C'est dans son fief à la rue de la Driba, à la Kasbah, que l'Institut de la Rachidia de musique tunisienne entamait le 30 décembre dernier sa nouvelle saison 2017 par un concert dédié, en leur présence, à la chanteuse Soulef et au maître de musique Noureddine Kharroubi. Un public fidèle à l'institution et mélomane, de surcroît, y assistait massivement, si bien que le patio-salle de la Rachidia arrivait à peine à le contenir. Un surplus d'amour qui donne chaud au coeur pour la musique et la chanson tunisienne, en ces temps où l'« évolution » musicale s'est trompée de chemin et de styles chez plusieurs artistes novateurs, croyons-nous savoir. Le Malouf et la chanson à texte sont demeurés debout et intacts, malgré toutes les vicissitudes du temps et les vagues musicales folles, successives et insignifiantes qui voulaient effacer, pour le dire de go, ces deux genres immortels de la musique tunisienne. L'ensemble actuel de la Rachidia, sous la direction de Nabil Zommit, est formé de plusieurs générations de musiciens et de choristes. Un vent de jeunesse y souffle et augure de meilleurs lendemains pour une association qui vient de boucler ses quatre-vingt-deux ans. Et cette rencontre artistique entre multiples générations a été concrétisée par le passage sur scène de jeunes interprètes membres de la chorale et les artistes invités. La jeune Islam, dotée pourtant d'une voix assez puissante, n'a pu chanter à sa juste mesure « Labbastik min atfi holla » de la grande Nâama. Les tons aigus s'avéraient quelquesfois pour elle difficiles à franchir et à servir comme il se doit. Etait-ce le trac, ou un manque d'exercice de vocalise ? Quant à Ibrahim Riahi, il a pu tirer son épingle du jeu en chantant en toute aisance des chansons populaires dans les modes tunisiens, grâce à une voix assez puissante et belle. Un Syrien chante Ali Riahi De son côté, le premier invité de la soirée était un jeune chanteur syrien résidant en Tunisie. Souhaib Al Halabi a choisi de chanter deux chansons du répertoire de l'irremplaçable « Motreb El Khadhra » Ali Riahi. Son interprétation précédée de « Mawals », annonçait déjà la couleur pour les spectateurs. On découvrait l'étendue de la voix de cet enfant d'Alep qui a pu enchanter l'assistance en rendant hommage à sa manière à Sid'Ali avec les chansons « Ayech min ghir amal » et « Inajjik wi inajjini. » La présence de cet artiste syrien n'est pas sans rappeler les liens artistiques ancestraux qui existent entre les Tunisiens et les Syriens. En effet, le cheikh Ali Dérouiche Al Halabi avait résidé et enseigné à la Rachidia dans les années trente et quarante du siècle dernier. Le retour de Soulef Quant à la chanteuse Soulef, à qui la Rachidia rendait hommage, ce soir-là, elle s'était surpassée retrouvant la plénitude de ses capacités vocales en interprétant des chansons du terroir, à l'instar de « Sag najâak seg » connue par la voix de Saliha et « Maridha hey » pour une belle « Tatriza. » Elle a également chanté une de ses propres chansons, peu connue du grand public mais savamment mise en musique. Il s'agit de « Jibouli ahbebi » qui n'est pas sans rappeler la belle époque des années soixante-dix du siècle dernier avec l'empreinte indéniable du compositeur Abdelhamid Sassi et du parolier Ridha Khouini. Pour sa part, Sofiène Zaïdi, égal à lui-même et toujours imprégné de chant tunisien, a interprété une chanson peu connue d'Ali Riahi, non sans chanter sa propre chanson « Khont el ichra », composée par Dr Salah Mehdi et d'enchaîner avec d'autres chansons du répertoire de la chanson tunisienne et de la Rachidia. Amor Mansour, gouverneur de Tunis, présent à ce spectacle, a honoré la chanteuse Soulef et le musicien et maître Noureddine Kharroubi. Soulef en a été l'élève. Les chansons de Soulef ont fait rappeler moult souvenirs au gouverneur de Tunis du temps où il l'écoutait à la radio dans l'émission « Oghniyatoun likoulli mostamâa. » Une belle soirée avec la musique tunisienne dédiée à deux monuments de la musique et de la chanson tunisienne contemporaine.