Economie en berne, chômage en forte hausse, grogne sociale montante, chamailleries politiques incessantes et, cerise sur le gâteau, une impitoyable pandémie. Le nouveau coronavirus ajoute une odeur funeste aux fleurs fanées de la révolution du jasmin qui commémore aujourd'hui son 10è anniversaire. Alors que les records quotidiens des contaminations, des hospitalisations et des admissions dans les services de réanimation liées à la pandémie du Covid-19 s'enchaînent, les médecins craignent plus que jamais de devoir bientôt faire le tri dans les listes des patients entre qui soigner et qui laisser mourir..., comme en situation de guerre. «Les médecins se retrouvent maintenant confrontés à leur pire cauchemar, celui de devoir faire le tri entre les patients à admettre en réanimation», a déclaré samedi dernier le Dr. Hichem Aouina, chef de service de pneumologie à l'hôpital Charles Nicolle, lors de son passage en direct au Journal télévisé de la chaine nationale Al-Watanya1. Plus tard, le même médecin s'est auto-recadré dans des déclarations accordées à d'autres médias et expliquait que la phrase assassine qu'il avait lâchée le week-end dernier visait en réalité à tirer la sonnette d'alarme sur le manque de moyens dont disposent les hôpitaux tunisiens. Le Dr. Aouina a, peut-être, exagéré un peu pour inciter les citoyens à redoubler de vigilance et à mieux respecter les mesures barrières ou subi des pressions de la part de ses supérieurs hiérarchiques pour relativiser ses propos, mais les hôpitaux débordent déjà de patients infectés par le Sars-CoV-2 et les soignants sont à bout de souffle. Après une quasi-stabilisation enregistrée en décembre dernier, le nombre de contaminations est réparti à la hausse depuis début janvier. D'après les dernières statistiques publiées mardi soir par le ministère de la Santé, 2.586 cas de contaminations et ont été recensés en 24 heures sur 8.715 tests réalisés lundi 11 janvier. Le total des contaminations au SARS-CoV-2 grimpe ainsi à 164.936 cas cumulés depuis le début de la pandémie pour 704.961 tests réalisés. 59 décès ont été également enregistrés le 11 janvier portant ainsi le nombre des victimes du Covid-19 à 5.343. Actuellement, 1.802 personnes sont hospitalisées, dont 359 en soins intensifs et 130 sous respirateurs artificiels. Lundi, un record de 3074 nouvelles contaminations par le coronavirus a été enregistré en 24 heures à l'échelle nationale sur un total de 12334 tests effectués ! Un taux d'occupation de 80% Selon des données annoncées lors d'une conférence de presse consacrée à l'annonce des nouvelles mesures de lutte contre l'épidémie, le ministère de la Santé a précisé que la Tunisie n'a pas atteint la saturation pour les services de réanimation, aussi bien pour l'oxygène que l'intubation. Selon ces mêmes données, le taux d'occupation des lits de réanimation a atteint 80%. En effet, 243 malades sont admis dans les services de réanimation dans le secteur public sur une capacité d'accueil de 304 lits. Le taux d'occupation des lits d'oxygène de 64% dans les établissements publics de santé : 1225 lits oxygène occupés pour une capacité totale de 1930 lits. Le nombre de lits de réanimation et d'oxygène demeure cependant largement en dessous des besoins d'un pays de 12 millions d'habitants dans le cas d'une sévère flambée de l'épidémie vu que d'autres catégories de malades comme les victimes des accidents de la route ou les patients ayant subi des opérations chirurgicales délicates ont parfois besoin de lits de réanimation et d'oxygène. Si la grande majorité des personnes ne nécessiteront pas d'hospitalisation, l'OMS estime qu'environ 20% le nombre de personnes contaminées par le coronavirus pourraient voir leur état de santé s'aggraver et nécessiter une prise en charge médicale. Traditionnellement, les médecins calculent que le nombre de lits de réanimations disponibles doit être égal à 5% des personnes malades. Autant dire qu'au cas où le nombre de contaminations ne baisse pas rapidement dans les prochaines semaines, les médecins tunisiens mobilisés dans le cadre de la lutte contre l'épidémie du Covid-19 seront-ils bientôt obligés de trier entre les vies à sauver, ce qui représente la quintessence même du choix tragique. W.K.