Le Temps-Agences - Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a salué hiere l'ouverture d'"une nouvelle page" entre l'Irak et l'Iran, en entamant une visite historique à Bagdad, où il a vivement dénoncé les Etats-Unis. "Ce voyage ouvre une nouvelle page dans les relations bilatérales et un nouveau climat dans la région", a déclaré le président iranien, lors d'une conférence de presse commune avec son homologue irakien Jalal Talabani. Bête noire de Washington, M. Ahmadinejad n'a pas manqué de s'en prendre aux responsables américains qui l'accusent régulièrement de fournir des armes à des groupes chiites irakiens pour attaquer l'armée américaine. Le président américain George W. Bush "accuse toujours les autres sans preuve et cela accroît les problèmes. Les Américains doivent comprendre que le peuple irakien n'aime pas l'Amérique", a-t-il déclaré après une rencontre avec le Premier ministre Nouri al-Maliki. Cette visite à Bagdad est la première d'un président iranien dans l'histoire contemporaine des deux pays, qu'un conflit meurtrier a opposés entre 1980 et 1988. Elle intervient alors que les Etats-Unis, puissance dominante en Irak avec la présence de 158.000 soldats, tente d'endiguer l'influence iranienne au Moyen-Orient, notamment au Liban et dans les territoires palestiniens. "Les deux parties sont déterminées à renforcer leur coopération politique et économique et culturelle", a ajouté M. Ahmadinejad. Le président Talabani a estimé que cette visite était "historique" et constituait "un message envoyé aux peuples irakien et iranien indiquant que les relations entre les deux pays sont bonnes". M. Ahmadinejad, arrivé à l'aéroport international de Bagdad sous un grand soleil, a eu droit au tapis rouge lors d'une réception à la résidence de M. Talabani, un Kurde. Souriant, costume gris et chemise blanche, il a passé en revue une garde d'honneur alors que des fanfares jouaient les hymnes nationaux, drapeaux iraniens et irakiens au vent. Qualifiant le climat des discussions avec M. Talabani de "fraternel et constructif", le président iranien a assuré que l'Irak était appelé à devenir une grande puissance régionale. "Aujourd'hui, le peuple irakien traverse des conditions difficiles. Mais comme nous connaissons le peuple irakien (...), il surmontera cette situation et l'Irak de demain sera un Irak puissant, développé et prospère", a souligné le président iranien. Selon lui, cet Irak de "demain" est dans l'intérêt de tous les pays de la région". Avant la visite du président iranien, les Etats-Unis et l'Iran --qui n'ont plus de relations diplomatiques depuis 1980-- se sont mutuellement accusés d'être responsables de l'instabilité en Irak. "Nous considérons que l'insécurité, les désaccords et les tensions sont orchestrés par les occupants de l'Irak", a assuré samedi depuis Téhéran M. Ahmadinejad. Le président américain George W. Bush a répondu en exigeant que l'Iran cesse "d'exporter le terrorisme" et cesse "d'envoyer (en Irak) des équipements sophistiqués qui tuent" les soldats américains. Cette visite tourne définitivement la page des relations belliqueuses entre l'Iran et l'Irak. En 1980, le régime de Saddam Hussein avait lancé une offensive contre la République islamique naissante, plongeant les deux pays dans un conflit sanglant qui allait durer huit ans et coûter des centaines de milliers de vies. En dépit d'un cessez-le-feu établi en 1988, les relations bilatérales n'allaient pas se normaliser jusqu'à la chute de Saddam Hussein en 2003. Depuis la fin du régime baâthiste, les relations se sont rapidement améliorées, avec l'installation à Bagdad d'un pouvoir dominé par des dirigeants chiites qui ont souvent vécu en exil en Iran sous Saddam Hussein.