A El Kamour, un site pétrolier situé en plein désert à deux heures de route de la ville de Tataouine, la mobilisation des jeunes chômeurs se durcit. Les protestataires ont dressé, hier, des barrages dans les diverses délégations du gouvernorat de Tataouine pour empêcher la circulation des véhicules des sociétés pétrolières entre la ville et les sites de production situés dans le Sahara. Ce nouveau mouvement de protestation a été décidé vendredi dernier pour réclamer la mise en œuvre de l'accord relatif au recrutement de plusieurs milliers de jeunes dans les sociétés pétrolières, qui a été conclu en juin 2017 avec le gouvernement. «Face à l'indifférence des autorités régionales et centrales, nous avons décidé de hausser le ton», explique Dhaou El Ghoul, membre de la coordination du sit-in El Kamour. Selon lui, une journée de colère contre le chômage et la marginalisation des jeunes de la région sera également organisée devant le siège de l'Union régionale du travail à Tataouine le jeudi 11 juin 2020. Des lettres seront par ailleurs adressées au président de la République, au chef du gouvernement et au président de l'Assemblée des représentants du peuple afin de les sensibiliser à l'impératif d'assumer leur responsabilité face à la poursuite du mouvement de protestation. Suspendus plusieurs mois, les protestations des jeunes chômeurs d'El Kamour ont repris, fin mai dernier. En décembre 2019, des dizaines de jeunes chômeurs avaient organisé un sit-in au siège du gouvernorat de Tataouine pour exiger l'application des termes de l'accord conclu en juin 2017 avec le gouvernement. Certains d'entre eux ont entamé une grève de la faim dans le cadre d'un mouvement jusqu'au-boutiste encadrée par l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), la puissante centrale syndicale qui avait parrainé la signature de l'accord il y a environ trois ans. Développement régional Signé en juin 2017 entre le gouvernement et les manifestants après un sit-in qui a duré près de trois mois et causé un arrêt de l'importante station de pompage de pétrole d'El Kamour, l'accord prévoit notamment la création d'un Fonds de développement et d'investissement dans le gouvernorat de Tataouine doté de de 80 millions de dinars. L'accord porte aussi sur le recrutement de 1500 jeunes dans les compagnies pétrolières (1000 en 2017 et 500 en 2018), l'affectation de 3000 autres jeunes à la Société de l'environnement, de la plantation et du jardinage de Tataouine et l'octroi de la subvention de recherche de travail de 500 dinars aux jeunes recrutés des compagnies pétrolières, en attendant leur recrutement effectif. En décembre 2019, la présidence de la République avait promis de suivre de près la mise en œuvre de de cet accord. Dans un courrier adressé au porte-parole du sit-in, le directeur du cabinet du président de la République, Tarek Bettaieb, a précisé que l'activation de l'accord conclu en juin 2017 entre les protestataires d'El Kamour et le gouvernement «figure dans le champ de l'intérêt de Kaïs Saied et fait l'objet d'un suivi particulier de sa part». Mais rien de concret n'a été entrepris. Selon des statistiques officielles, les champs pétrolifères et gaziers de Tataouine contribuent à hauteur de 40% de la production pétrolière nationale et à 20% de la production gazière.