Principal soutien financier du régime syrien, l'empire de Rami Makhlouf vacille pourtant aujourd'hui, mettant au jour les tensions entre l'homme d'affaires et son cousin, le président Bachar al-Assad, qui s'efforce de raffermir son pouvoir après neuf ans de guerre, selon des experts. Le mystère plane sur les raisons ayant poussé M. Makhlouf, première fortune de Syrie d'après des experts, à sortir au début du mois de son mutisme pour révéler ses désaccords avec le gouvernement, s'engageant ainsi dans une bataille qui semble perdue d'avance. L'homme d'affaires de 51 ans a publié deux vidéos inattendues sur Facebook, dans lesquelles il interpelle le président Assad tout en s'épanchant sur des impayés réclamés par l'Etat et les mesures d'intimidations des services de sécurité. "Il sent la pression qui s'accroît pour le marginaliser", affirme Jihad Yazigi, directeur du site économique en ligne "The Syria Report". "Il a longtemps essayé de résister, avant de lancer sa dernière carte et d'exposer les dissensions familiales" au grand jour, dit-il, en ajoutant : cela "va lui coûter cher". Pourtant, c'est une amitié remontant à l'enfance qui lie le président et M. Makhlouf, visé par les sanctions américaines et européennes contre Damas. Aujourd'hui, il dirige toujours Syriatel, premier opérateur de téléphonie mobile du pays, un fleuron de l'économie nationale. Mais sa brouille avec le pouvoir a éclaté à l'été 2019, les autorités prenant le contrôle de son organisation caritative avant de dissoudre des milices affiliées. C'est en tout cas un camouflet pour celui qui a connu une ascension fulgurante quand Bachar al-Assad a pris la succession de son père Hafez en 2000, en devenant un pilier de la libéralisation économique enclenchée. C'est pourquoi dès le début des manifestations prodémocratie en 2011, M. Makhlouf est une des figures les plus vilipendées par l'opposition, qui l'accuse d'avoir fait main basse sur l'économie. Le flou règne sur l'étendue de sa fortune, estimée à plusieurs milliards de dollars. Durant les années de guerre, il aurait fait fructifier ses activités. "Le gouvernement a pris beaucoup d'argent à des hommes d'affaires. Il semblerait que Makhlouf ait (à un moment) refusé de payer", après avoir longtemps financé l'effort de guerre, indique un diplomate arabe basé à Beyrouth. "Certaines informations disent qu'il a essayé de faire sortir de l'argent du pays."