A première vue, le visiteur se croit être en présence de deux artistes différents en remarquant deux genres de travaux distincts, des techniques et des styles différents. En réalité, il ne s'agit que d'un seul, Amin Chaouali, qui revient après plus de trois ans à la galerie Saladin avec ses anciens tableaux où dominent la nature morte, le paysage qui révèlent les couleurs et les lumières de Tunisie, mais aussi avec ses nouveautés qui consistent en des œuvres de céramique où l'artiste nous présente, avec la même verve et la même sensibilité, sa nouvelle vision de l'art, ayant recouru à maintes techniques contemporaines (métaux, collage, plexiglass, fibres synthétiques, plastique, cellophane, silicone, papier... ) pour aboutir à des créations aussi bien originales que géniales. Les visiteurs auraient tendance à préférer les anciens travaux de peinture à huile de l'artiste, tellement ils ne sont pas habitués à voir des créations pareilles, exposées pour la première fois, comme s'il voulait montrer son passage artistique vers un autre style tout à fait différent de ses débuts et qui constitue une grande « métamorphose » dans le parcours du peintre, d'où le choix du titre de l'exposition « Métamorphoses ». A la question pourquoi ce changement dans sa démarche, l'artiste nous a répondu : « j'ai voulu aller plus loin avec la peinture. C'était presque une obsession ! Je suis passé alors à quelque chose en relief, en trois dimensions, histoire de donner plus de profondeur à la toile ; j'ai voulu dépasser l'image ou la figure, j'ai donc essayé tous les matériaux tombés entre les mains, aussi bien dans la peinture que dans la céramique. L'essentiel, c'est que je me suis libéré ! » Soixante-deux œuvres ornent les cimaises de la galerie, dont la majorité sont en céramique plate, celles qu'on peut accrocher à un mur, tout comme un tableau de peinture, représentant des portraits de femmes, en postures différentes et dans plusieurs états. Il y a « La jalouse », « la blonde », l'actrice », « La belle aux bois dormant », « La musicienne », « Danseuse ». Avec ces nouvelles créations, l'artiste donne l'impression qu'il veut se libérer des contraintes traditionnelles pour trouver d'autres moyens plastiques qu'il trouve plus expressifs et donc plus satisfaisants à ses yeux, même si elles ne plaisent pas aux autres ! L'essentiel pour lui, c'est d'évoluer en évitant de se répéter. Non qu'il dénie toutes ses créations antérieures ; loin s'en faut, la preuve qu'elles sont exposées et que les gens les apprécient encore ! Les anciens travaux où domine un style figuratif impressionniste sont essentiellement faits à l'huile, ce qui donne une grande fluidité et beaucoup d'éclat dans les couleurs ainsi qu'une bonne luminosité. Ces travaux témoignent d'un grand attachement de l'artiste à la nature et au paysage de la Tunisie et montrent à quel point il en est fasciné dès ses débuts. Les titres de ces anciens tableaux sont significatifs : « Poissons rouges », « Tournesols », « Composition florale », « Géraniums », »Marabout », « Djerba », « L'olivier », « Fraicheur »... Entre les anciens travaux et les nouveaux, on sent que la transformation est de taille, même si l'artiste travaille à la frontière entre plusieurs disciplines et produit enfin une œuvre qui associe peinture, céramique et installation synthétique comme l'œuvre intitulée « Balançoire ». C'est ainsi que nous avons l'impression que la peinture chez Amin Chaouali s'est vidée de sa sublimité originale pour se rabaisser au rang des techniques, lesquelles donnent une grande marge de liberté chez l'artiste. Bref, c'est la pratique de l'art plastique sans soumission aux règles rigoureuses du passé, sans le poids de la tradition, mais surtout avec une plus grande liberté. Ce passage vers d'autres moyens expressifs plus évolués et à d'inhabituelles techniques nous révèle l'ouverture de l'artiste sur les nouvelles approches de l'art contemporain, quoiqu'il refuse de classer ses nouvelles œuvres dans cette catégorie, mais il préfère plutôt se sentir plus libre, plus indépendant en s'exprimant de la sorte.