans, je suis restée seule avec mes parents dans cette grande maison, et là, j'ai senti à quel point elle me manquait. Nous nous sommes très naturellement rapprochées et aujourd'hui, elle est ma meilleure amie, sans aucun doute, la personne la plus chère à mes yeux. J'admire beaucoup son parcours, son quotidien d'infirmière à Rennes, qui demande bien plus de courage et de dévouement que le mien. Elle mériterait cette “success story” bien plus que moi.
J'ai entamé mes études primaires à 6 ans à l'école Pierre et Marie Curie à Mutuelleville. Je me rappellerai toujours mon premier jour et mes douces institutrices, en particulier Mme Di Trapani, ma maîtresse de CE2 qui a même assisté à ma soutenance de thèse, l'an dernier à Paris. Les six années de scolarité à l'école primaire n'ont été que du bonheur. Je faisais partie de ces gamines qui adoraient l'école. J'ai appris à lire toute seule avant l'âge. Le désir d apprendre, apprendre tout, toujours plus vite a, dès lors, dicté ma vie. Non pas que je souhaitais être une encyclopédie et déballer mon savoir, mais j ai toujours eu soif de livres, de culture, admirative de l'intelligence des autres.
Le week end, nous allions souvent pique niquer. Borj Cedria, le Cap Bon. Les odeurs de pins, le sable. Chaque Aid nous allions à Zarzis chez ma grand-mère “Jeddaye”. Et chaque été, chez mon autre grand-mère française, “Mamie”. Les deux sont fermières. L'une au sud de la Tunisie, l'autre au nord de la France. J'adore le sud tunisien. Les gens sont différents de ceux de la capitale. On a l'impression que le temps ne s'écoule pas à la même vitesse là bas. Cela me remet les pendules à l'heure à chaque fois que j'y vais. Je retrouve le sens des priorités, des plaisirs simples et de l'amour infini d'une grand-mère qui continue à m'impressionner par sa force. Jeddaye a 92 ans aujourd'hui. Elle a une grande force de caractère, c'est un roc! Je la revois quelques années en arrière se soucier de ses poules, de ses chèvre. Ont-elles mangé, ont-elles bu? Et refusant chauffage en hiver, ventilateur en été. Le confort la rend mal à l'aise. Elle a bien raison, on est devenu des petites natures de nos jours. Jeddaye ne sait pas lire. Mais le savoir et l'intelligence ne se limitent pas aux livres. La sagesse et l'héritage des anciens sont très précieux. C'est notre identité, notre passé et notre futur. Jeddaye est une encyclopédie d'histoires, d'anecdotes sur son fils (mon père, qui a 4 frères et une soeur), "si turbulent, qui n'en faisait qu'à sa tête", mais dont elle est si fière. Je me reconnais un peu dans ce portrait.
Ma mère, un bel exemple d'intégration
Les années passent. J'entre au lycée Pierre Mendès-France, juste en haut de l'escalier par rapport à l'école primaire. Autant dire que de nombreux visages m'étaient familiers. Le collège a été un peu plus dur pour moi, mais j'ai continué à être une “bonne élève”. Mes parents ont réussi leur vie. Ma mère travaille depuis de nombreuses années pour une compagnie aérienne anglaise. Elle a été chef d d'agence avant de passer directrice commerciale quelques années plus tard. Pour une femme qui avait fait le pari de quitter la France pour vivre en Tunisie en 1978, sans connaître grand chose du pays, c'était un beau pari. Et un bel exemple d'intégration. Elle est plus Tunisienne que moi maintenant ! Si vous voulez faire des affaires dans les souks, elle est la reine du marchandage. Cela m'amuse beaucoup.
