Le Temps-Agences - Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi est arrivé hier en début d'après-midi à l'aéroport parisien d'Orly pour une visite officielle de cinq jours en France qui déchaîne les critiques, jusqu'au sein du gouvernement, de ceux accusant Paris de sacrifier les principes pour armer le "guide" libyen. Le "guide" libyen a été accueilli par la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, à son arrivée à Orly, en provenance de Lisbonne où il a assisté au sommet UE-Afrique. Le colonel libyen, vêtu d'une toge marron, s'est engouffré dans une limousine blanche. Son cortège d'une centaine de véhicules officiels a immédiatement pris la route de Paris. Un exceptionnel dispositif de sécurité avait été déployé à Orly où des tireurs d'élite avaient pris position sur les toits. De nombreux contrats pourraient être signés au cours de cette visite, qui se prolongera jusqu'à samedi. Selon le fils de Mouammar Kadhafi, Seif Al-Islam, Tripoli souhaite acheter pour "plus de trois milliards d'euros" d'avions Airbus, un réacteur nucléaire et de "nombreux équipements militaires". Paris fait de son côté le forcing pour vendre une dizaine de Rafale, avion de combat de 50 millions d'euros, invendu jusqu'ici à l'exportation. "Je vais signer une dizaine de milliards (d'euros) de contrats" avec la Libye, a annoncé hier le président français Nicolas Sarkozy lors d'un point presse à l'Elysée. Alors qu'une commission parlementaire enquête toujours sur les conditions de la libération des soignants bulgares, en juillet, la visite du dirigeant libyen provoque de nombreux remous, dans l'opposition et au sein même de l'exécutif. Les protestations sont renforcées par le fait que M. Sarkozy avait promis pendant la campagne électorale une "nouvelle" diplomatie, prenant notamment en compte les droits de l'Homme. Rama Yade, la secrétaire d'Etat aux droits de l'Homme, a eu des mots très durs pour qualifier la visite du numéro un libyen. Son patron au Quai d'Orsay, Bernard Kouchner, lui a apporté son soutien. Ce dernier a qualifié d'"heureux hasard" le fait qu'il ne pourrait pas assister au dîner donné à l'Elysée, pour cause de réunion à Bruxelles. De son côté, l'opposition tire à boulets rouges sur cette visite "très choquante", selon Ségolène Royal (PS), "indigne de la France", selon François Bayrou (MoDem). "Aucune signature de contrats commerciaux ne peut légitimer un tel aveuglement de la part de Nicolas Sarkozy", a affirmé François Hollande, premier secrétaire du PS. La visite du colonel Kadhafi en France - il est également attendu le 17 décembre en Espagne où il sera reçu par le chef du gouvernement socialiste José Luis Rodriguez Zapatero - marque le retour de la Libye sur la scène internationale après des années d'isolement. Tripoli avait commencé à sortir de cet isolement en 2003 après avoir renoncé à son programme d'armes de destruction massive et indemnisé les victimes des attentats de Lockerbie au-dessus de l'Ecosse (270 morts en 1988) et contre un DC-10 d'UTA au dessus du Niger (170 morts en 89). En juillet, après la libération des soignants bulgares, M. Sarkozy avait effectué à Tripoli une courte visite "pour aider la Libye à réintégrer le concert des nations". Il y avait conclu des accords sur le nucléaire (pour la "désalinisation de l'eau de mer") et la coopération militaire.