Jalal El Mokh, écrivain bilingue, vient de publier un nouveau recueil en langue française intitulé « Bas les masques » aux éditions Imprimerie Culturelle. Les poèmes, écrits avec beaucoup de tact et d'expressivité, exacerbent les sensibilités du poète sur des thèmes d'actualité, touchant quiconque vivant dans ce monde plein d'anomalies, d'hypocrisie et de tartufferie. Le choix des mots est judicieux, le style est tantôt intense et puissant tantôt souple et fluide, et le type d'écriture est tantôt narratif, tantôt descriptif. Le recueil comprend 16 poèmes en vers libres ou en prose poétique, aux thèmes variés, classés par ordre chronologique, datés du 15 décembre 2015 au 23 juin 2017. « Bas les masques », le titre choisi pour ce nouveau recueil, est un cri de douleur et de colère poussé par notre poète contre les attitudes trompeuses, les faussetés, les préjugés, les excès, les hypocrisies et les malhonnêtetés qui existent dans notre monde et contre certains comportements empoisonnés d'apparences fallacieuses qui ne cessent de se propager dans notre vie. Il s'acharne contre les partis-pris et les idées préconçues de certains esprits chagrins et s'indigne contre certaines conduites bizarres et inadmissibles, voire abjectes et indignes de l'être humain. Nous nous bornerons à quelques poèmes qui nous paraissent très distinctifs dans la mesure où ils expriment la préoccupation majeure de l'auteur : dévoiler et mettre à nu les maux intolérables qui assiègent notre vie et nos esprits. Dans des titres, en grande partie métaphoriques, l'auteur cherche à dénigrer ou démystifier des phénomènes humains ou sociaux, comme dans « Prière d'un escargot », cet animal minuscule et vulnérable qui se plaint, tout comme ses semblables, de la pollution et de la dégradation de l'environnement à cause du comportement des humains. C'est ainsi qu'on peut lire dans ce poème : « / Nous sommes tout le temps écrabouillés/ Notre fragilité est écrasée/ Notre allure est piétinée.../ Veuille transformer ma frêle coquille/ En carapace d'acier/ Pour que je puisse traîner/ Mon existence... » Dans le poème « Philosophes des lumières éteintes » le poète critique certains philosophes des lumières du 18è siècle et d'autres de 19è siècle pour leur point de vue réducteur et dévalorisant sur les Africains qu'ils considéraient comme des créatures inférieures à la race blanche, du pur racisme, puisqu'ils ne condamnaient pas l'esclavagisme très développé à leur époque. L'auteur cite ici certains préjugés portés par certains philosophes sur les Noirs et l'Afrique ; il s'élève contre leurs pensées racistes. S'adressant à Kant, il écrit : « Louable et glorieux Emmanuel Kant/ En lisant tes lubies, je déchante/ Toi le maitre de la raison pure/ Et du raisonnement/ Comment ta déraison t'a conduit à écrire/ Ce qu'il y a de plus vil/ Et même pire/... Ensuite, il se dirige vers Hegel en disant : « Et toi mon grand Friedrich Hegel/ Immense penseur et philosophe essentiel/...Comment osas-tu écrire/ Au milieu des sublimes réflexions/ De pareilles élucubrations/... » Et il enchaine avec d'autres philosophes comme Ernest Renan, Montesquieu, Voltaire, Guy de Maupassant, Hugo... en citant leurs propos racistes à l'endroit des peuples africains. Et le poète de s'insurger contre ces préjugés en ces termes : « Ennemis de mes frères/Bandes de bourreaux et d'esclavagistes/ Hordes de négriers/ Aux essences racistes/ La vérité brûle vos masques mortuaires/Je vois en souriant vos têtes/ Dégringoler dans les abysses/ Des idées obsolètes/. Dans « Epitre à Epicure », il s'agit d'une lettre adressée au philosophe grec Epicure et sa pensée qui consiste à vivre dans le moment présent, profiter le maximum de l'instant sans se soucier ni du passé ni de l'avenir. Or, selon le poète, on ne peut pas faire abstraction du passé ni du futur, car l'homme est aussi plein de souvenirs du passé, et d'espoirs dans l'avenir. Cette philosophie d'Epicure repose en quelque sorte sur l'inconscience, or on ne peut pas vivre sans conscience. Lisons ces vers : « Cher Epicure/ Maitre absolu/ De l'insouciance incongrue/Je perds le nord/ Et je crie fort/Trêve d'ivresse/ Au milieu des foules de pendus/Trêve de bacchanales/ Entre l'échafaud et le pal/ L'aveugle plaisir/ Est bien rompu/ Et ton ivresse ne suffit plus. » « J'enserre l'Afrique dans mes bras » est un hymne à l'Afrique, son passé, sa terre, ses souffrances, ses richesses, son avenir... Le futur appartient à l'Afrique : « Pourquoi l'Afrique crève/ Alors que ses sèves/ Regorgent de richesses ?/ Pourquoi titube-t-elle famélique/ Alors qu'elle nourrit la terre entière/ De son sein/ Ô combien généreux et érotique ? » « Face à l'horizon » est un autre poème où l'auteur joue avec les mots, notamment le verbe « clamer » et sa famille « réclamer », « déclamer », « proclamer », « acclamer ». Chacun de ces verbes est placé à la tête de chaque strophe, suivi de vers entachés de déception, d'amertume envers certains faits révoltants et scandaleux, mais aussi d'enthousiasme, d'espoirs et de rêves...