Il y avait la grande foule à la conférence de presse du président de Nida Tounès, tenu dans un palace des Berges du Lac. Béji Caïd Essebsi s' y est montré souvent offensif, parfois mordant, en s'exprimant sur les deux faits les plus marquants de l'actualité, en l'occurrence l'attaque de l'ambassade américaine et la controverse sur le calendrier politique de l'après 23 octobre 2012. « Les salafistes qui ont attaqué, pillé et incendié l'ambassade américaine ne s'en prenaient pas à l'Amérique mais bel et bien à l'Etat tunisien dont ils ne reconnaissent ni l'autorité ni les symboles », a-t-il soutenu, citant à l'appui de son propos le prêche enflammé du chef de file de la mouvance jihadiste qui, trois jours après le drame, s'est livré à une attaque en règle contre l'Etat sans évoquer une seule fois ni les Américains ni le film blasphématoire censé avoir provoqué le déchaînement de passions. « Ce sont nos enfants qui ne nous viennent pas d'une autre galaxie », a ajouté BCE, raillant les fréquentes déclarations faites dans ce sens par des dirigeants islamistes. « Il ne s'agit pas d'un phénomène de génération spontanée, mais le produit d'une politique délibérée destinée à transformer en profondeur le modèle de société tunisien adossé à des siècles de tolérance, de coexistence pacifique et d'attachement aux impératifs du vivre ensemble. Il se trouve aussi qu'ils sont les cousins, du moins proches idéologiquement de ceux qui ont si longtemps fermé les yeux sur leurs abus et qui leur ont laissé le temps de devenir incontrôlables, à la manière du tigre qui, devenu adulte et suffisamment aguerri, se retourne contre son maître », a encore déclaré M. Béji Caïd Essebsi. Les critiques de l'ancien Premier Ministre n'ont pas épargné la propension à titiller la fibre sensible des foules et à enflammer les passions par des discours populistes dommageables à la communion d'idées et de convictions des Tunisiens, brocardant au passage la manifestation « Ikbiss » (Serre la vis) organisée prétendument pour faire pression sur le gouvernement par ses propres partisans mais qui, en fait, railla-t-il, « firent la part belle à Nida Tounès nommément en arborant une trentaine de banderoles appelant à la mort Caïd Essebsi». Insistant de nouveau sur la gravité de ce qui s'est passé autour et dans l'enceinte de l'ambassade américaine, M. Caïd Essebsi est catégorique : « La stratégie sécuritaire est un échec patent et le gouvernement en porte la pleine responsabilité ». M. Béji Caïd Essebsi a eu ensuite à s'exprimer longuement sur la polémique qui agite depuis plusieurs semaines la classe politique sur la question polémique de savoir si l'Assemblée nationale constituante et les institutions qui en sont l'émanation continueront d'avoir ou non une légitimité à l'échéance du délai d'un an fixé par le décret portant convocation du corps électoral pour le scrutin du 23 octobre 2011. Pour lui, tout indique que « le gouvernement en place n'entend pas respecter ni la date-butoir juridique du 23 octobre ni l'engagement politique et moral d'achever la rédaction de la Constitution dans un délai d'un an ». Faisant le constat que le processus de transition démocratique est à l'arrêt, il a provoqué l'hilarité de la salle en affirmant « le plus grand gouvernement dans l'histoire de la Tunisie est en fait le plus grand du monde entier… par le nombre de ses ministres ». Après avoir estimé que « le gouvernement a échoué et la Troïka est finie », M. Caïd Essebsi ne voit d'autre alternative pour s'en sortir que de rechercher la légitimité consensuelle la plus large possible autour d'un calendrier précis établi à l'avance. Lire aussi Caïd Essebsi : Les attaquants de l'ambassade américaine visaient l'Etat tunisien Quid du«complot» contre Beji Caïd Essebsi ?