Début 1967, le collectivisme battait son plein, mais les coopératives n'avaient pas donné les résultats escomptés et ce, pour deux raisons essentielles. D'abord des paysans ou petits fellahs étaient contre le fait de se dessaisir de leurs biens au profit d'une coopérative où leur statut changeait de propriétaire en simple travailleur. Cela engendrait des malversations où certains s'enrichissaient sur le compte des autres qui avaient pourtant travaillé dur pour la mise en valeur de leur terre dont ils se trouvaient du jour au lendemain dessaisis. Ce système n'avait pas affecté les grands propriétaires terriens qui jusque-là n'étaient pas concernés. Cependant, il y avait un mécontentement général qui allait crescendo. Ajoutez à cela, une mauvaise situation économique doublée d'une sécheresse qui affecta le pays. L'endettement de ces coopératives ne faisait qu'augmenter. La situation se détériorait de jour en jour. Des manifestations à l'intérieur du pays dénonçant le collectivisme, étaient de plus en plus fréquentes. Bref il y avait un malaise général. Le 14 mars 1967, Bourguiba eut un premier infarctus ce qui rendit la situation encore plus alarmante. En janvier 1968, Ahmed Mestiri alors ministre de la Défense, présent au conseil supérieur du plan que présidait Ahmed Ben Salah, critiquait la collectivisation d'une manière acerbe. L'événement du 25 janvier 1969 était alarmant : Un propriétaire à la région du Sahel, à qui on intima l'ordre de céder ses terres à la coopérative s'y opposa énergiquement et violemment. Ce qui nécessita l'intervention des forces de l'ordre qui allaient jusqu'à ouvrir le feu sur ce propriétaire et ses employés. Suite à cet incident plusieurs personnes ont été incarcérées. Sur le plan financier la BIRD dressa après enquête un rapport négatif sur le collectivisme où était enregistrée une mauvaise note. En 1969, Bourguiba intervint pour rectifier le tir par un décret-loi où était décidé d'abandonner l'expérience du collectivisme. Bourguiba déclara en novembre 1969 au journal "Le Monde" : "Je me suis trompé en faisant confiance à Ben Salah". Déchu de ses fonctions et de ses titres celui-ci, fut traduit devant la Haute Cour de Justice en mai 1970. Au cours du procès, il fut confronté à des témoignages accablants tel que ce petit fellah au comble du désespoir, qui s'était pendu à l'un de ses oliviers, ou les multiples malversations consistant à confisquer des machines agricoles pour les vendre à des prix exhorbitants. Le verdict prononcé fin mai 1970, condamna Ben Salah à dix ans de travaux forcés ainsi qu'à la privation de ses droits civiques et politiques. Trois ans après, le 4 février 1973 Ben Salah s'évada de la prison civile de Tunis, aidé par son frère, son chauffeur et le directeur de la prison du 9 avril. Le soir, après avoir passé aisément les portes blindées, il se retrouva dehors où son frère, le Docteur Mohamed Ben Salah l'attendait dans sa voiture. Roulant à vive allure il fut en chemin interpellé par un agent de police qui lui reprocha son excès de vitesse. Ben Salah, enveloppé dans un sefsari (voile tunisien) se fit passer pour une veille dame malade. Et le policier se montra compréhensif en conseillant quand même au conducteur de faire attention. Ben Salah put ainsi gagner la frontière algérienne où il s'assura d'un bon accueil. Ahmed Ben Salah partit le lendemain en Italie pour s'installer en Europe entre Paris et Genève et créer en 1975 le Mouvement de l'unité populaire (MUP).