Jalal El Mokh vient de publier la 2è édition de son recueil de nouvelles « Le bourreau », paru pour la première fois en 1996. Plus de vingt ans se sont déjà écoulés sans que l'œuvre n'ait perdu de sa valeur littéraire et intellectuelle. Le stock étant épuisé depuis longtemps, l'auteur a jugé opportun de rééditer son livre qui fut et reste encore bien apprécié aussi bien par les critiques que les lecteurs avertis, sachant que son contenu est encore d'actualité. Ce recueil de nouvelles a été écrit dans la jeunesse de l'auteur, si bien qu'il constitue l'une de ses primeurs dans le domaine de l'écriture. Aujourd'hui, il a plus de 25 livres dans son répertoire, dans les deux langues et dans différents genres. Le premier récit de cet album est intitulé « Le bal masqué », une nouvelle de neuf pages qui se distingue non seulement par la progression des faits de l'histoire, mais surtout par sa construction qui échappe en quelque sorte du cadre spatio-temporel habituel pour prendre des dimensions mythologiques, où le lieu, le temps, les actions et les personnages sont absurdes, indéterminés, mais jamais dénués de sens, puisqu'on parle au début du récit de « vents éternels adressant une invitation à une fête de bal masqué qui a lieu la deuxième nuit après le millénaire dans le célèbre Sea Palace »... Le masque porté par les illustres invités appartenant strictement à la haute société a ici une dimension symbolique, car derrière ce masque se cachent des attitudes et des conduites diverses et compliquées qui révèlent des caractères pervers de ce beau monde ! Le deuxième récit porte comme titre « Le peintre ». C'est l'histoire d'un peintre engagé dans une lutte intérieure qui le met en face de sa toile, une lutte acharnée qui dépeint une relation étrange entre le peintre et son tableau et qui finit par une inversion des rôles où chacun s'identifie enfin à l'autre... « La Forêt » est le troisième récit du recueil, une histoire inspirée de la mythologie africaine où l'auteur met en scène un homme qui décida d'aller dans cette forêt dans laquelle personne n'a osé d'entrer auparavant, dans le but de s'y installer en faisant des plantations. Malgré les conseils et les mises en garde, il se mit à l'œuvre ; dès qu'il toucha le premier arbre de sa hache, il écouta un bruit bizarre provenant d'infâmes créatures forestières, qui a failli le détourner de son dessein. Sans se résigner, il continua sa besogne bon gré mal gré, mais connut une fin malheureuse : un récit plein d'allégories et de symboles évoquant le bien et le mal. « Le bourreau » est le titre de la quatrième nouvelle, mais aussi de tout le recueil. Ce récit constitue la pièce maitresse de tout l'ouvrage. Physiquement, on a beau désigner ce « bourreau », surtout dans les films d'horreur, par cet homme dur, violent et sans cœur dont la tâche est de torturer, martyriser, exécuter des peines et infliger des supplices. Or, dans ce récit l'auteur attribue à ce « bourreau » une dimension plutôt morale et intellectuelle. Le « bourreau » de l'écrivain est celui qui, loin d'assouvir ses désirs sanguinaires sur le corps des individus, veut agir sur leur esprit, leur savoir, leur mentalité, en massacrant toutes les croyances et les convictions débiles et superstitieuses et tous les préjugés bien enracinés dans les esprits. Il fait subir à ce bourreau une parfaite métamorphose, faisant de lui un facteur constructeur au lieu d'être un facteur destructeur. « Le magicien », la cinquième nouvelle du recueil où Jalal El Mokh, présente, moyennant des métaphores et des symboles, sa vision de la situation intellectuelle et cognitive de notre époque où la raison et le rationalisme cèdent le pas aux tendances dogmatiques et obscurantistes, grands ennemis du savoir, du progrès, de la culture et de la créativité. L'avant-dernière nouvelle « Le cavalier au visage plaisant » évoque ce conflit éternel entre l'homme et le temps, un conflit psychologique intellectuel et religieux qui a préoccupé les savants et les philosophes à travers les époques... L'auteur pose dans sa dernière nouvelle « Le bourreau II » un problème très ardu, vécu surtout par les hommes de lettres et les intellectuels, à savoir le rapport de l'écrivain avec sa plume, ou autrement dit, avec sa créativité. Dans ce recueil écrit depuis vingt ans, la pensée de Jalal El Mokh reste encore d'actualité et c'est pour cette raison qu'il est réédité aujourd'hui. Ses idées témoignent de la volonté de l'auteur de voir un monde meilleur où règnent l'amour, la prospérité, le savoir, la beauté, le progrès, la créativité et la joie de vivre, un monde sans superstition ni ignorance. Néanmoins, le recueil n'est pas à la portée de tous les lecteurs, mais il s'adresse plutôt à l'élite intellectuelle, sachant que les événements de tous les récits oscillent entre l'imaginaire et le réel, l'évident et le mystérieux, l'ambiguïté et la clarté, le rationnel et l'irrationnel, le possible et l'impossible. Ce n'est pas seulement une simple narration de faits, mais surtout une analyse approfondie de situations humaines et universelles. Et c'est là que résident le style et la singularité de Jalal El Mokh, chose bien manifeste dans tous ses écrits, qu'ils soient en poésie ou en prose.