Décidément, Ennahdha ne finit pas de surprendre. L'image traditionaliste qui a souvent collé à la peau de ce parti fond à vue d'œil, parfois à la grande surprise même de certains de ses sympathisants. Ce jeu du « qui dit mieux » a amené les nahdhaouis à devenir les chantres du tourisme tunisien. Samir Dilou, membre du bureau politique d'Ennahdha, explique. Ennahdha et le secteur touristique, flirt ou histoire d'amour? Nos prises de position à propos du secteur touristique dans notre pays contredisent effectivement le contenu propagandiste de l'ancien régime sur l'ensemble de notre pensée et de notre appréciation de la réalité tunisienne. La vérité est celle-ci : Ennahdha ne peut qu'encourager le développement et l'épanouissement des différents secteurs de l'économie nationale, surtout dans la conjoncture actuelle. En fait, à notre sens, ce qui a entretenu l'amalgame est le caractère particulier du secteur en question qui, dans l'entendement commun, rime avec prélassement balnéaire et tenues particulières, avec hôtels et certains de leurs services, spécialement certaines boissons. C'est une nouvelle bombe électorale que vous lâchez là? Si le prix de ramasser davantage de voix est la diphonie ou la non crédibilité, alors nous n'en voulons pas de ces voix-là. Le jour doit venir où prévaudra le dialogue franc et non plus les procès d'intention. L'équité impose qu'Ennahdha doit être jugé au même registre que celui auquel les autres se soumettent. Des formations de gauche vous taxent de parti réactionnaire. Alors, qu'entendez-vous par tourisme, en dehors de celui à caractère de méditation auquel s'adonnaient les soufis d'antan? Nous parlons du tourisme qui contribue au renforcement des ressources de l'Etat par la diversification du produit et le développement des créneaux à haute employabilité. Le tourisme intérieur, la promotion du produit diversifié et riche sont autant de filières à devoir prospecter à fond. Votre section de Hammamet appelle dans un communiqué signé le 16 avril courant à «lancer une campagne internationale pour faire réussir la saison touristique en Tunisie»… Cela coule de source ! Ce sont les mêmes appels solennels lancés par Rached Gannouchi, président du parti, dans des meetings à Hammamet et Hammadi Jebali, son secrétaire général, dimanche à Tunis. Ennahdha appelle à un sursaut national et à une action internationale à ce propos. Elle vise par cette campagne deux objectifs ; le premier c'est que la période post-révolution a été accompagnée d'un certain débordement sécuritaire. Nous croyons cependant que le plus difficile est désormais derrière nous et que tous les hôtes de la Tunisie doivent se sentir en sécurité. Le pays n'est en fait pas moins quiet ou moins stable que beaucoup de pays à vocation touristique, qu'ils soient ouest-européens, arabes ou d'autres destinations. Le second objectif est d'éloigner toute instrumentalisation politicienne ou électorale d'une conjoncture touristique en crise. Le mouvement Ennahdha appelle donc et avec force et détermination à soutenir le rôle socio-économique de notre tourisme en faisant la promotion intelligente de nos ressources. On est là face à une position politique pragmatique ou à une conviction culturelle ? C'est un peu de tout ça. L'être humain aime le tourisme, la vie moderne l'y invite fortement et cette activité puise de profondes justifications dans la culture arabo-musulmane commune. Comment comptez-vous vous y prendre ? En plus de notre participation essentielle et responsable dans les rendez-vous politiques et électoraux afin que le peuple tunisien puisse jouir enfin de stabilité politique, économique et sécuritaire, nous comptons participer à la réussite de la saison actuelle et celles d'après. Nous peaufinons nos propositions et appelons ouvertement toutes les parties concernées à coopérer dans la recherche nationale des meilleures alternatives. Vous approuvez donc le discours du ministre du Tourisme à ce propos, et est-il envisageable que Ennahdha se charge un jour du portefeuille du tourisme tunisien? Nous avons positivement réagi aux bonnes intentions exprimées par le ministre du Tourisme dans le gouvernement de transition. Et pour répondre au deuxième volet de votre question, le moment n'est pas aux velléités ministérielles, mais disons tout de même qu'il n'y a pas d'objection de notre part à prendre le portefeuille de ce secteur si besoin est. Et les alliances politiques, les listes électorales? Nous sommes partisans et ouverts au dialogue avec toutes les parties sur une plateforme politique et non pas idéologique, en respectant le droit à la différence et à la proclamation de leurs slogans, fussent-ils pointés contre nous. En toute humilité nous nous estimons assez tolérants, patients et dans une disposition d'esprit à nous ouvrir à tous. Nous discutons de ce fait avec plusieurs partenaires politiques, dont des partis plus ou moins nouvellement constitués. La discussion ne prétend pas encore à d'éventuelles listes électorales communes, mais pour notre part, nous allons nous présenter dans toutes les circonscriptions. Entretien conduit par Mounir BOUDALI