Le Temps -Le nouveau maire du Kram, l'islamiste et très versatile Fathi Layouni commence à punir ses électeurs avec des décisions au pied-levé qui n'ont aucun rapport avec la pondération et le savoir-faire d'un responsable politique à qui on a accordé la confiance et la responsabilité de diriger une mairie, dans ce pays qui ne manque pas de hors-la-loi, de malfrats, de corrompus et de mercenaires. Le maire du Kram a annoncé tout de go, jeudi, sa décision d'interdire dans sa mairie, le mariage d'une Tunisienne avec un non-musulman et l'enregistrement des naissances avec des prénoms n'ayant pas d'origine arabo-musulmane en violation flagrante et déclarée de la loi qui a abrogé la circulaire controversée de 1973 relative au mariage de la Tunisienne avec un non-musulman. Celle-ci était jugée par ces militants « contraire à la Constitution de 2014 » à bien des titres. D'abord parce qu'elle violait le principe d'« égalité » entre « citoyens » et « citoyennes » (article 21), les hommes tunisiens ayant, eux, le droit d'épouser une non-musulmane. Ensuite parce qu'elle bafouait le principe de « liberté de conscience » (article 6) dans le présupposé que toute Tunisienne est nécessairement « musulmane ». La circulaire contredisait en outre nombre de conventions internationales ratifiées par la Tunisie... alors que, pourtant, ce maire est aussi un avocat sensé défendre la loi et les justiciables. L'association tunisienne de soutien aux minorités a qualifié, jeudi, de "très graves" les déclarations du maire du Kram. Cela représente une violation flagrante de la loi, a dénoncé l'association dans un communiqué, soulignant que le fait de se référer encore à la circulaire 73 relative au mariage de la Tunisienne musulmane avec un non-musulman abrogé en septembre 2017 est "illégal". L'association s'est dite "surprise" du mutisme du gouvernement face à de tels dépassements, appelant le gouvernement à imposer la primauté de loi. Layouni a, peut-être, oublié, intentionnellement ou non, que, le 8 septembre 2017, le ministre de la Justice Ghazi Jribi avait signé une circulaire faisant annuler la circulaire numéro 216 du 5 novembre 1973 qui interdisait aux Tunisiennes de se marier à de non-musulmans. Toutefois, il y a eu un précédent, avec la réticence de certains maires et huissiers notaire islamistes qui avaient refusé ce nouvel état des choses et continuent de le faire aujourd'hui encore, sans que ceux qui se proclament défenseurs des libertés individuelles ne lèvent le petit doigt. Début août 2018, des huissiers ont refusé de marier une Tunisienne de Hammamet avec un non-musulman. La femme avait contacté trois huissiers de sa région pour finaliser les procédures de son mariage, mais aucun d'eux n'a accepté sa demande. La loi est la loi est le devoir de tout citoyen, de quelque catégorie qu'il soit, de la respecter et de veiller à l'appliquer... et ce n'est pas après 56 ans d'indépendance que les commerçants de la religion vont apprendre aux Tunisiens comment ils doivent vivre.