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Démission d'Ahmed Ounaies : la phrase la plus courte et la première conceptualisation de la révolution
Publié dans Leaders le 13 - 02 - 2011

En une seule phrase de grande sobriété, «M. Ahmed Ounaies, ministre des affaires étrangères a présenté sa démission, » comme il l'annoncé dans un communiqué transmis à l'Agence TAP. Sans la moindre explication, sans revenir sur ce qui s'est passé pour lui ces derniers jours. Il semble vouloir ainsi éviter toute polémique à même d'entraver l'action du gouvernement qui, comme il l'a récemment confié à Leaders, « déploie des efforts gigantesques. Ses membres, avait-il souligné, sont tous dévoués et compétents et font preuve de beaucoup de courage pour accepter d'accomplir leur mission avec profonde conviction. Je leur souhaite à tous pleine réussite. »

Aujourd'hui, M. Ounaies ne renonce pas à son action militante. Il retrouve avec la même ardeur d'avant la révolution, sa libre plume et sa libre parole. Déjà, il a tenu, dans un article publié samedi au journal La Presse, à théoriser, pour la première fois depuis la formation du gouvernement provisoire, le phénomène et la signification de la révolution tunisienne qu'il estime exceptionnelle, ne ressemblant à aucune autre. Dans ce texte intitulé : «La signification et la portée de la révolution populaire tunisienne », il a essayé de jeter les base d'une plateforme conceptuelle pouvant sous-tendre l'action. Document.

La signification et la portée de la révolution populaire tunisienne

Le vendredi 17 décembre 2010, la protestation populaire éclate à Sidi Bouzid, dans le centre de la Tunisie, et prend rapidement l'extension et le souffle d'une révolte nationale. L'événement détonateur, le suicide par le feu du jeune Mohamed Bouazizi, confère au mouvement une solennité tragique. A ce stade, la quête de la dignité et l'exigence de l'emploi pour la nombreuse jeunesse éduquée et désœuvrée, à l'exemple de Bouazizi, dominent la revendication.

Les relais locaux de l'UGTT favorisent l'extension du mouvement et son insertion dans un cadre national porteur. En chaque lieu, la solidarité et le savoir-faire des avocats, mobilisés par leur Ordre national, lui confèrent une portée politique qui élève les enjeux. La révolte nationale prend les proportions d'une révolution aux mots d'ordre convergents, clairs et sans compromis.
L'ex-président Ben Ali, détenteur de tous les pouvoirs, réagit par la répression. Mais bientôt, l'ampleur des revendications détermine le gouvernement et l'ex-président à admettre la légitimité de la protestation des jeunes longtemps privés d'emploi et marginalisés par le fait même du déséquilibre régional incontestable. Mais la confiance est perdue, le lien rompu, le rejet consommé. Au bout de quatre semaines d'un affrontement sanglant entre la police et les manifestants jusqu'au cœur même de la capitale, l'ex-président admet publiquement son erreur puis, brusquement, décide de quitter la scène. C'était le vendredi 14 janvier.

La forteresse tombe. Longtemps captive, la liberté s'échappe et gagne le pays dans ses profondeurs. Un gouvernement d'union nationale, formé dans le respect des normes constitutionnelles, occupe aussitôt le centre et, coup sur coup, met en œuvre des décisions qui changent la scène politique‐: séparation de l'Etat et du parti qui était au pouvoir, liberté de la presse, levée de la censure sur Internet, libération des prisonniers politiques, délivrance du passeport à tous les Tunisiens réfugiés à l'étranger, adoption d'un projet de loi d'amnistie générale, octroi du visa aux partis politiques, recours à la justice régulière pour juger les responsables de la violation de la loi sous le régime déchu, adhésion à une série de conventions internationales relatives aux droits de l'Homme, etc. En outre, le gouvernement installe trois commissions nationales indépendantes, l'une pour recommander des réformes politiques et institutionnelles, l'autre pour évaluer le phénomène de la corruption et de l'enrichissement illicite et pour recommander des mécanismes de prévention, la troisième pour établir les faits et les responsabilités dans les troubles consécutifs au 17 décembre. Il lance enfin la préparation des élections générales, législatives et présidentielle avec la participation d'observateurs internationaux. La démocratie tunisienne émerge et prend corps dans le respect des institutions de la République. La Tunisie rendue à elle-même est face à son destin.
La nature de la révolution tunisienne
En principe, toute révolution conduite par un groupe pensant et déterminé vise à renverser l'ordre établi dans le but de prendre le pouvoir et d'appliquer la doctrine ou l'idéologie qui l'anime. Le groupe dirigeant élimine les institutions existantes, suspend les lois, dresse des tribunaux révolutionnaires et installe un pouvoir autoritaire et brutal à caractère dogmatique. Or, la révolution tunisienne s'affirme dans le respect des institutions. La lame de fond qui a emporté l'ancien président, sa famille et sa clientèle, élimine une sorte de tumeur parasite implantée au cœur du pays. Son élimination laisse place à une administration assainie qui s'est constamment efforcée d'œuvrer au service du peuple. C'est par une politique déterminée de réforme et dans le respect de la Constitution que le gouvernement transitoire s'attache désormais à la résorption et à la sanction des abus, à la réparation des dommages et à la stabilisation. L'effort de redressement tend à rétablir la confiance dans les institutions, à réaliser un programme social d'urgence et à dresser un programme de relance économique. L'effort politique tend à ouvrir, au sein de la grande famille tunisienne, un débat national permettant de transposer en termes politiques les aspirations, les revendications et les griefs longtemps étouffés et à organiser des élections libres, loyales et transparentes qui renouvellent le Parlement et qui assurent une représentation nationale démocratiquement élue.

