L'intégration économique maghrébine fait toujours couler beaucoup d'encre. Depuis la nuit des temps, on parle d'une union maghrébine économique. Beaucoup d'investigations, beaucoup d'efforts mais aussi beaucoup de temps perdu. L'appel à une concentration en amont et en aval touchant aux échanges commerciaux, au volume d'investissement, aux unités productives, au capital humain et aux institutions financières de l'espace maghrébin, demeure haut et fort tant de la part des autorités politiques des cinq pays du Maghreb que de celui des pays de l'Union Européenne (UE). Un dialogue de sourds qui tarde à trouver les voies de sortie et les moyens de concrétiser l'union tant attendue. Entre la volonté de créer un marché de 80 millions de consommateurs et la réalité patente de l'Union du Maghreb Arabe, l'écart est énorme. Les échanges commerciaux intermaghrébins demeurent dérisoires et les flux d'investissement dans la région restent infimes. Néanmoins et parallèlement à cet état de gel du côté de la rive Sud de la Méditerranée, la rive Nord de la Mare Nostrum a réussi après un processus de longue haleine à gagner le challenge de l'Union. Une success story qui motive les pays du Maghreb pour accélérer leur processus d'intégration maghrébine non seulement pour stimuler leurs croissances et réduire leurs taux de chômage, mais également pour conforter leur pouvoir de négociations avec l'Union des 27 et pour tirer leur épingle du jeu. Sur un volume de commerce mondial estimé en valeur à 137,1 milliards de dollars, 2% sont seulement échangés entre les cinq pays du Maghreb (la Tunisie, le Maroc, l'Algérie, la Libye et la Mauritanie). Les échanges commerciaux intermaghrébins n'excèdent pas 1,5 milliard de dollars avec une progression annuelle de 11 à 12 %. Selon les dernières statistiques, la Tunisie représente à elle seule 37 % de ce montant, la Libye 30% et l'Algérie n'en représente que 20%. L'évolution annuelle des échanges commerciaux intermaghrébins ne dépasse pas le seuil des 12%. Pour ce qui est des investissements intermaghrébins, ils ne dépassent pas les 0,3% des investissements internationaux avec une valeur n'excédant pas les 800 millions de dollars. Les chiffres sus indiqués reflètent le gel du processus d'intégration économique maghrébine. Les pays du Maghreb ont tendance à favoriser l'intégration européenne au dépends de l'intégration maghrébine. Chiffre à l'appui, 66% des transactions de leur commerce sont réalisées avec l'Union Européenne. Or l'intégration dans l'espace européen est conditionnée par l'intégration maghrébine et la consécration d'un espace de partenariat et d'association fructueux et constructif entre les deux rives de la Méditerranée est tributaire de la création d'un marché maghrébin unique, d'un espace douanier commun, d'une monnaie unique et d'une zone de libre-échange. Par ailleurs, et selon une étude réalisée par la Banque mondiale, l'intégration augmenterait de près de 2 à 2,5 points la croissance et génèrerait près de 20.000 emplois dans chaque pays de la région. Mieux encore, l'intégration multiplierait par 10 les exportations des pays de la rive Sud de la Méditerranée. Une aubaine à saisir et si elle se réalisait, elle permettrait de pallier à un manque à gagner pour les pays du Maghreb qui leur permettront de relever les défis de la mondialisation et de développer des synergies à même de soutenir la croissance économique et de réduire le chômage dans chaque pays de la région. L'Union Européenne a gagné sur tous les plans le pari de l'intégration. La monnaie européenne unique (l'euro) a tenu ses promesses en enregistrant cette année des niveaux record face au roi dollar. Les échanges de biens, de services et de personnes entre les 27 pays de l'union s'accélèrent. Des challenges qui ont tendance à porter préjudice aux intérêts des pays maghrébins. Lesquels craignent la fuite des investissements européens et le tarissement des échanges de biens et de personnes avec la rive Nord de la Méditerranée. A titre d'exemple, la France est résolue à ouvrir intégralement son marché de travail aux pays membres de l'Union Européenne d'ici 2009. Une offre préliminaire de 150 postes d'emplois est déjà ouverte aux pays membres. L'offre concerne des emplois à faibles qualifications et qui, dans un passé très proche, étaient essentiellement réservés et exécutés par les immigrés Africains, Asiatiques et Maghrébins. Une décision qui s'inscrit dans le cadre de la nouvelle politique française de lutte contre l'immigration, notamment celle clandestine et portant sur l'expulsion de 25.000 immigrés clandestins d'ici la fin de l'année en cours. Ainsi l'ouverture du marché de travail français aux pays de l'UE, est un exemple frappant de la force de l'Union et des contrecoups de la non intégration maghrébine. L'union fera la force des négociations entre les deux rives de la Méditerranée. Entre temps, les réunions entre les pays maghrébins se succèdent pour donner un coup de pouce au processus d'intégration et pour mettre fin aux conflits d'intérêts au sein de l'espace maghrébin. D'ailleurs, et dans ce même ordre d'idées, le Fonds Monétaire International (FMI) a indiqué dans son rapport 2006 sur les « perspectives économiques en Asie centrale et au Moyen-Orient », qu'en raison des différends politiques entre le Maroc et l'Algérie, le Maroc importe ses besoins en pétrole brut de l'Arabie Saoudite ou de l'Iran au lieu d'être approvisionné par son voisin algérien. Le FMI a dans le même cadre sollicité les cinq pays à accélérer leur projet d'intégration économique en soutenant et en sponsorisant l'organisation de Conférences annuelles dont la première a été tenue en Alger en 2005 et la dernière a été clôturée la semaine dernière à Tunis. En attendant la quatrième conférence qui aura lieu à Tripoli, les trois précédentes ont révélé des plans d'actions et des programmes ambitieux en matière d'harmonisation des réglementations commerciales, de réduction de tarifs douaniers, d'amélioration des infrastructures du transport, d'intégration financière et bancaire mais aussi en matière du rôle du secteur privé dans l'intégration. La concrétisation des différents programmes annoncés reste à démontrer. Tant de projets en commun et d'actions à entreprendre notamment sur le plan réglementaire pour impulser les échanges qui restent le point de départ pour une croissance économique pérenne et prospère pour chaque pays de l'espace maghrébin.