«Entracte», le court métrage d'Anthony Lemaitre, est un hommage au septième art, mais pas que... En compétition court métrage pour le festival d'UniFrance, myfrenchfilmfestival, «Entracte» d'Anthony Lemaitre est, certes, un hommage au cinéma, mais il a montré que certaines idées reçues n'ont plus lieu d'être, et ce, en 17 petites minutes bien remplies. Yacine et ses deux amis essayent de trouver une solution pour voir le film américain «Fast & Furious 8» dans un multiplexe de banlieue. Attendant devant la porte de sortie des spectateurs, chacun débat du meilleur opus de cette fiction. Mais le vigile veille au grain et leur signifie que l'entrée est de l'autre côté. Déçus, les trois ados repartent quand Yacine trouve, enfin, la solution : ils paieront pour le film du ciné-club, «Le voleur de bicyclette», et après cinq minutes, ils sortiront pour entrer dans la salle de projection de «Fast & Furious 8». Ce qui fut dit fut fait. Mais au moment convenu, Yacine décide de suivre le film projeté et laisse ses deux potes partir seuls pour l'autre projection, en leur promettant de les suivre un peu plus tard. A la fin du long métrage, la personne en charge du ciné-club se trouve seule en face de Yacine pour le débat. Après une petite discussion, celui-ci promet de venir pour la prochaine projection prévue du ciné-club. Parallélismes «Entracte» est un hommage au cinéma «d'auteur» face aux films commerciaux notamment américains. D'avoir mis en parallèle «Fast & Furious 8» et «Le voleur de bicyclette» est vraiment une excellente idée, et ce, pour plusieurs raisons. Outre la différence entre films d'auteur/commercial, les deux fictions utilisent des moyens de locomotion qui leur sont utiles : les voiture pour le premier, la bicyclette pour le second. Tandis que le premier est un film pour faire rêver les adolescents, le second pose des réalités, des thématiques bien définies : la pauvreté, le chômage de l'après-guerre -rappelons que «Le voleur de bicyclette» est sorti en 1948, etc. D'autre part, la fin de ce film, quand Antonio, le père, -une victime qui devient voleur- continue son chemin vers un avenir inconnu avec son fils qui lui tient la main, est reprise, à sa manière, par Anthony Lemaitre, puisque ce dernier fait partir Yacine d'un côté, et ses deux copains de l'autre. Ce qui a touché le héros d'«Entracte» dans «Le voleur de bicyclette», c'est la relation entre le père et le fils. Il s'est assimilé au jeune Bruno et a assimilé son père à Antonio. Et c'est cette relation qui va l'émouvoir au plus profond de son être. Cela se sent quand, dans le montage, «Entracte» fait des allers-retours entre des images de «Le voleur de bicyclette» et le visage de Yacine. Ce dernier a une relation conflictuelle avec son père à cause de ses études. Il le dit en quelques mots : «C'est à cause de mon daron. Il veut que je trouve du taf après le bac». Grâce au film du ciné-club, Yacine comprend mieux la position de son père. Contre les idées reçues Ce court métrage est aussi une petite lutte contre les idées reçues. Mettre en personnage principal de son court métrage un fils d'immigré et lui faire apprécier un film datant de 1948 est une bonne claque. Il est vrai qu'au début de «Entracte» on pourrait penser que les «Arabes» (en France, beaucoup ont encore du mal à différencier les Arabes, Maghrébins, immigrés de la première génération, immigrés de la deuxième génération, fils ou descendants d'immigrés, etc. et leur donnent comme appellation générique «Arabes», même s'ils sont français), et, notamment, ceux issus de la banlieue (assimilée souvent à un ghetto) sont tous des voleurs, de vrais magouilleurs, qui ne connaissent rien à l'art et à la culture. Mais, quand Yacine donne son avis à ses potes sur le meilleur des «Fast & Furious», on sent que déjà ce jeune a une prédisposition à l'analyse de films. D'autre part, dans «Entracte», il y a une jeune guichetière d'ascendance africaine subsaharienne qui vend les billets d'entrée pour le ciné-club. On pense tout de suite à une simple employée. A la fin du film «Le voleur de bicyclette», c'est elle entre dans la salle pour animer le départ et elle avoue à Yacine, la défection du public, que c'était elle qui avait proposé l'idée du ciné-club à son patron. Deux Français d'origine étrangère «mal cotée» en France qui s'intéressent au septième art, c'est remettre les pendules à leur véritable heure. Et ce n'est pas «Les douze salopards» qui nous démentiraient... Z.H