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« Le Roi de la mer » sort de sa bulle
Publié dans Le Temps le 15 - 02 - 2017

La bande dessinée se situe généralement au niveau technique à mi-chemin entre une projection graphique, chromique, bidimensionnelle sur une surface plane de papier de nature figurative illustrant une histoire, un récit, un conte, une aventure de séquences figurées, marquées de dialogues ou de monologues consignées sous forme de ce qu'on appelle « Bulles » ou texte généralement lapidaire ou message télégraphique.
L'action en elle-même est traitée figurativement mais aussi sous forme de texte « bulle ».
Sabri Kasbi, dans sa bande dessinée du « Roi de la Mer », raconte l'aventure d'un pêcheur à chéchia nommé Saïd qui échoue sur une île. Le naufrage de Saïd se fait sur une île, apparemment déserte et limitrophe et très probablement suite à une tempête d'une mer qui est... Nôtre... une mare Nostrum, en somme...
Le récit du Roi de la Mer
Le récit de notre bande dessinée raconte l'aventure d'un pêcheur dénommé Saïd... le pauvre Saïd... Saïd est en même temps acteur du drame de la mer mais également un témoin qui relate ce qui advient dans une mer déchaînée, lieu de drames humains nouveaux.
Les moyens pour dire ces drames sont d'ordre plastique, figures, lignes (dessins) et couleurs avec toutes leurs combinaisons, accompagnées de textes qui semblent ne pas entretenir des rapports de subordination de l'un envers l'autre mais gardent leur autonomie relative tout en procédant du même registre de produire du sens. La figure et le discours (texte) sont rarement antinomiques dans la B.D.
Quelquefois la figure se suffit à elle-même pour créer le sens comme dans ces bandes dessinées japonaises qui se contentent de figures pour dérouler le sens sans avoir recours aux textes. Le texte ne semble pas chercher de prééminence dans la bande dessinée par rapport aux figures et aux images... mais, il reste indispensable cependant et toute l'histoire de la bande dessinée est l'histoire de ce rapport entre figure et discours textuels.
L'histoire de la B.D
Des supports multiples ont été utilisés dans les temps anciens pour relater les faits humains, les légendes, les histoires, les contes... alliant l'image au texte. Ces rapports vont de la poterie à la céramique, à la pierre, au bois... Les Egyptiens des temps pharaoniques ont peint et écrit sur leurs fresques murales, sur leurs sculptures, leurs objets usuels ou autres, leurs légendes ou leurs histoires avec le Nil, leurs guerres, la mort sont transcrites à travers l'image et le texte, obéissant aux techniques du déroulement du drame.
La prééminence du texte par rapport à l'image est rarement constatée.
La présence de la figure dans la bande dessinée est presque toujours immédiate et presque toujours projetée et imprimée sur du papier sous forme de bandes-séquences.
D'autres supports ont été utilisés dans les temps anciens pour relater des histoires, des contes sur des supports autres... sur la poterie, la céramique, la pierre, sur le bois...
Les Egyptiens, des temps pharaoniques, les Grecs anciens, les Chinois et les Japonais et leurs techniques du parchemin et même de la peinture ont obéi à ce rapport figure/discours.
Les Musulmans ont aussi et chacun à sa manière, raconté leurs histoires en bandes dessinées liées à leur mythologie, à leurs visions du monde pleinement intégrées à leurs iconographies, à leurs référentiels scripturaux et calligraphiques.
Aujourd'hui, la BD se présente comme le résultat d'un long processus d'accumulation, de continuités et de ruptures, adoptant des démarches plurielles dont le point commun avec le passé est l'association de l'écriture (texte), le dessin figuratif et la couleur, l'ombre et la lumière..., etc.
Cette association a été utilisée par la science ancienne et moderne (de materia medica des Byzantins aux livres pharmaceutiques des Arabes) par la littérature, la philosophie... Ces textes, produits ainsi, ont eu pour noms « Kalila Wa Demna », les textes des miniatures ou les icones orthodoxes en passant par les miniatures bagdadiennes, iraniennes, turques ou mongoles musulmanes de l'Inde, etc...
Indépendamment de ces liens historiques avec des pratiques anciennes, la bande dessinée est essentiellement contemporaine.
La B.D contemporaine
La B.D tout en étant historique est essentiellement liée à l'histoire de l'art contemporaine, elle est devenue même une expression la plus littéraire des arts plastiques contemporaines.
La B.D possède dorénavant sa propre histoire, son histoire autonome.
Les artistes qui lui ont donné ses lettres de noblesse sont aujourd'hui très connus. Les Anglais ont marqué de leur sceau, l'invention de la bande dessinée moderne. Les Allemands avec Topffer ont continué à ancrer la B.D dans le mouvement de la B.D. Les Belges, avec l'emblématique Hergé, ont été pour beaucoup dans la popularisation des histoires de Tintin après la IIème guerre mondiale. La B.D française d'Astérix et d'Obélix a participé à enrichir la pratique de la B.D et à lui octroyer une dimension non seulement culturelle mais aussi financière.
