L'endettement du secteur hôtelier est resté sans issue. Quelques 300 hôtels sont aujourd'hui endettés, soit le tiers de l'hôtellerie nationale. Le montant global de la dette est hallucinant. 4 milliards de dinars si l'on en croit les dernières statistiques de la BCT (année 2014). Le montant des créances classées s'élève, lui, à 2,3 milliards de dinars. Du coup, depuis quelque temps, de plus en plus de voix s'élèvent pour protester contre l'absence de mesures efficaces en faveur des hôteliers super endettés. Pour faire face à ce mal qui ronge le secteur, la Fédération Tunisienne de l'Hôtellerie (FTH) a tenu une conférence de presse jeudi 6 avril 2017 à la Foire du Kram. Khaled Fakhfakh, Président de la Fédération et le Directeur général de Société tunisienne de banque (STB), Samir Saied, ont présent, à l'occasion, le livre blanc sur le financement du secteur touristique. Le Président de la FTH a souligné que la Fédération soumet pour la première fois une proposition de solution qui se base sur une démarche volontaire de l'hôtelier. « Une consultation des adhérents est programmée dans les régions en vue de l'amélioration du projet puis sa validation par le conseil national, a-t-il précisé. Il n'y aura pas de solution globale, mais une solution adaptée à chaque cas. Les créances classées du secteur sont concentrées sur les secteurs industriels (27%) et touristiques (20%). C'est énorme quand on compare à la France, par exemple, où ce taux dans l'hôtellerie-restauration n'est que de 12,5% et seulement 7,4% pour l'industrie. Ce problème est le même dans tous les pays touristiques. L'industrie hôtelière étant fortement capitalistique, des pays comme l'Espagne, le Maroc ou la Turquie font face, eux aussi, aux mêmes problématiques et sont financés sur 20 à 25 ans. Et pourtant, le secteur a besoin de capitaux car il est particulièrement capitalistique vu le poids du génie civil dans les investissements de départ et de rénovation. Une responsabilité partagée Une bonne partie de l'endettement doit être restructurée. Les rénovations sont nécessaires et coûteuses. Un investissement massif a déjà été fait depuis 30 ans. Il s'agit d'éviter la destruction de ce capital existant. La responsabilité de cet endettement est partagée par tous les intervenants, en l'occurrence les hôteliers, les banques et l'administration. D'où la nécessité d'une solution concertée. Entre 2012 et 2014, la dernière tentative de résolution du problème avait été présentée par l'AMC, mais qui avait échoué pour quatre raisons: le projet n'avait pas été porté par la FTH; il était obligatoire et non volontaire; il ne donnait pas de droit de préemption aux hôteliers; et il n'a tenu compte que d'impératifs purement financiers. La FTH a soumis, pour la première dans l'histoire de la Tunisie, «Le Livre Blanc sur la restructuration du secteur» élaboré en partenariat avec l'APTBEF. La solution proposée est individuelle, spécifique et se base sur une démarche volontaire de l'hôtelier. Quant à la viabilité de l'unité hôtelière, elle concerne différents critères, à savoir : qualité de l'actif, valeur de la dette, l'emplacement (de l'hôtel), perspectives futures de rentabilité, profil du gestionnaire a précisé le président de la FTH. Chaque hôtel est un cas particulier ayant ses propres dettes. Le principe est d'inviter chaque hôtelier à formuler ses propres prévisions relatives aux recettes de son unité durant les prochaines années et ce selon son Business Plan. À partir de ces prévisions-là, la banque va estimer sa capacité de remboursement. La première partie sera ainsi classée comme dette supportable et scindée en deux ; volet dit senior dont le remboursement commence immédiatement et volet dit junior avec acquittement ajourné. Reste alors les dettes insupportables qui seront reportées avec leurs intérêts jusqu'à l'exécution du plan de restructuration de l'unité hôtelière. « Selon les résultats obtenus, l'ardoise sera soit effacée ou soit acquittée», a encore dit le président de la FTH. La proposition de la STB Samir Saeid a expliqué, de son côté, que le secteur est super-endetté. « Les créances touristiques sont estimées à 1.700 MD, représentant 600 entités, 20 % des créances accrochées de la banque et 25 % du total de ses engagements. Ces créances pèsent lourd sur les finances de la banque. Nous proposons un montage financier aux hôteliers endettés pour les aider à redresser leurs unités et à retrouver leurs capacités de remboursement, sans pour autant perdre en performance financière et ceci à travers un business plan. Le remboursement de la dette se fera au cas pas cas, suivant les capacités de remboursement de chaque unité hôtelière. Nous déterminerons alors la dette supportable par l'hôtel et sa capacité de remboursement. Une dette senior, réduite les 5 premières années, suivie d'une dette junior qui s'étalera ensuite sur 12 à 15 ans. La partie de la dette non supportable sera ensuite transformée en obligations convertibles avec peu ou pas d'intérêt et qui pourrait même être abandonnée par la suite. L'option de conversion est cependant liée aux performances de l'entreprise. Si l'équipe de gestion concrétise les objectifs, c'est tant mieux et l'hôtelier ou le propriétaire-gestionnaire pourront nous payer l'obligation convertible, même tardivement. Dans le cas contraire, la banque exerce son option de conversion et transformera la dette en prise de participation dans le capital. On deviendra alors actionnaires et on fera appel à une société de gestion extérieure qui sera chargée de la gestion de l'hôtel, dont le propriétaire restera membre du conseil d'administration. A la fin de la période de redressement, l'hôtelier pourra racheter les obligations ou nous vendrons l'hôtel car nous n'avons pas vocation à rester dans l'affaire à redresser, mais à accompagner ce redressement et à sortir à la première occasion». Il a par ailleurs précisé que la banque n'a pas l'intention de confisquer l'hôtel. A propos du changement de la vocation de l'hôtel, il a souligné que cette solution est envisageable. « On pourra séparer le mur de l'exploitation. Ce qui permettra d'avoir de la trésorerie pour assurer la pérennité de l'entreprise » . Le Président d'Amen Bank , Ahmed El Karam, a, pour sa part, souligné que chaque hôtelier devrait formuler ses propres prévisions relatives aux recettes de son unité durant les prochaines années et selon un Business Plan bien élaboré. Il a appelé à ce que les crédits doivent être garantis pour la SOTUGAR ou le Fonds national de garantie et à la séparation entre sociétés propriétaires et sociétés gestionnaires. Cet allègement du poids de la dette des hôtels pourra se faire aussi à travers des projets immobiliers en autorisant une composante immobilière sur les terrains hôteliers. S'agissant de la tarification des services touristiques en devises, cette initiative doit être relancée par la BCT. Il y a aussi un prix plancher « économique » au dessous duquel on ne peut pas descendre, sauf à vendre à perte. Il n'est pas question de brader la destination. » Afif Kchouk, hôtelier à Bizerte, s'est interrogé sur la manière du remboursement des dettes. « Avec les prix pratiqués actuellement, les charges, le coût élevé de la maintenance, la dévaluation du dinar ,le tourisme parallèle et la concurrence déloyale , l'hôtelier est bloqué et ne pourra pas de ce fait rembourser ses dettes » Bref il y a là « un plan Marshall » pour sauver les hôtels endettés en attendant l'aval de la Banque centrale de la Tunisie