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Une femme tunisienne engagée
Publié dans Le Temps le 30 - 03 - 2018

Docteur en Sciences politiques, Sonia Mbarek est nommée ministre de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine dans le premier Gouvernement de la IIème République tunisienne en janvier 2016, où elle sera à l'initiative d'une loi sur le statut de l'artiste en Tunisie.
Politologue et enseignante universitaire spécialisée en droit public, politiques culturelles et gestion du droit d'auteur, elle est chargée en tant que première femme tunisienne, de diriger le prestigieux festival international de Carthage en 2014-2015.
Dr. Sonia Mbarek qui a produit six albums, est par ailleurs, reconnue en tant qu'artiste interprète de renommée internationale avec plus de trente ans de carrière et détient en 2000, le « Diapason d'Or » pour son album de chant arabo-andalou, « Takht ».
Elle, qui a toujours prôné le dialogue interculturel au service de la paix et des peuples, a contribué à des ouvrages collectifs dont, « L'art contemporain et l'imagination créatrice », et « Le rôle du musicien en faveur de l'inter culturalité ». Aujourd'hui, elle publie chez l'Harmattan, « Le statut du musicien en Tunisie : Etat des lieux de la politique musicale ». Entretien.
Le Temps : Dr Sonia Mbarek, lors de votre mission à la tête du ministère de la Culture, vous étiez sur l'initiative d'une loi sur le statut de l'artiste en Tunisie. Comment est né ce projet ?
-D'abord, il faut savoir que la question du statut de l'artiste était parmi les actions prioritaires de mon mandat en tant que ministre de la Culture.
A ce titre, j'ai constitué un comité d'experts, (juristes du Tribunal Administratif, experts institutionnels, association d'artistes, fin février 2016 ), chargé d'écrire un projet dont l‘objectif initial, était d'améliorer la situation professionnelle, sociale et économique des artistes, par la mise en œuvre de nouvelles mesures portant sur la reconnaissance de la triple dimension du statut professionnel de l'artiste et de ce qui en découle, en matière de droit au travail, droits sociaux, droits d'auteur, tel qu'énoncé dans la recommandation de l'UNESCO sur la condition de l'artiste. La Constitution tunisienne du 26 Janvier 2014, Articles 41 et 42, et le plan de développement, 2016-2020.
Les objectifs du projet de loi
La libéralisation de l'accès à la profession artistique qui consacre le droit à la créativité et à la promotion de la production littéraire et artistique, le droit à la liberté d'expression artistique et culturelle en posant les fondements de la reconnaissance de la contribution des artistes et des travailleurs culturels à l'enrichissement politique, social, économique, industriel, technologique, le droit de former des associations, des syndicats et des organismes ayant pour objectif de défendre les intérêts professionnels, sociaux et économiques de l'artiste selon les principes suivants qui se sont traduits en chapitres et articles :
Soutenir le droit de l'artiste à la formation et au développement de ses compétences artistiques ; faciliter la circulation transfrontalière des artistes en tant que moyen de promouvoir la diversité culturelle, le dialogue interculturel. Amélioration et consécration du droit au travail et des droits sociaux de l'artiste. A ce titre, le droit au travail artistique rémunéré dans la décence d'où l'importance du contrat artistique.
Pour cela, le projet de loi proposerait la révision ou l'abrogation du système des cartes professionnelles dans les versions actuelles devenues désuètes et différentielles puisque seuls, les secteurs du théâtre, du cinéma et de la musique, sont légiférés.
Par la généralisation de l'accès au régime de la sécurité sociale et de retraite à toutes les professions artistiques, en abandonnant la condition d'exercice de l'activité culturelle à titre permanent, pour bénéficier de la sécurité sociale. L'inclusion des cotisations sociales aux contrats artistiques et l'institution d'un minimum vital équivalent à 2 ou trois fois le SMIG.
Une date à retenir, celle du 11 août 2016 ; quand j'ai présenté moi-même et au cours d'une journée d'étude sur le statut de l'artiste, le projet de loi à la population artistique et culturelle venue par centaines, en demandant des recommandations pour aboutir à un projet finalisé et surtout, validé par les différentes sphères du secteur culturel et artistique.
J'ai transmis fin août 2016, tout le projet à mon successeur au ministère, pour continuer à débattre avec la société artistique, et pour concrétiser la loi.
*Votre livre, « Le statut du musicien en Tunisie : Etat des lieux de la politique musicale... », qui vient de paraitre chez l'Harmattan, tourne essentiellement autour de deux constats : la précarité du statut professionnel du musicien et la faiblesse du cadre réglementaire malgré une constitution car, même s'il est favorable, il reste insuffisant pour changer les pratiques et les mentalités. Qu'en diriez- vous ?
-Le problème crucial auquel font face les musiciens et les artistes tunisiens en général, est la pluriactivité artistique, elle se combine paradoxalement avec la précarité de leur statut social.
