Bien avant l'indépendance, et quand l'ère coloniale touchait à sa fin, Zacaria était connu de toute cette ville de la banlieue Nord, réputée pour ses belles plages et son cachet pittoresque. Il appartenait à une famille de descendance noble, mais vivait le plus simplement du monde étant plus ou moins mentalement attardé. Cela n'empêchait pas son allure sympathique, étant de surcroît un bel homme. Les yeux d'un bleu couleur du ciel, et le teint clair, il errait la plupart du temps dans la ville, et s'arrêtait parfois pour parler à ceux qui le connaissaient, et savaient qu'il était inoffensif et gentil. Il lui arrivait de prononcer parfois des paroles incohérentes, au point que certains finirent par croire qu'il était un Marabout, et qu'il avait le don de prédire l'avenir. D'autres croyaient en ces paroles lancées de manière aussi incohérente qu'inconsciente et ils s'étaient habitués au fil du temps à le rencontrer pour écouter ses paroles lorsqu'ils voulaient émettre un vœu. On l'appelait de ce fait Sidi Zacaria , par égard d'abord à sa noble famille, et puis par une ferme croyance que ses paroles pouvaient augurer d'heureux ou de malheureux événement. A cette époque coloniale, les militants étaient bien surveillés, et les autorités coloniales épiaient leurs moindres faits et gestes, surtout dans cette ville balnéaires où habitaient plusieurs membres du Destour. Zacaria parlait à tout le monde et était connu de tous. A-t-il suscité le doute chez la police coloniale qui avait pensé que certains militants pouvaient faire appel à lui pour se contacter, ou transmettre des informations ? On est enclin à le penser, car personne à cette époque, n'imaginait que Zacaria pût avoir une fin aussi dramatique. Il n'avait pourtant pas d'ennemi, et vu l'état où il était, il ne pouvait susciter la haine de personne. En effet, le jour du drame, il errait comme à l'accoutumée. Brusquement, un homme armé d'un couteau, lui un porta un coup en plein cœur, qui lui fut fatal. Le meurtrier, poursuivi par un agent de police qui se trouvait par hasard sur les lieux, fut à son tour abattu par celui-ci, pour refus d'obtempérer ! Mais qui était ce meurtrier, et que voulait-il à Zacaria ? Une question qui resta sans réponse, d'autant plus que le meurtrier lui-même, fut abattu, quelques minutes plus tard par un policier. Celui-ci se trouvait-il par hasard sur les lieux des faits ? Et d'ailleurs, pourquoi a-t-il abattu le meurtrier ? avait-il le droit de le faire, même si c'était pour refus d'obtempérer. Il aurait pu en effet lui tirer sur les jambes car il n'était pas en position d'attaque. Le meurtrier était en train de fuir, donc il tournait le dos au policier. Il aurait dû éviter de l'abattre. Cependant, s'agissant de la police coloniale, l'agent avait carte blanche pour tirer, même sans sommation sur les autochtones. L'enquête aboutit au classement sans suite de l'affaire, après avoir révélé que le meurtrier de Zacaria était un aliéné. C'est du moins la thèse qui fut retenu pour officielle et définitive. Quelles preuves tangibles avait-on de ces prétentions ? Aucune, car le meurtrier, n'était pas bien connu avant les faits. Il était abattu, donc toutes les suppositions étaient possibles, et il n'y avait plus beaucoup de moyens de vérifications. Le policier qui avait abattu le meurtrier, ne fut même pas inquiété, ce qui n'était pas normal. En fait il engageait la responsabilité des autorités sous les ordres desquels il se trouvait, et l'arme qu'il avait utilisé n'était pas sa propriété personnelle. Mais à l'époque, les lois étaient à l'avantage du colonisateur, et les autochtones n'étaient aucunement protégés, quelque fût la situation. Cette affaire bien mystérieuse, restera bien gravée dans la mémoire collective, surtout de ceux qui avait côtoyé Zacaria et l'avait bien aimé.