La présidente de l'Instance vérité et dignité (IVD), Sihem Ben Sedrine, est de plus en plus n décriée en raison de sa «gestion à poigne» de l'épineux dossier de la justice transitionnelle. Fait nouveau : outre ses traditionnels pourfendeurs, en l'occurrence les destouriens et les anciens membres du Rassemblement Constitutionnel démocratique (RCD) qui l'accusent de vouloir récrire l'histoire et de contrarier l'initiative présidentielle de réconciliation nationale, l'ex-journaliste défenseur des droits de l'Homme est désormais attaquée par ses supposés alliés et protecteurs islamistes d'Ennahdha. Quatre membres de l'instance réputés proches du mouvement Ennahdha (Oula Ben Nejma, Ibtihel Abdellatif, Slaheddine Rached et Ali Radhouane Ghrab) ont contesté, dans un communiqué publié le 15 août 2017, la décision de la présidente de l'instance de mettre fin à la mission d'une juge rattachée à cette institution. «Il s'agit d'une tentative de vider l'instance des compétences et toutes personnes qui refusent de se plier à ses ordres», ont écrit ces membres mécontents, qualifiant cette décision d'« unilatérale». D'après des sources proches du dossier, le courant passe mal entre Sihem Ben Sedrine et ses «amis » islamistes qui l'avaient porté à la tête de l'instance qui pilote le processus de la justice transitionnelle. Ces derniers ne semblent pas avoir apprécié que l'ex-opposante notoire au régime de Ben Ali programme des séances d'audition des victimes des violences policières commises le 9 avril 2012 à Tunis et les 27 et 28 novembre de la même année à Siliana. Les agents du ministère de l'Intérieur, qui était alors dirigé par Ali Laârayedh, se seraient fait aider, selon certains témoignages, par des «milices» proches d'Ennahdha pour réprimer les manifestants. A Siliana, les policiers auraient utilisé la chevrotine pour venir à bout d'un mouvement social naissant. Depuis son arrivée à la tête de l'IVD en 2014, Sihem Ben Sedrine n'a jamais fait l'unanimité autour d'elle en raison notamment de l'aspect cassant de sa personnalité. A 66 ans, cette dame reste une militante bagarreuse dans l'âme. En octobre 2016, elle avait limogé deux membres de l'instance, Lilia Bouguira et Mustapha Baâzaoui, pour avoir dénoncé ses «pratiques dictatoriales». Les deux membres écartés ont hé reproché à Mme Ben Sedrine d'imposer toujours ses décisions sans revenir aux autres membres de l'IVD et de s'appuyer sur un noyau dur des membres de cette instance totalement soumis à ses ordres pour faire passer toutes ses décisions. En avril 2016, elle avait empêché manu militari Zouheir Makhlouf d'accéder à son poste de deuxième vice-président de l'IVD faisant fi d'un jugement prononcé par le Tribunal administratif. Le bras de fer entre Sihem Ben Sedrine et Zouheir Makhlouf a commencé lorsque ce dernier a adressé une lettre en août 2015 au président de l'Assemblé des représentants du peuple, Mohamed Ennaceur, où il accuse notamment la présidente de «gaspillage de l'argent public, de prise de positions unilatérales et de gestion autoritaire et chaotique» de l'IVD. Ces critiques acerbes ont valu à Zouheir Makhlouf d'être limogé pour «transgression des articles de la loi organique régissant la justice transitionnelle relatifs au serment, au secret professionnel et au prestige de l'Instance». Quelques mois seulement après sa mise sur pied, l'IVD a été aussi ébranlée par quatre démissions. Il s'agit de celles de Khemaïes Chammari, Noura Borsali, Azouz Chaouchi Mohamed Ayadi. La majorité des démissionnaires ont tiré à boulets rouges sir la présidente de l'IVD. «Sihem Ben Sedrine a déclaré que j'ai démissionné parce que les élections m'ont fait peur ! Il est tout à fait évident que de tels propos indignes d'une présidente d'une commission de vérité ne méritent pas de commentaire. Mais, je voudrais tout simplement lui lancer un défi maintenant qu'elle a violé l'obligation de réserve imposée aux membres et dont elle les menace : celui de publier ma lettre de démission. Si elle ne le fait pas, je le ferai moi-même pour que la vérité soit dévoilée. Je me limiterai à dire ce soir qu'une des raisons de ma démission, ce sont ses mensonges dont elle a fait une règle de gestion du groupe», avait écrit Mme Borsali peu après avoir rendu le tablier fin 2014. Et de renchérir : «Quelle vérité attendez-vous de cette femme dont je continuerai à demander le départ de la tête de l'IVD ? Que de bévues jusque-là ! Elle est en train de décrédibiliser l'IVD et tout le processus de justice transitionnelle». La toute puissante use souvent de la théorie du complot pour expliquer la multiplication des critiques. «L'IVD souffre d'une tentative d'infiltration par les nostalgiques de Ben Ali en manipulant certains membres», assure-t-elle à tout bout de champ. L'argument semble toujours solide.