Pourtant, les pratiques musicales, constituent en nombre, celles qui ont connu, depuis l'indépendance, la plus forte progression, notamment depuis les années 1980, et ce à un triple niveau : d'abord, au niveau de l'écoute de la musique enregistrée, avec la diversification des supports de diffusion. Ensuite, la prolifération des festivals et manifestations dédiés à la musique avoisinant aujourd'hui les 350 festivals. Egalement , l'augmentation du nombre de détenteurs de la carte professionnelle et artistique, passant de 4000 en 1986 à 14195 en 2016. Enfin, l'augmentation significative des pratiques musicales amateurs, tant au niveau national que régional, puisque le nombre d'élèves inscrits dans les conservatoires, s'élève à 4600 en 2016, contre 600 en 1986, et celui des associations musicales, a quadruplé les dix dernières années.
L'ouvrage propose de réfléchir sur ce paradoxe du musicien, et sur les difficultés de la concrétisation d'un statut professionnel, malgré toutes ces avancées, en dressant un état des lieux de la politique culturelle tunisienne, depuis l'indépendance, à travers une approche sociologique, combinant la science politique et dans la perspective de dégager les enjeux de la matérialisation d'un statut professionnel pour le musicien. Enjeux, qui sont à mon avis, d'une importance théorique et pratique cruciale pour accompagner le processus démocratique.
Notre analyse s'articule autour de deux dimensions: d'abord, l'aspect idéologico-institutionnel sur lequel s'appuie la politique culturelle tunisienne, considérant les pratiques artistiques et musicales, une affaire d'Etat, et le cadre réglementaire des pratiques musicales.
* Nous croyons savoir que vous êtes en réflexion pour de nouveaux ouvrages consacrés à la politique culturelle ?
-Tout à fait, vous savez, la culture est partout, et si l'homme est un animal social, c'est d'abord, grâce à la culture qu'il se sociabilise, d'Aristote à Ibn Khaldoun, à Weber et bien d'autres, on retrouve la culture dans la plus banale des manifestations quotidiennes, comme dans la complexité du politique, dans l'ethos de la religion, enfin, dans la créativité artistique.
Je m'intéresse particulièrement, aux politiques publiques au niveau national et maghrébin, car elles nous permettent de mieux comprendre le rôle au concret de l'état en interaction avec le champ culturel, ce sera l'objet de mon prochain ouvrage.
*Certains chroniqueurs de la place ont parlé de la révolution tranquille de Sonia Mbarek, se référant au programme PACT d'appui à la culture en Tunisie et qui se résumait en quatre grandes opérations : le statut de l'artiste ; la numérisation du fonds de la bibliothèque nationale ; la promotion du patrimoine immatériel et la dynamisation des maisons de la culture. Où en sont les choses actuellement ? Et, y a-t-il eu un suivi ?
-J'ai effectivement misé au cours de mon travail au ministère, au niveau des principes sur un certain nombre de dimensions de fond qui donneraient naissance à un citoyen équilibré et immunisé.
D'abord, des valeurs culturelles partagées que nous devions nous réapproprier, la culture comme éducation, comme savoir, la culture comme identité, la culture comme outil primordial de sensibilisation aux valeurs démocratiques, ce lien intangible entre la culture et les nouvelles technologies, la créativité et l'innovation.
Au niveau pratique, nous avons développé, une approche participative et solidaire de la culture, en associant la société civile à travers par exemple, le PACT.
Nous avons également travaillé, pour le renforcement structurel et financier des maisons de culture, au niveau décentralisé, par le lancement d'un programme de mise à niveau des ressources humaines, et financières, en collaboration avec le réseau associatif national et international. La réhabilitation du rôle de la direction régionale de la culture par des cycles de formation, pour une meilleure gestion autonome au niveau administratif et financier du secteur. Mon idée était à moyen terme de constituer des pôles culturels régionaux faisant refléter les spécificités régionales sur la capitale.
La culture, une affaire de tous
Nous avons ainsi encouragé une opération de vulgarisation de la culture, avec la multiplication des bibliothèques ambulantes dans les régions défavorisées à l'intérieur du pays, dans les prisons, afin de lever l'isolement du détenu, assurer une meilleure insertion dans la société à la sortie de prison.
Des conventions multiples entre le ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, de l'Education, le ministère de la Justice, le ministère de l'Environnement, le ministère de la Défense, ainsi que le ministère des Affaires Sociales et du Tourisme.
Les passerelles de concertation
L'objectif des passerelles de concertation avec les acteurs culturels, (juin –août 2016), était de discuter, non pas des états des lieux, mais pour les parties concernées, de définir les cinq priorités, afin de mettre en œuvre un plan d'action cohérent, efficient, pour faire face aux différentes difficultés et promouvoir petit à petit chacun des secteurs.