C'est important pour moi de voir que ma mère est heureuse en Tunisie et qu'elle parle si bien l'arabe. Faute d'avoir hérité de ses beaux yeux bleus et de sa blondeur, j'ai hérité de son don pour les langues. C'est ce que je dis lorsqu'on on me demande ici comment se fait-il que je parle si bien anglais pour une Française? Je réponds que c'est parce que je parle arabe. Et là, tout le monde me regarde avec de grands yeux sans comprendre. Oui, je suis aussi Tunisienne, je parle arabe donc je n'ai pas d'accent français quand je parle anglais, et comme je parlais déjà deux langues étant petite, l'apprentissage d'une troisième ou quatrième langue ne m'a jamais semblé si difficile.

Quant à mon père, il était le papa dont toutes les petites filles rêvaient. Joueur, rigolo, à vous raconter des histoires pendant des heures. Il était encore plus enfant que moi. Puis, un jour, il est tombé malade, et les choses ont changé. Il est allé se faire soigner à Paris. Mes souvenirs des détails ne sont pas clairs, mais je me rappelle que l'on a passé beaucoup de temps chez des amis proches et que l'on ne se rendait pas compte de la gravité de la situation, car on ne nous l'expliquait pas ou peu, sans doute pour nous protéger. Pour ma mère, c'était très dur. C'est un miracle qu' il ait survécu et lorsqu'il est revenu à la maison, il avait perdu une partie de sa motricité(bras, jambe). Grâce à la rééducation, il s'est complètement rétabli. Pour moi qui entrais en période d'adolescence, c'était très dur. Avec le temps, les choses ont bien évolué et j'ai retrouvé le papa de mon enfance. Mais je me suis rendu compte que la vie et la santé étaient fragiles, et qu il fallait vivre à l'instant présent. Aujourd'hui, je vis toujours comme si j'allais mourir le lendemain. Non pas dans un sentiment de peur, mais en vivant avec fougue et passion, et cela se ressent clairement dans mon travail et mon rapport aux autres.
Lectrice assidue de Sartre et Camus dès l'âge de 13 ans
Les années lycée ont été très joyeuses grâce, notamment, à la complicité de celles qui sont devenues mes meilleures amies aujourd'hui, le groupe des cinq, "Franco-Tu", moitié Tunisiennes, moitié autre chose, Françaises ou Canadienne. Je n'ai pas besoin de les citer, elles se reconnaitront. Toutes sont parties après le bac, comme moi. Et on se dit souvent pour rigoler, mais en y croyant un peu: "Allez, on rentre toutes ensemble en Tunisie pour de bon. A cinq, ce sera moins dur." Mais, pour l'instant, cela reste à l'état de rêve. Les contraintes professionnelles et personnelles rendent difficilement concevable un tel retour. Et le pays a beaucoup changé à nos yeux. Mais on continue à se voir très régulièrement, à Paris, New York et à Tunis chaque été où l'on passe des heures à discuter et à refaire le monde.
J'ai longtemps hésité au lycée entre les filières littéraire et scientifique. J' étais passionnée par Sartre et Camus dès l'âge de 13 ans. Les cours de français étaient un plaisir indescriptible pour moi. Sans parler des cours de philo en terminale. Mais j'adorais aussi les maths, la physique et la génétique en biologie. J'ai toujours eu du mal à me mettre à la place des gens qui ne savent pas vers quelles études ou métiers s'orienter car j'ai toujours eu l'impression qu'une vie ne me suffisait pas et que le choix d'une seule profession était une torture de l'esprit. Au collège, je voulais être journaliste ou pianiste. Puis génétitienne au lycée. Puis astronaute. Je me suis orientée vers les sciences en seconde, car je me suis dit qu'il serait possible de continuer à apprendre la littérature, la philo, par moi-même à travers les livres, tandis qu'en sciences, maths et en physique en particulier je ne pourrais pas, probablement, aller, seule, aussi loin. C'est ce que je fais aujourd'hui. Je lis beaucoup et suis toujours passionnée par des émissions de radio, des débats littéraires, des essais philosophiques sur la recherche du bonheur, le sens de la vie et autres sources de noeuds au cerveau. Par ailleurs, je m'amuse beaucoup à faire des sciences. C'est vraiment une chance de faire un boulot qui nous passionne, de se lever le matin heureuse d' y aller. Surtout vu le temps que l'on passe au travail. Mais le tableau n'est pas toujours rose. Je ne vis pas dans le monde des bisounours! Souvent, c'est dur, très dur. Etre entourée de gens brillants, ce n'est pas facile. Je ne me situe pas du tout sur la même échelle qu'eux. Il y a toujours plus fort et plus intelligent que soi, fort heureusement. Quelque part, je me sens tirée vers le haut, c'est stimulant. Mais parfois je me sens toute petite, aussi.