Cette réalité signifie que l'Etat est fondamentalement solide et pertinent et que la longue parenthèse despotique n'a guère altéré sa légitimité. A ce niveau, il convient de dissiper l'apparente contradiction. Rappelons que la Tunisie avait accompli une première révolution civile dont les vertus imprègnent la société jusqu'à nos jours. Les fondateurs de l'Etat moderne tunisien au milieu des années 1950 ne s'étaient pas contentés, en récupérant la souveraineté nationale, de gérer une société archaïque issue de plus de trois siècles de décadence ayant abouti à la domination coloniale. La colonisation à son tour avait à la fois fixé les facteurs régressifs et introduit de nouveaux facteurs de progrès qui, dans l'ordre colonial, ont désarticulé la société. Habib Bourguiba et ses compagnons ont précisément réformé la société dans ses profondeurs en instituant l'égalité entre l'homme et la femme, le contrôle des naissances, la suppression de la répudiation, la liquidation des habous ainsi que la généralisation de l'enseignement et le maintien de deux langues, l'arabe et le français, du cycle primaire jusqu'à l'université. L'impact des réformes est incommensurable : elles ont changé les mentalités, mis fin à la famille patriarcale, institué le sens de l'autonomie individuelle et formé la base de la société moderne. La révolution de la modernité a commencé avec cette phase fondatrice. La deuxième réforme consiste dans la politique de planification du développement économique et social qui a institué la rationalité et la globalité de la démarche du développement, conçue comme une œuvre progressive et cohérente qui se déploie par étapes, de sorte que les plans successifs s'enchaînent et obéissent à une vision à long terme. Cette démarche, amorcée en 1962, se poursuit jusqu'à nos jours à travers les plans quinquennaux.

La troisième révolution, celle de l'ouverture économique, la fin de la gestion étatique de l'économie et l'admission du libre échange, s'est affirmée au milieu des années 1990 consécutivement à la chute du Mur de Berlin. Elle devait logiquement s'accompagner d'une libéralisation politique incluant la démocratie et l'enracinement des libertés fondamentales. Tel était le choix des pays de l'Est européen qui, grâce à la cohérence de la démarche libérale dans ses deux dimensions, ont accompli un bond en avant qui les a portés loin devant nous. Cependant, même réduite à sa portée économique, la révolution libérale tunisienne a permis de tirer avantage de l'économie de marché grâce à la privatisation progressive des divers secteurs, à la diversification de notre économie et à la mise à niveau de notre appareil de production. Ces réformes, vigoureusement soutenues par nos partenaires européens, ont hissé notre capacité de production et d'exportation, modernisé la législation, développé les services et enraciné l'esprit de compétition.

La révolution populaire de 2011 a complété la réforme libérale dans sa dimension politique. L'avènement de la Tunisie démocratique achève la course historique de l'Etat bourguibien. Nous avons enchaîné les séquences qui, par étapes et par la vertu du cumul, ont consolidé l'Etat et abouti à l'émergence d'une société de plus en plus avancée dans l'ordre de la modernité. La Tunisie est désormais habilitée à accéder au rang des pays les plus évolués dans la civilisation de notre temps.

Ce parcours est unique dans la région. L'élément de comparaison apparent entre les soulèvements consécutifs en Tunisie, au Yémen et en Egypte pourrait être, d'une part, la quête de la dignité et de la liberté, ressorts universels, et d'autre part, le rejet radical de la perpétuation au pouvoir des dirigeants qui bloquent la faculté d'alternance au sein d'un régime pourtant républicain. Quant au fond, la nature de la révolution populaire tunisienne est singulière dans la mesure où aucun de ces pays n'a avancé autant ni de façon aussi cohérente dans l'élément de la modernité. Cet atout est un gage de stabilité : la conquête démocratique ne sera pas éphémère car elle s'inscrit dans un processus long, continu et pertinent qui a changé la société et constitué les bases de la citoyenneté, par-delà les allégeances tribales ou sectaires.

Trois derniers points. Une certaine acception de la révolution peut induire des groupements politiques ou culturels à croire que la Tunisie doive rompre avec l'option fondamentale posée au départ de coopérer loyalement avec le monde occidental et de fonder l'Etat sur les principes universels, pour endosser désormais les doctrines d'inspiration régressive qui tournent le dos aux valeurs de notre temps. Prudence ! Un tel engagement ne s'arrêterait guère au champ des affaires étrangères.
La Tunisie démocratique sera inéluctablement confrontée à la question de la place relative de la religion dans l'Etat. Plusieurs conséquences découlent de la réponse que les pays islamiques apporteraient, globalement ou individuellement, à cette problématique. La Tunisie démocratique se doit de l'aborder en toute responsabilité.

Le potentiel révolutionnaire d'une nation ne se mesure pas à sa seule capacité destructrice (détruire l'impur, l'archaïque, l'obsolète) mais aussi aux limites de la destruction et à la capacité créatrice : à ce titre, les atouts essentiels tiennent à la maturité, à la culture et à la vision. Ces atouts commandent autant la qualité de la phase postrévolutionnaire que la substance même de la révolution.


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