Le premier débat a été, la rencontre avec les auteurs, éditeurs, libraires et distributeurs le 23 juin 2016 à la Bibliothèque Nationale de Tunisie (BNT). Dans ce même esprit, quatre autres rencontres ont été au programme au Centre Culturel International de Hammamet : le cinéma, (28 juillet), le théâtre, (5 août), les arts plastiques (8 août 2016), et la musique, (17 août 2016).
La remise en chantier du projet de la Cité de la Culture, après plus de 5 ans d'arrêt, avec la coordination du ministère de l'Equipement, chargé des travaux, sous l'égide du Chef du Gouvernement de l'époque, Habib Essid. Le chantier a redémarré le 29 mars 2016, pour accomplir les étapes finales du projet. Aujourd'hui, la Cité est prête, nous ne pouvons que nous en réjouir.
Protection et valorisation du patrimoine matériel et immatériel
Parmi aussi les autres réalisations, la protection et la valorisation du patrimoine matériel et immatériel tunisien ; la mise en application de la convention de l'UNESCO, sur la diversité des expressions culturelles, en favorisant les jumelages et les partenariats régionaux et internationaux.
Le lancement d'un programme de sensibilisation pour la reconnaissance du statut exceptionnel des pratiques culturelles, dans le combat contre le terrorisme, en favorisant la mobilité des artistes, et en développant un réseau de partenariats stratégiques au niveau régional et international.
Il y a également, la mise en place du programme de soutien de l'Union Européenne au ministère de la culture, entamé par le ministère depuis 2014, ainsi que le jumelage avec le ministère de la Culture et de la Communication français, pour promouvoir l'échange des compétences et le réseautage culturel.
Réhabiliter les musées et les sites archéologiques tunisiens, témoins de la diversité et la richesse de notre patrimoine tangible et intangible, en les inscrivant dans des réseaux et circuits des musées méditerranéens et internationaux. Ils sont une source incontestable pour l'attractivité culturelle de notre pays. Le Projet du site Oudhna, par exemple, avec le ministère du Tourisme, « Une destination intégrée dans un circuit culturel touristique global », a été marqué par l'aménagement d'un musée archéologique. A ce titre, nous avons signé une convention avec le Smithonian Institute pour échanger leur expertise autour du management des musées.
« Lieux Saints, partagés »
Des expositions internationales de grande envergure organisées pour ne citer que l'exposition du Mucem, (Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée) sur la tolérance entre les religions, « Lieux saints partagés », le retour d'Hannibal, avec la Présidence de la République et l'Institut National du Patrimoine, l'Eveil d'une Nation, organisé par la mécène tunisienne, très active, Olfa Rambourg, en partenariat avec le ministère et l'INP et le musée du Baron D'Erlanger.
* Depuis la fin de votre mission au ministère de la Culture, vous avez assuré maintes activités, entre, expertise, conférences et déplacements en Tunisie et à l'étranger... Quels en sont les moments forts ? Et quels sont les rendez-vous à venir ?
-Hormis ma soutenance de Doctorat en Sciences Politiques le 13 avril 2017, j'ai eu le plaisir en tant qu'experte du secteur culturel, de contribuer à l'étude stratégique, Tunisie 2025, au sein de l'ITES, de donner des conférences au Bahreïn, à Science Po Paris en France, à Tunis autour des politiques culturelles en Tunisie, et la sortie de mon ouvrage autour du statut du musicien en Tunisie, qui fera l'objet d'une présentation et signature à Paris, le 9 mai prochain à l'espace Harmattan.
Je serais l'invitée du congrès arabo-africain pour la coopération stratégique, au Caire, au mois d'avril 2018, placé cette année, sous le thème de « La lutte contre le terrorisme et l'extrémisme à travers l'approche culturelle ». Egalement invitée du festival des créatrices arabes à Sousse où je donnerai une conférence.
* Seriez-vous prête pour une autre mission ou un autre mandat au sein du Gouvernement, pour servir votre pays, comme vous l'aviez toujours fait ?
-Je suis engagée pour mon pays, qui m'a tant donné où que je sois ; il m'importe de valoriser son image et sa culture, je l'ai toujours fait avec conviction en tant qu'universitaire, artiste et ministre, et en tant que femme, je continuerai dans cette voie.
* L'expérience de New York en 2013, lors du festival « World Nomads » avec l'Alliance française, est-elle à renouveler, surtout que vous êtes devenue bien connue du public américain ?
-J'étudie actuellement des propositions pour donner des résidences, des masters class et des conférences aux Etats Unis pour 2019.
* Vous avez déclaré un jour : « je ne parle pas beaucoup, je travaille plus que je ne communique... ». Etes- vous sur cette même position ?
-Mon entourage sait que je suis une fonceuse, un bulldozer du travail comme ils disent, je suis quelqu'un de très pragmatique.
*Quelles sont les erreurs, s'il y en a bien sûr, à ne plus refaire dans votre expérience professionnelle ?
-La communication est un outil essentiel aujourd'hui, vous pouvez avoir le meilleur projet culturel ou politique du monde, il faut savoir le communiquer.
Propos recueillis par :


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