Impressionnée par les Japonais
Après le lycée je suis partie faire une classe prépa math-sup, math spé à Paris. Cela n'a pas été facile au début. J'arrivais avec mon grand sourire, un peu naïve et découvrais la dureté de la vie parisienne. Accepter des notes médiocres les premiers mois était dur à encaisser. Mais je l'ai surmonté et j'ai réussi à intégrer l'école d'ingénieurs que je voulais à Bordeaux pour faire de la modélisation mathématique et mécanique. Elle n'avait pas le prestige de l'Ecole Polytechnique que je n'ai même pas essayé d'intégrer, d'ailleurs. Je savais que je n'avais aucune chance. Cela a été dur à admettre au début, mais c'était aussi, une belle leçon d'humilité. C'est important d'être conscient de ses limites. Dans mon cas, je ne dis pas que je n'étais pas assez douée, mais ces concours sont la conjonction de plein de circonstances pour réussir. La plupart des étudiants autour de moi n'avaient que leurs études à gérer, l'argent tombait tout seul, leurs parents étaient ingénieurs donc ils connaissaient le système, ils rentraient chez eux le week end pour trouver du réconfort. Moi, je découvrais la difficulté de la vie d'adulte. Je travaillais l'été pour gagner de l'argent pour l'année d'après. Tout était dur. Mais j'ai beaucoup appris, et j'ai grandi. Quelques années plus tard, durant ma thèse, je me suis retrouvée à enseigner à l'Ecole Polytechnique. Un petit clin d'oeil à la vie.
J'ai eu la chance de travailler à l'étranger durant mes années d'école d'ingénieurs. Je suis allée faire un stage au Japon, à l'universite de Kyoto. Trois mois dans une université presque exclusivement masculine, à travailler sur la théorie cinétique des gaz modélisée par l'équation de Boltzmann(ça fait rêver, non?) C'était une expérience inoubliable qui m'a beaucoup marquée et qui a été le point de départ de mon envie de faire de la recherche. J'ai gardé des amitiés très fortes avec mes collègues japonais. Ce sont des gens durs à "percer" au début, mais une fois que le mur tombe, ils sont d'une générosité et d'une intégrité que je n'ai jamais retrouvées ailleurs. Une de mes amies japonaises est même venue plusieurs fois en Tunisie, et a pris des cours d'arabe pour comprendre ma culture, ma langue. Je suis fière d avoir propagé cette image de la Tunisie au Japon. Tous ceux que j ai rencontrés là bas avaient plutôt une image fausse voire négative de la Tunisie. Ils ne savaient pas situer la situer sur une carte, et en tant que pays arabe, ils imaginaient la Tunisie comme un pays peu développé, fermé, où les femmes ne travaillaient pas. Une image bien caricaturale. Mais plutôt que de juger, j'ai choisi d échanger. Moi non plus, finalement, je ne connaissais pas grand chose de leur culture et j'avais des préjugés. On en est tous ressortis grandis.
Je ne supporterais pas un métier où je gagnerais trop !
Mon stage de troisième année, le dernier avant le diplôme, je l'ai fait en Nouvelle Zélande, à Wellington, la capitale. Et c'est là que j'ai commencé à faire de l'océanographie. Mon stage m'a passionnée et je me suis dit, c'est cela que je veux faire plus tard. Bien qu'étant ingénieur, je ne me suis jamais vue travailler en entreprise. J'ai un besoin extrême de liberté et d'indépendance, et j ai besoin de sentir que ce que je fais me passionne, d'une part et est utile à la société, d'autre part. Bien sûr, j'aurais bien pu postuler un emploi très lucratif. Mais, mon objectif principal n'est pas de gagner de l'argent. Je fuis l'argent en fait, et je ne supporterais pas un métier où je gagnerais trop.
