* Nécessité d'interdire le morcellement excessif des propriétés agricoles (à l'image des pays européens), de réussir les programmes d'expansion des grandes cultures en utilisant des semences adéquates à la pluviométrie du Centre et du Sud * L'élevage laitier ne peut être rationalisé que dans les anciennes fermes de l'Etat car il ne peut être réalisé que dans les grandes surfaces. Les consommateurs ont constaté que les prix des produits laitiers et des dérivés céréaliers ont grimpé en 2007. Les perturbations des cours à l'échelle internationale en sont les principales raisons. D'ailleurs, l'année 2008 risque de connaître la même situation. Mais, on ne veut pas subir les mêmes conséquences. Seulement, seule l'action rationnelle peut assurer l'anneau de connexion entre le vœu et la réalité. Déjà, le lait a connu trois ajustements successifs des prix alors que le coût des pâtes alimentaires a été révisé, l'été dernier. De tels réajustements ont été nécessaires suite au passage de la tonne de céréales de 280 $ à plus de 800 $. Ces fluctuations ont poussé l'administration à faire des rallonges aux crédits alloués à la Caisse Générale de Compensation qui ont culminé à plus de sept cent millions de dinars en 2007 et qui risquent d'atteindre près d'un milliard de dinars en 2008. Or, un tel montant risque d'affecter les équilibres budgétaires globaux surtout que les nouveaux cours des céréales ne paraissent pas conjoncturels. Ils sont, essentiellement, la conséquence d'un changement des habitudes culinaires des Chinois et des Indiens qui se sont mis aux céréales et ont laissé tomber leur riz ancestral. Avec, de surcoît, d'autres expériences pionnières en biocombustible à partir des céréales mais qui risquent d'en faire envoler les prix. D'ailleurs, une telle conjoncture appelle les experts à réfléchir sur ces questions auxquelles il faut trouver des solutions radicales et quoi de plus radical que l'autosuffisance ? Mais, en a-t-on, vraiment, les moyens ? -La Tunisie jouit, certes, de la prestigieuse appellation du grenier de Rome et les colons français y ont soutiré, eux aussi, de très belles récoltes. Mais, c'était sans compter sur les besoins vitaux de la population locale. Français et Romains ne se souciaient guère des autochtones dont le nombre ne représentait, même pas, la moitié de la population actuelle. De nos jours, la donne a changé et cette bonne terre est sollicitée pour subvenir aux besoins de sa propre population. Mais, est-elle en mesure de produire vingt cinq millions de quintaux de céréales et suffisamment de lait pour satisfaire la population ? Seule une évaluation scientifique fondée sur des études de terrain pourrait nous apporter des réponses satisfaisantes ? - -Le Temps a soulevé cette question avec M. Mohamed Sebri, un expert en agronomie qui a pratiqué durant plus de trente ans l'élevage et la culture des céréales. Interview : - -Mohamed Sebri, expert en agronomie : « Il faut légaliser l'interdiction du parcellement de la propriété agricole » - -Le Temps : Comment faites-vous l'évaluation du secteur des céréales en Tunisie ? -Mohamed Sebri : Aussi bien en céréaliculture qu'en élevage, la petite propriété agricole est dominante. 80 % des exploitations céréalières ont une superficie inférieure à 10 hectares et le phénomène est en train de s'étendre davantage. Ceci est vrai même pour le Nord de la Tunisie qui représente la réserve essentielle des céréales. Pour ce qui est de l'élevage laitier, plus de 80 % des éleveurs disposent de parcelles ne dépassant pas 5 hectares et procèdent à un élevage hors-sol. Ce sont là des problèmes structurels qui se sont accumulés et auxquels il faut palier progressivement. - -. Y-a-t-il des mesures que l'administration peut prendre pour augmenter les ratios de production ? -- D'abord, il faut légaliser l'interdiction du parcellement de la propriété agricole destiné à la céréaliculture. La culture des céréales est une activité stratégique. En Europe, il y a des lois qui interdisent la transformation de l'usage des terres qui servent à la céréaliculture. En Tunisie, il est nécessaire de se presser à légiférer là-dessus. Surtout que les cultures de substitution exigent dix fois d'eau comme pour les pommes ou les poires (8.000 m3 par an et par hectare pour les pommes contre 800 à 1000 m3 pour le blé). En plus, ces denrées ne sont pas aussi nécessaires que le blé et elles sont disponibles. Ensuite, il faut faire le suivi des projets réalisés sur les fermes d'Etat. Car ces terres sont les meilleures de Tunisie et elles ont une contribution essentielle dans la production agroalimentaire. Les cahiers de charge ont été établis suivant ces priorités et il faut veiller au respect de ces cahiers. Un suivi rigoureux de ces projets est impératif. Enfin, il est impératif de spécialiser les régions et de réserver les périmètres irrigués. En plus, il faut assurer une bonne préparation du sol pour que la quantité d'eau disponible soit optimisée. - -. Quelques experts qui connaissent la pluviométrie de la Tunisie émettent des réserves sur l'impact de l'irrigation "goûte à goûte" sur les réserves de la nappe phériatique tunisienne surtout en cas d'années de sécheresse successive... Qu'en est-il et y-a-t-il d'autres recettes pour améliorer la rentabilité ? - - Il n'y a pas uniquement le problème de la disponibilité de l'eau. Car il est nécessaire de s'adapter à la situation existante. Mais, il y a une autre problématique. Elle concerne les semences. La variante « Karim » est adaptée à une pluviométrie assez consistante qui dépasse les 400 millimètres. Elle est destinée plutôt pour le Nord de la Tunisie. Or, si on veut étendre la céréaliculture au Centre et au Sud, où les terres sont disponibles, il est nécessaire de trouver des semences qui nécessitent moins d'eau. La recherche agronomique peut s'orienter vers cet axe et les résultats ne sauraient tarder. L - -. Qu'en est-il du secteur du lait ? Comment le rationaliser ? -- Le secteur du lait a été fortement ressenti par l'abandon de cette activité dans les anciennes fermes de l'Etat. Avant, il y avait une cinquantaine de fermes qui possédaient des élevages de 300 à 400 vaches laitières. Aujourd'hui, ces fermes ont délaissé le secteur du lait parce qu'il est difficile et exige un suivi et un travail rationnel. Or, ces investisseurs avaient signé des cahiers de charges qui les astreignent à conserver cette activité stratégique. C'est pourquoi, je demande le contrôle et le suivi de ces projets. Ce n'est pas par des élevages, hors-sol, que l'on puisse rationaliser le secteur du lait. Il faudrait, aussi, rétablir les centres d'élevage des génisses. Car la génisse vaut actuellement plus de 3000 $