C'est à n'y plus rien comprendre. Au point de se demander si à ce rythme là, on exigera bientôt des enfants, en âge d'être scolarisés en classe préparatoire, de se présenter à l'école, sachant parfaitement lire et écrire. Tant qu'à faire. Pourquoi ne pas leur demander aussi, de ne plus se faire accompagner par leurs parents, puisque du haut de leur quatre ans, ils doivent être en mesure de trouver eux-mêmes leur chemin et tout seuls. Un test psychotechnique : ça vous dit quelque chose ? Il paraît que c'est le meilleur moyen de « recruter » des enfants qui ne poseront pas problème, dans un système éducatif qui relève du privé, lequel préfère s'assurer, en amont, qu'il ne comptera pas de brebis galeuses dans ses rangs. C'est donc devenu une sorte de « mode » depuis un certain nombre d'années, que ces « sélections » à la base, dans des écoles primaires très cotées sur la place, toutes proportions gardées cela va de soi, où les parents désirant inscrire leurs enfants, en classe préparatoire, doivent s'y prendre évidemment, une année à l'avance, et sont appelés, pour ce faire, à passer ce fameux test d'accès. Tout cela est assez logique en un sens, vu le nombre de demandes qui dépassent les places disponibles, dans ces structures privées de plus en plus convoitées par des parents, lesquels estiment, que l'enseignement qui y est dispensé, s'avère être autrement rigoureux que celui en cours dans les écoles relevant du secteur public. Au delà de toute polémique, sur la justesse d'un tel raisonnement, et sur le « bourrage » de crâne auquel seraient soumis ces enfants inscrits dans le privé, il y a un détail, et pas des moindres, sur lequel il faut revenir, et qui consiste en la démarche adoptée, lors de ces fameux tests psychotechniques. Dans la mesure où il s'avère qu'ils ne sont pas appliqués pareillement d'une école à l'autre. Ainsi, et comme le veut la règle, dans la plupart de ces écoles, qui ne sont d'ailleurs pas légion, relativement, les parents, accompagnés de l'enfant à inscrire, sont reçus dans un bureau, ou une classe, où l'enfant est invité à produire un dessin, très élémentaire, tout en lui posant quelques questions d'usage. L'enfant est alors rassuré, d'être avec ses parents, et s'en tire généralement très bien, sauf rare exception. Là on est dans la norme. On ne l'est plus quand on remplit une salle de classe, avec des enfants de quatre ans, qui ne connaissent point les lieux ; et qu'on exige des parents qu'ils sortent, pour aller dans une classe, remplir des fichiers ou quelque chose dans le genre, laissant au désespoir, des tout petits qui peuvent très bien penser, étant dans une situation, et un endroit inhabituel, qu'ils sont tout simplement abandonnés par leurs parents, à une instance inconnue, démunis de leurs repères habituels. Chaque enfant réagira alors selon sa nature ; Et les natures conciliantes, ça existe ; tout comme les natures angoissées. Ainsi, si tel enfant accepte calmement, d'être éloigné un temps de ses parents, sans protester ni ressentir aucune inquiétude, un autre enfant, lui, ressentira dans sa chair cette épreuve, qui ressemble pour lui à une trahison, de la part des êtres qu'il affectionne le plus au monde. Est-ce à dire qu'on doive l'exclure, systématiquement, parce qu'il a un seuil d'adaptabilité moins rapide qu'un autre ? Rien n'est moins sûr à notre sens. Et c'est placer les enfants dans une situation inconfortable, que de les obliger à se passer de leurs parents, dans un cadre qui n'est pas le leur, en exigeant de surcroît qu'ils se surpassent, en reproduisant un cercle, une ligne, et l'on ne sait trop quoi d'une géométrie, dont ils sont censés apprendre les abc, justement pendant l'année préparatoire, et pas forcément dans une crèche ou un jardin d'enfants. Pourquoi dans certains pays nordiques, les enfants ne sont-ils pas scolarisables avant l'âge de sept ans ? Parce qu'ils sont moins intelligents que nous ? On en doute. Mais c'est tout simplement parce qu'un enfant, est en droit de jouir entièrement de son enfance, en s'amusant le plus possible, quitte à apprendre beaucoup de choses en jouant, -et d'ailleurs il apprend effectivement beaucoup de choses-, plutôt que de le stigmatiser très tôt, pour une extrême sensibilité dont il aurait fait preuve, ou pour un rapport « fusionnel » avec une maman, à laquelle on posera, presque sur un ton de reproche, la question de savoir si c'est un fils, ou une fille unique. Pour un peu, le parent se sentirait presque dans une situation de très grande culpabilité, en avouant, honteusement, que oui, il n'a qu'un seul enfant. Et de prendre ce dernier par la main, en direction de la sortie, confronté à un profond sentiment d'échec, face à cette première incursion de son enfant, dans un système scolaire qui semble lui être hostile d'emblée...