En rentrant de Nouvelle Zélande, après l'été 2005, j'ai entamé une thèse en océanographie à Paris. Cela sonne moins bien que faire de l'océanographie en Nouvelle Zélande, c'est sûr. Mais, en fait, je travaille surtout avec des modèles numériques où l'océan est une boîte dans un gros ordinateur. Etre au bord de l'eau n'est donc pas nécessaire bien que plus agréable que les tours de Jussieu. Il vaut mieux être dans une université qui a les moyens d'utiliser des super calculateurs.
Mes trois années de thèse ont été une très belle expérience. J'ai beaucoup appris. C'était dur parfois, car le rythme de travail était très intense. Je ne pouvais jamais rentrer plus d'une semaine, en Tunisie, car il y avait toujours des choses à préparer, des projets, des articles, des conférences, etc. Mais cela valait la peine. C'était une bataille personnelle avant tout, j ai donné beaucoup et je pense que jai gagné au change. Partir pour les Etats Unis paraissait assez naturel après, car c'était le meilleur endroit pour continuer ma carrière et apprendre encore. Je me plais ici. La ville de Princeton est petite mais New York est très proche et c'est une ville extraordinaire. Pour quelqu'un avide de vie et de culture comme moi, c'est la ville idéale. Je m'y rends presque tous les week end. J'ai aussi la chance de voyager beaucoup pour mon travail, donc de voir différents coins des Etats Unis. Me rendre compte de la richesse et de la complexité de ce pays et des spécificités de chaque Etat. 10 mois après mon arrivée ici, j'en ai vu plus que mes deux co-locataires qui sont... Américaines!
La double culture, un gros avantage, mais...
Le fait de vivre à l'étranger est paradoxalement plus facile pour moi, car si je le suis ici, je sais pourquoi. Alors qu'en Tunisie ou en France, je suis toujours perçue comme une étrangère. En Tunisie, où dès que je parlais arabe, on reconnaissait mes origines françaises, alors qu'en France, du fait de mon nom, je suis considérée comme Tunisienne. Cette notion de double culture/ double identité est une richesse, mais un fardeau très lourd à porter, aussi. C'est difficile de faire comprendre qu'on est les deux. Française et Tunisienne. Que de fois m'a t-on posé, au point de ne plus vouloir y répondre, la question: “tu te sens plutôt Française ou plutôt Tunisienne?”. Cela me rappelle une autre question qu'on me posait fréquemment lorsque j'étais enfant: “tu préfères ton papa ou ta maman?”. Pourquoi faut-il choisir? Bien sûr que je me sens les deux. J'aime mon père et ma mère. Je suis Tunisienne et Française. La Tunisie est mon pays, c'est ma terre natale, ma famille, ma maison. Mais j'ai aussi reçu une éducation française. Mon goût pour la littérature française, le théâtre, la musique classique, le jazz, la randonnée, c'est plutôt mon côté français. Je suis le résultat d'un riche et savoureux mélange. Et je transmettrai cette double culture à mes enfants.
Mon père me dit souvent que je peux servir mon pays même en étant loin. J'espère faire beaucoup pour la Tunisie, un jour. Je ne pense pas rentrer dans un futur proche. Mais je garde à l'esprit d'apporter ma contribution un jour, bientôt. A travers des collaborations, des enseignements er d'autres idées que j'ai en tête. Je garde des contacts avec des personnes en Tunisie qui font des choses liées à mes recherches, ou liées à l'environnement, et je pense que ces contacts se consolideront et aboutiront à quelque chose de concret un jour. Lorsque j'aurai acquis plus de savoir, plus d'expérience. Pour l'instant, j'en suis à la phase d'apprentissage.


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