Tout grand amour est exclusif et, comme les grands amoureux, les amateurs du ballon rond qu'ils soient Tunisiens, Italiens, Comoréens ou Ouzbeks n'ont d'yeux que pour leur sport favori au point de devenir,souvent, imperméables à ce qui se passe dans le monde : la crise économique mondiale et ses conséquences, souvent dramatiques (chômage, famine) ? Les conflits du Proche-Orient et d'Afrique? L'élection d'Obama? Broutilles que tout cela. Par contre, que le Bayern Munich corrige le Sporting Lisbonne ou que Liverpool écrase le Réal Madrid en coupe d'Europe et toute la planète foot entre en transes. De Pékin à Londres, en passant par Boukhara, Ryadh, Tunis et Paris, chacun y va de son commentaire passionné, péremptoire, car le monde du foot, c'est celui de la déraison et de la démusure même si ses adeptes, pour donner le change, prétendent en faire une science froide, rationnelle, objective, allant jusqu'à lui emprunter ses outils d'analyse. Il faut suivre les émissions sportives italiennes dont la très célèbre « Domenica sportiva » où des personnes d'un âge certain, souvent d'anciens joueurs, parfois des spécialistes bardés de diplômes viennent chaque dimanche nous décortiquer les matches sur un ton docte comme s'ils analysaient un extrait de « Les mots et les choses » de Michel Foucault, alors que le football est un jeu d'une grand simplicité où vingt deux jeunes (parfois, il faudrait dire 22 milliadaires) jouent au ballon sur le gazon pour nous faire plaisir et se faire plaisir. J'avais évoqué, cette question dans un précédent blog, j' y reviens, aujourd'hui, d'abord, parce que le sujet est inépuisable, ensuite, parce que des développements heureux sont intervenus depuis. Pendant de longues années, l'Espérance Sportive de Tunis a dominé le football tunisien. Le champion était connu dès le début de la phase retour. Les autres équipes jouaient soit pour les places d'honneur, soit pour le maintien. Cette situation a changé depuis quelque temps pour trois raisons: il s'est produit une sorte de nivellement (par le haut, pour les optimistes, par le bas pour les pessimistes) qui a permis, d'abord, au Club Sportif Sfaxien, ensuite à l'Etoile Sportive du Sahel, enfin, au Club Africain de remporter, successivement, le trophée avec cette notable différence, par rapport aux « années Espérance » que le titre se joue, désormais, dans un mouchoir d'où l'importance des derniers matches. Cette saison, une équipe du milieu du tableau s'est invitée dans la cour des grands pour notre plus grand bonheur. Alors, qu'auparavant ces équipes n'ayant plus rien à gagner ni à perdre se contentaient de jouer les faire-valoir face aux grands, quand cela ne donnait pas lieu à des pratiques sans rapport avec l'éthique sportive. Le Club Sportif d'Hammam Lif, c'est de lui qu'il s'agit, a décidé de jouer le jeu ne serait-ce que pour améliorer son classement inscrivant déjà deux prétendants à son tableau de chasse: l'Espérance de Tunis acculée au nul, ce qui équivaut pour elle à une défaite, et le club Africain, champion sortant, battu par le score sans appel de trois buts à un. Avec à la clé, un renversement de situation à chaque journée. Une belle leçon de courage et d'esprit sportif dont on a perdu jusqu'au souvenir et que certains, ayant pris de mauvaises habitudes, n'ont pas l'heur d'apprécier. Et ce qui devait être salué, devenait suspect, immoral, même. Pour une fois qu'on se décide à rompre avec des pratiques qui ont fait du mal à notre football, saluons, quant à nous, la réaction salutaire et le courage d'une équipe qui, par son jeu plaisant et son esprit sportif, a apporté à notre sport-roi le bol d'air frais qu'il attendait. Exit, les odeurs fétides des "combinazione". Un exemple à méditer et à suivre.