Sans droit à l'erreur, Kaïs Saïed a finalement fait son choix. Deux longs mois lui ont été nécessaires pour qu'il charge Najla Bouden de conduire un nouveau gouvernement. Prenant de court la classe politique, il a privilégié un visage neuf, une femme de surcroît, la première à occuper la Kasbah, ingénieure issue de ''Mines Paris''… Le plus dur commence : affronter les vrais défis économiques et sociaux. A état d'exception depuis le 25 juillet, mesures exceptionnelles, en une mini-constitution, le 22 septembre. Le pas est franchi. La contestation est forte. Sans pour autant dissuader le président Saïed qui persiste dans l'accomplissement de son projet. A son rythme, à sa manière. Najla Bouden parviendra-t-elle à déclencher une nouvelle dynamique gouvernementale ? Sa responsabilité est lourde. Sa désignation est déjà un signal tant attendu pour tirer la Tunisie de l'expectative et esquisser un premier pas. Les autres repères restent à fixer rapidement. Les décisions financières et les arbitrages budgétaires sont en suspens. Par manque de visibilité, à la recherche de remèdes miracles, les Tunisiens ont été jusque-là nourris d'espoir. Qui risque de s'estomper rapidement. Quand bien même il serait de courte durée, le nouveau gouvernement Saïed-Bouden constituera une balise forte. Impulser l'administration, recenser les projets, fixer les besoins financiers et remettre la machine en branle : le contrat de base est déterminant pour la relance. Les bailleurs de fonds étrangers de la Tunisie, tout comme les partenaires sociaux, auront ainsi un vis-à-vis pour trancher tant de dossiers urgents. De longs mois nous séparent encore d'élections législatives anticipées. Le temps que naisse des urnes une nouvelle majorité et à Carthage le futur gouvernement, le chemin à parcourir est semé d'embûches, guère sécurisé. L'essentiel est de se mettre sur le bon chemin, et de tenir bon contre vents et marées. Les risques sont nombreux. Montée des revendications sociales, tarissement des finances publiques, fragilisation des entreprises et dégradation des services publics : tout est périlleux. Le plus redoutable est de voir s'instaurer un climat politique délétère et se fissurer l'unité nationale, voire se disloquer. Jusque-là, tout reste jouable. Il suffit de préciser les échéances, de réduire au maximum la durée de la période d'exception et de garantir le respect des droits et libertés pour fluidifier le parcours politique à réussir. Il suffit aussi de réitérer la volonté de conduire des réformes et de s'y atteler, de renouer avec les institutions financières et les marchés de capitaux, de rassurer le milieu des affaires et de redonner confiance à tous pour emporter la bataille économique et financière. Pour s'accomplir, les réformes institutionnelles ont besoin d'un climat serein. Pour se redresser, l'économie et les finances ont besoin de confiance et de perspicacité. Ces deux segments constituent les fondements du renouveau tant espéré. Si le chef de l'Etat doit se concentrer sur l'institutionnel et le régalien, son gouvernement doit s'atteler à l'économique et au social, en tout premier lieu. Mais aussi, dans une plus large approche, au fonctionnement des rouages de l'exécutif. Longtemps livrés à eux-mêmes, départements ministériels, organismes publics et entreprises étatiques ont besoin d'une reprise en main, d'une forte inspiration et d'une meilleure gestion. Les craintes sont fortes. Jusqu'à quand pourront tenir les caisses de l'Etat ? A l'épreuve des défis forts et multiples, des assurances effectives sont nécessaires, des mesures sont urgentes. Au-delà des paroles, il faut des actes. Rapides, précis, efficaces…