Appelé à passer devant l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour renouveler la confiance parlementaire, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a fini par répondre à l'appel mais autrement; au lieu de présenter toute son équipe au vote, le chef du gouvernement a choisi de nommer un nouveau ministre de l'Intérieur et à le présenter au Parlement. Prévue pour 11 heures du matin du samedi 28 juillet, la plénière en question aura pris plus de trois heures de retard et pour cause; le Parlement, presque tous blocs confondus, est rudement divisés quant à cette nouvelle nomination. Les premiers pronostics donnent Chahed ‘gagnant' avec environ 114 voix sur les 109 qu'il lui faut pour faire passer son nouveau ministre. A l'annonce de ce chiffre, dans les coulisses, un mouvement de panique a envahi l'Assemblée qui, quelques minutes plus tard, s'est vue agitée par l'arrivée par plusieurs gardes du corps de monsieur Hafedh Caïd Essebsi. Le directeur-exécutif du mouvement de Nidaa Tounes est arrivé pour tenter de faire baisser le nombre de voix en faveur de la nomination de Hichem Fourati. Il a menacé de «fermer» Nidaa Tounès au cas où ses députés ne respectent pas ses consignes Bien qu'elle ait surpris quelques-uns, cette venue brusque du fils du président de la République au Parlement est pourtant évidente et prévisible ; depuis plus de trois mois, le clan de Hafedh cherche à évincer Youssef Chahed du palais de la Kasbah et, la plénière du samedi, représente la meilleure opportunité pour réaliser cet objectif ; si le chef du gouvernement ne réussit pas à obtenir les 109 voix, il serait obligé, politiquement et éthiquement du moins, à présenter sa démission. S'il réussit à faire passer sa nouvelle nomination avec quelques petites voix au-dessus de la majorité demandée, cela ne ferait qu'empirer la fragilité du gouvernement. Hafedh Caïd Essebsi réalise parfaitement qu'il s'agit là, peut-être, de sa dernière chance pour évincer Chahed puisque le Parlement sera, à partir de lundi prochain, en vacances et qu'à la rentrée, il serait difficile de changer le gouvernement sera en train de finaliser le projet de loi de finance de 2019. La plénière d'hier n'est pas une simple séance de vote en faveur ou contre le nouveau ministre de l'Intérieur ; il s'agit d'une séance purement stratégique qui, peu importe le résultat définitif, finira par empirer la crise politique actuelle ; si Chahed échoue à obtenir la majorité parlementaire, il serait difficile pour lui de poursuivre son mandat. Si le chef du gouvernement réussissait ce test, il s'attirerait la colère du président de la République qui finira, d'une façon ou d'une autre, par avoir sa peau. En attendant, les députés, plus divisés que jamais, continuent, chacun de son côté et conformément à ses intérêts, d'œuvrer dans les coulisses pour faire inverser la balance. Salma BOURAOUI