On attendait tout de ce référendum. Il n'a fait qu'attiser les divergences, chacun des deux camps revendiquant la victoire. C'est que le mal tunisien n'est pas là où on le croyait. A peine les lampions de la consultation se sont-ils éteints qu'on s'est rappelé que le pays peine à payer les salaires de ses fonctionnaires et à régler ses dépenses incontournables. C'est aussi simple que ça. Au diable, tout le reste. Où Kaïs Saïed puisera-t-il les ressources de ses promesses ? Entre le discours officiel, les grandes urgences et les moyens possibles, le décalage est énorme. La flambée des prix, une inflation galopante et un chômage encore plus persistant assombrissent les perspectives. La frustration et le désespoir n'en seront que plus forts. Les points de rupture sont nombreux. L'attelage institutionnel conçu par Saïed n'est guère solide pour résister à une situation économique et sociale des plus menaçantes. La Caisse de compensation sera délestée de coûteuses charges. Du coup, le prix des hydrocarbures sera à la hausse, comme celui de nombreux produits de base (pain, pâtes, huiles végétales…). Les Tunisiens, incapables de supporter ces augmentations, risquent de réagir très vivement. Leur colère sera grande, difficile à contenir. Le financement extérieur se fait rare. La promesse démocratique s'évapore, les craintes d'une dérive autocratique s'intensifient. Pas facile de convaincre les bailleurs de fonds et des pays amis de voler au secours de la Tunisie. Ils ne se hâteront pas à voter crédits et aides en faveur de la Tunisie. Ils attendent des mesures effectives: augmentation des prix des hydrocarbures, réduction des autres subventions, dégraissage des effectifs de la fonction publique et de nouvelles privatisations. Pas de réformes, pas de financement. Ou juste un strict minimum en perfusion. La démocratie est non négociable. Kaïs Saïed n'a d'autres choix que de prendre à bras-le-corps cette urgence économique et sociale. Changer de discours et répondre à la ménagère affolée, incapable de remplir son couffin ; engager un véritable dialogue avec l'Ugtt ; mobiliser l'ensemble de l'appareil de l'Etat pour lutter efficacement contre la spéculation et maîtriser les prix… Il lui appartient de lancer un appel à la solidarité agissante en faveur des familles nécessiteuses, encore plus à la veille de cette rentrée scolaire et de mettre au point des mécanismes efficients et énergiques. Le vrai message doit venir de Carthage. Attendre et différer ne fera qu'aggraver la situation. Agir très vite et sur tous les fronts. Un effort d'explication et de débat est indispensable. Avec les Tunisiens, d'abord, pour les alerter quant à la gravité de la situation, les entretenir des démarches en cours pour la mobilisation de financements extérieurs, les appeler à l'effort, à la solidarité et à l'union nationale. Une remobilisation effective du gouvernement est nécessaire. Tant de relâchement est perceptible, à divers endroits, au sein de l'administration publique. Aux ministres de redoubler de dynamisme, d'imagination, de suivi et d'engagement sur le terrain, inspirant leurs équipes, débloquant les projets à l'arrêt. C'est, en définitive, au président Kaïs Saïed de parler à tous, de relancer tous les chantiers, de contacter ses pairs concernés ainsi que les dirigeants des institutions financières. La Tunisie a urgemment besoin de fonds et d'un gouvernement agissant. Les Tunisiens attendent des décisions concrètes et immédiates. «Attendre et espérer !», comme l'écrivait le Comte de Monte-Cristo ? Agir !