Les Japonais aussi avec Hokusay, n'ont pas été négligeables et ont promu une B.D très offensive surtout avec le travail du même Hokusay qui, à travers ses 34 épisodes du Mont Fuji, a fait le reste pour populariser définitivement la B.D dans le monde...
Sans aller plus loin, nous pouvons dire que la B.D a subi des transformations, des ruptures qui reflètent et accompagnent les transformations dans les moyens de production de l'image.
Mais, avant d'examiner cela, voyons comment la bande dessinée a évolué en Tunisie parce qu'elle n'a pas attendu cette bande dessinée de S.Kasbi pour prendre son envol.
En Tunisie
La bande dessinée (B.D) est pratiquée depuis quelque quarante ans, en Tunisie. Elle n'était à l'époque pratiquée que par Hatem El Mekki avant-gardiste dans beaucoup de domaines surtout et qui fut suivi par quelques artistes qui ont aussi pratiqué la caricature, comme le peintre caricaturiste Chedly Belkhamsa, qui occupe une place à part dans la production de la B.D puisqu'il est très rapidement devenu un professionnel reconnu. Belkhamsa est en outre très connu pour ses caricatures virulentes.
Beaucoup d'autres artistes et non des moindres, ont travaillé dans le secteur de la B.D. Quelques uns parmi eux ont décroché ou sont partis à l'étranger. La liste que nous avons établie n'est donc pas définitive. Sur 20 artistes B.D, nous relevons les noms de Chedly Belkhamsa, Habib Bouhaouala, Moncef Kateb, Abdelkader Chelbi, Nadia Khiari et aujourd'hui, Sabri Kasbi.
La B.D de Sabri Kasbi repose sur le riche fonds artistique et culturel de la B.D internationale et surtout par rapport à l'apport belge mais aussi japonais. Le maître belge Hergé est pratiquement réellement présent dans cette B.D.
Comme son nom l'indique, la page B.D chez Sabri est parcourue de bandes régulières horizontales parallèles surtout dans les premières pages. Ces bandes ne restent pas cependant, toujours horizontales, elles peuvent devenir verticales, longitudinales quelquefois ramassées et découpées d'une manière fragmentaire et séparées... séquencées de plus en plus intenses.
Le livre de Sabri Kasbi, ce tuniso-belge, a été édité en Belgique en 2016 par les « Editions Bande à part ».
Il n'a pas encore de distributeurs officiels, en Tunisie... Celui qui nous a procuré le livre est notre ami Saoud Messaâdi, président de l'Association du livre de Tazarka et très actif au niveau de la B.D.
Ce livre B.D compte 46 pages. Il est peu conforme à ce qui est la norme graphique évitant la monotonie de la démarche classique des bandes éternellement parallèles en introduisant une dynamique dans les séquences qui accompagnent l'action du récit et les remous de l'aventure.
Sabri Kasbi, tout en évoluant au niveau de l'aménagement iconographique de ses planches possède cependant des références solides et bien enracinées chez Hergé et bien dans la tradition de « la ligne claire ».
Le graphisme adopté par Sabri n'est pas torturé. Il est clair, respectant les « codes » de la B.D classique.
Le premier plan, le deuxième ainsi que la troisième dimension n'obstruent nullement l'espace ni dans sa frontalité, ni dans sa profondeur et dans son creusement d'espace. Le dessin, les couleurs, le clair-obscur, la composition sont bien opérationnels... classiques, pas plus, peu moins.
Sabri semble connaître la musique... La musique classique de l'art pictural. Aux thèmes anciens de la mer, aux registres des tempêtes, des houles, des écumes... les sirènes, des corsaires de Robinson Crusoë, « du vieil homme et la mer ». Sabri innove. Le drame n'est plus d'ordre romantique.
Sabri opère une rupture dans toute la mise en scène et la situe au niveau de la quotidienneté de la crise de l'humanité migratoire, désespérée parce que rejetée par des nations qui ont peur de perdre leurs avantages du bien-être..., leur confort.
La B.D de Sabri semble ne plus se suffire à parler seulement de drames individuels, de naufrage individuel à la Robinson mais de naufrages collectifs et de suicides collectifs entre les côtes de Sabratha, de Jerba la douce, de Lampedusa l'italienne. Les Corsaires, ces marchands d e la mort, n'ont pas de nationalité, mais portent des bérets, parlent italien, mais aujourd'hui, tout le monde parle italien, porte des bérets !!! Les signes s'entremêlent.
Sabri Kasbi a non seulement démontré qu'il est très performant au niveau de l'iconographie, du graphisme de la représentation et surtout au niveau de son histoire, de son drame, d'une histoire pathétique. La B.D gagne un statut autre, un statut réaliste non pas au niveau du style de l'image mais au niveau de l'expression humaine du désespoir de nos jeunes et de nos enfants essayant de faire les guerres, la misère, le mal-vivre qu'on leur impose dans leurs pays.
D'une histoire somme toute commune, spécifique du « pauvre pêcheur Saïd », on aboutit à travers la B.D de Sabri Kasbi à soulever des problèmes autrement humains et certainement profondément universels d'une humanité à la dérive.
Il serait très indiqué que cette bande dessinée très forte, très expressive, soit traduite en arabe et dans d'autres langues.


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