Le Temps-Agences - Les Iraniens votaient hier pour renouveler le Parlement, dominé par les conservateurs, avec les encouragements multiples des autorités à participer en masse à un scrutin paraissant perdu d'avance pour les réformateurs. "Chaque bulletin mis dans l'urne est un coup décisif porté à l'ennemi", a répété en boucle un clip de la télévision d'Etat avant l'ouverture des quelque 45.000 bureaux de vote à 05h30 HT. Le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, a donné l'exemple quelques minutes plus tard. Evoquant un "moment déterminant pour l'avenir de la nation", la plus haute autorité de l'Etat a engagé ses concitoyens à "accomplir ce grand devoir dès le matin et à ne pas attendre plus tard". Environ 44 millions d'électeurs avaient jusqu'à 15h30 HT pour choisir les 290 députés du nouveau Majlis, à l'issue d'une petite semaine de campagne terne où les candidats avaient même interdiction d'utiliser des affiches. La grande inconnue sera le taux de participation. Il sera connu au mieux demain, alors que les résultats des élections seront communiqués au plus tard le 20 mars. Le vice-ministre de l'Intérieur iranien a évoqué un taux de participation "glorieux" hier, sans cependant fournir de chiffres. Le porte-parole du gouvernement, Gholam Hossein Elham, a pour sa part prédit que ce taux serait d'au moins 60%. "La journée a été glorieuse jusqu'ici et le peuple a répondu positivement à l'appel du guide suprême", l'ayatollah Ali Khamenei, à voter en masse, a dit le général Afshar en début d'après midi, sur la télévision d'Etat. Au bureau de vote installé à la husseiniyeh d'Ershad, une mosquée dans le centre de Téhéran, un assesseur a fait état d'une participation en milieu de matinée "comparable à celle de la dernière fois". En 2004, le taux de participation aux législatives avait été le plus bas de l'histoire de la République islamique, à 51,2%. Comme en 2004, les organes supervisant l'élection et dominés par les conservateurs ont disqualifié plus de 2.000 candidats potentiels, dont une forte proportion de réformateurs. Un peu plus de 4.500 candidats sont en lice pour le scrutin, mais les réformateurs ont d'ores et déjà pronostiqué leur défaite à cause des disqualifications. Le président Mahmoud Ahmadinejad, qui revenait du sommet islamique au Sénégal, s'est dit certain que "la nation avait toujours pris la bonne décision en matière politique". Il a par ailleurs assuré, dans des propos diffusés par la télévision, que "des milliards d'yeux à travers le monde sont posés sur l'Iran" à cette occasion, en qualifiant son pays de "centre lumineux étourdissant". A la Husseiniyeh d'Ershad, les électeurs font la queue pour s'inscrire, avant de se retrouver autour de grandes tables pour écrire à la main leur choix sur un bulletin. L'atmosphère est bon enfant, et comme dans tous les scrutins en Iran, personne ne voit rien de mal à demander conseil à son voisin le cas échéant. Les électeurs ont le choix entre deux listes réformatrices et deux listes conservatrices, qu'ils peuvent panacher à leur guise. Parviz Saïdi, un expert en informatique de 51 ans, vote pour "les réformateurs qui sont mieux à même de développer le pays". En revanche, Parvine Khoshreza, une mère de famille en tchador noir, choisit le camp opposé "parce qu'ils sont croyants et compétents". D'autres encore font le choix du panachage. Comme Gholam Ali Tabeshrou, un employé de bureau de 45 ans, car "ce qui compte c'est la compétence et l'engagement". Le rôle du Parlement reste cependant secondaire, comparé par exemple à celui du président, et encore plus vis-à-vis du guide suprême, la plus haute autorité de l'Etat. Ainsi le Conseil des gardiens de la constitution peut opposer son veto aux lois adoptées par le Majlis. Ce Conseil, contrôlé par des conservateurs fidèles au guide suprême, avait largement usé de ses prérogatives contre le Parlement dominé par les réformateurs de 2000 à 2004. L'inflation est la première préoccupation des Iraniens, à en croire les deux principales coalitions réformatrice et conservatrice, qui ont placé ce thème en tête de leur campagne. D'autres sujets, comme la politique étrangère avec la crise autour du programme nucléaire iranien, ont été passés sous silence.