Tout le monde s'accorde à dire que le plus grand acquis de la révolution, demeure, incontestablement, celui de la liberté de presse et d'expression. Et tout le monde relève également que cet acquis est souvent utilisé à mauvais escient Certains prétextent l'argument facile et bateau disant que la démocratie et la liberté d'expression sont des concepts nouveaux auxquels on n'est pas encore habitués, d'où les dérapages répétitifs à travers les divers médias, tous supports confondus, sans parler des posts sur les réseaux sociaux et les différents blogs florissants et n'obéissant à aucune réglementation. Les déviations qui ont le plus d'impact sont ceux survenant sur le petit écran et, à un degré moindre, à travers les radios sachant que la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle ainsi que le Syndicat national des journalistes tunisiens ont essayé, tant bien que mal, de remédier à la situation, mais rien n'y fut. Rappels à l'ordre, avertissements, sanctions pécuniaires, cessation provisoires de diffusion, etc. En vain ! Voyons, d'abord, ce qui s'est passé, tout récemment, sous d'autres cieux, plus précisément, en France, chantre de la démocratie et de la liberté d'expression. La chaîne BFMTV a organisé des plateaux spéciaux durant la journée de l'investiture de Donald Trump, nouveau président des Etats-Unis d'Amérique. Et histoire d'équilibrer les débats, elle a invité l'auteure Evelyne Joslain, connue pour ses thèses pro-Trump. Cette invitée a créé, alors, la polémique en lançant les propos suivants : «Obama déteste l'Amérique. Je pense qu'il était plus musulman dans son cœur que chrétien » après avoir affirmé que l'ex-président US détestait l'Amérique, au contraire de son successeur, raison pour laquelle il a été élu ». Il n'en fallait pas plus pour qu'elle soit « virée » du plateau sans autre forme de procès tout en obligeant ladite chaîne à présenter ses excuses En effet, Hervé Béroud, directeur de la rédaction de BFMTV, a jugé ses « propos de scandaleux. On lui a demandé immédiatement de quitter le plateau. Pour nous, ce sont des propos inacceptables sur notre antenne. On les condamne fermement ». Revenons chez nous où les animateurs de certaines émissions, dans le souci de faire exploser l'audimat, courent derrière la création du buzz, leur unique souci. D'ailleurs, ils reconnaissent qu'ils sont habités par cette hantise et que la recherche du sensationnel est, désormais, leur métier et leur spécialité. Et en avant les cris, les insultes, les accusations gratuites avec « documents à l'appui », mais qu'on ne voit jamais, les propos haineux, l'intolérance, le déni de l'autre, les dénigrements, les diffamations, l'apologie du terrorisme, le blanchiment des corrompus... Et c'est à l'animateur qui réussit le « mieux » à provoquer les disputes entre les invités et à les faire sortir de leurs gonds ! Le mur du son a été franchi, dans la soirée du dimanche 22 janvier 2017 lors d'une émission sur Al Hiwar ettounsi, lorsqu'un député, Walid Jalled, et un ancien ministre et député, Khaled Chouket, qui appartenaient au même parti, Nidaa Tounès, ont été chauffés à blanc au point d'en venir aux mains. Et dire que des politiciens, censés être raisonnables, acceptent de passer sur ce genre de plateaux avec tout le risque d'éventuelles dérives. Une scène analogue ou presque, s'est déroulée, il n'y pas si longtemps sur les ondes d'une radio privée, au cours de laquelle un membre du SNJT et un animateur télé, adepte de la recherche du buzz, ont mené un véritable combat de coqs avec des accusations lancées de part et d'autre à tout bout de champ. Certains animateurs sont devenus des spécialistes en la matière en invitant des personnages connus pour leur promptitude à s'emporter et à dénigrer autrui, dont notamment Seifeddine Makhlouf, Rached Khiari, Anouar Ouled Ali pour ne citer que les plus en vue en la matière. En effet, ces derniers sont réputés pour leur manie de crier trop fort et, surtout, pour leurs thèses défendant les extrémistes, voire carrément les terroristes. D'ailleurs, ces personnes sont invités sur les plateaux parce qu'on sait, à l'avance, qu'ils vont créer l'incident, donc le buzz. Mais on fait semblant d'oublier qu'elles ont toujours fait l'apologie du terrorisme en défendant, bec et ongles, toute personne accusée ou condamnée pour un tel méfait. Sans oublier le dénommé Maher Zid qui, il n'y a pas si longtemps, faisait le tour des médias audiovisuels. Pourtant, un simple coup d'œil sur son parcours suffisait pour opposer un veto à son passage sur les plateaux. Ancien prisonnier bénéficiant d'une libération dans le cadre de l'amnistie général alors qu'il était condamné pour terrorisme, Maher Zid a été recruté en tant que greffier au Tribunal de première instance de Tunis ! A-t-on idée d'octroyer un poste d'emploi aussi sensible à un repris de justice condamné pour extrémisme avec violence ? D'ailleurs, il serait judicieux d'ouvrir le dossier des recrutements des amnistiés afin de voir sur quelle base ils ont été recrutés à un tel ou tel autre poste ! Ce même Maher Zid a été impliqué dans le vol de documents officiels du Tribunal où il exerce, des documents confidentiels se rapportant à l'affaire de l'assassinat du martyr Chokri Belaïd et retrouvés dans sa voiture. D'ailleurs, il vient d'être condamné à 4 ans de prison ferme. Sans oublier qu'il est l'auteur de la triste thèse de la recherche des trésors par nos vaillants soldats de l'Armée et de la Garde nationale alors qu'ils offraient leurs vies pour la protection de la Tunisie contre les terroristes. Sans oublier, non plus, le douteux reportage réalisé sur l'assassinat de Chokri Belaïd et diffusé sur la non moins douteuse chaîne d'Al Jazeera. Encore assez récent est le passage de l'interview par Skype de Belhassen Trabelsi alors qu'il est demandé par la justice et passe pour être le chef de file des personnes corrompues sous l'ère de Ben Ali. Heureusement qu'il y avait Me Imed Ben Halima pour le contrecarrer, sinon, il aurait surement donné l'impression d'être victime d'une injustice et qui n'a même plus, ainsi, que les siens du même clan, de quoi manger. La liberté d'expression est un acquis de taille qu'il ne faut, pour rien au monde, laisser refiler, Les lignes rouges sont bien là et il serait judicieux, sage,voire vital, de ne pas dépasser. L'équation est certes difficile à résoudre, mais il faut savoir trancher. Dans toute l'Europe, toute apologie du nazisme ainsi que tout négationnisme de l'Holocauste sont passibles de traduction devant la justice avec condamnation à la prison. Il en est de même pour toute apologie du terrorisme. On ne badine avec ces principes. Et le moindre dépassement en la matière est vite tranché dans le vif. Chez nous, certes, on continue à apprendre, mais il y a des « évidences » qui ne nécessitent aucun apprentissage. C'est également une affaire de responsabilité de l'Etat qui, seul, a le droit d'user de la force pour appliquer la loi. Car en définitive, on ne débat pas avec ceux qui défendent le terrorisme et les terroristes, bien au contraire on les combat.