Du « m'as-tu vu » à l'hippothérapie * Un encadrement juridique à mettre à jour Il y a quelques années, le tennis, le golf, puis les sports d'hiver en Europe, étaient des activités sportives ou des loisirs totalement hors de portée du cadre moyen. Ils étaient réservés à une petite minorité aisée, parfois très nantie, qui investit chaque fois un nouveau créneau, pour se retrouver entre gens du monde, chaque fois que l'une de ces activités ci-dessus citées « se démocratisait ». Une sorte de fuite en avant vers « ce plus » encore inaccessible pour beaucoup, financièrement parlant. Depuis quelques temps, « faire du cheval » durant le week-end devient très « in ». C'est encore mieux lorsqu'on est propriétaire de quelques bêtes, et pas de vulgaires « rosses » bonnes à tirer une charrette ou une charrue. Des spécimens de qualité : plus le pedigree est chargé, plus la côte des propriétaires augmente aux yeux des amis...Quand on sait combien coûte un bon cheval, bien né, dressé, on comprend que ces menus plaisirs ne sont pas du tout faits pour Monsieur Tout le Monde. A visiter quelques clubs équestres, on s'aperçoit que ce n'est pas toujours le cas. Un peu partout, autour de certaines banlieues huppées et à proximité des hôtels, apparaissent des « ranchs », des « clubs », des « manèges », pour une clientèle de plus en plus nombreuse. On compte ainsi une bonne dizaine de ces clubs équestres disséminés du côté de La Soukra et autant, sinon plus, autour de Sidi Thabet. Deux grands pôles. A part ces deux importantes concentrations on trouve pratiquement dans chaque gouvernorat au moins un centre d'apprentissage pour les jeunes, monte et saut, principalement. Il faut surtout ne pas mettre tous ces clubs sur le même pied d'égalité. Des différences notables : ne pas comparer les centres de l'armée ou de la police, qui ont une longue histoire, beaucoup d'expérience et énormément de moyens, avec les petits clubs qui rassemblent quelques passionnés fous, par exemple. Ne pas comparer non plus, ceux qui font des affaires juteuses, en achetant quelques spécimens à bas prix, les mettent en « pension » dans des clubs, puis trouvent acheteur aux Emirats généralement, des courtiers de haute volée en quelque sorte, avec ceux qui viennent juste faire la toilette de leur cheval, faire un petit tour avec, et repartir avec une étincelle dans les yeux. Le cheval est une bonne marchandise et les races tunisiennes sont très prisées. Elevages et haras portant le label tunisien sont mondialement réputés, aussi bien pour les étalons reproducteurs, que pour faire des croisements. Aussi, il n' y a rien à dire contre le commerce et l'exportation, ce qui est gênant c'est d'utiliser ces « centres » affiliés à la Fédération pour faire autre chose que du sport, ou en utilisant ce paravent. Ces intermédiaires peuvent très bien, comme tout commerçant, se constituer des espaces de « stockage », hors sport équestre. En réalité, la grande majorité des adhérents à ces clubs sont des passionnés, des mordus : intarissables lorsqu'ils se laissent aller. Plusieurs formules ont cours. Il y a d'abord ceux qui ont « peu de moyens », juste ce qu'il faut pour se payer quand même un minimum d'équipement : pantalon, casque pour la sécurité, plus tard casquette à visière, bottes de cuir, veste de cavalier, gants. Dans ce cas l'équipement du cheval est fourni par le club, et ils louent à l'heure. D'autres s'abonnent pour un nombre de séances hebdomadaires, mensuelles, ou annuelles. Une autre catégorie, celle des gens qui ont les moyens de s'acheter un ou plusieurs chevaux, avec leurs harnachements, éperons, étriers, harnais, mors, selles, des vans pour le transport. Ils peuvent les faire garder en « pension » dans un club donné. Le club se charge de l'hébergement, de la nourriture, de l'entretien, des soins. L'animal est ainsi à la disposition du propriétaire qui vient, lui ou ceux qu'il envoie à sa place, monter le cheval à convenance. On se débarrasse ainsi de toutes les corvées quotidiennes contre paiement conséquent. C'est comme si on avait une voiture de collection. Ce qui est plus que satisfaisant, et remarquable, c'est l'engouement des jeunes, et des enfants pour les sports équestres. Les écoles d'apprentissage pullulent dans bon nombre de clubs. Initiation, mise en confiance, stages de formation pour ceux qui ont déjà fait de la monte. Il est évident qu'on ne peut pas ainsi lâcher un enfant avec un cheval, et le problème de la formation des moniteurs se pose. Pour les enfants, et pour toute séance d'initiation, on utilise essentiellement un cheval hongre (castré), parce que qu'il est plus docile, moins impétueux, plus malléable. Pour l'apprentissage, certaines races de chevaux sont plus adaptées, le barbe par exemple, un cheval qui a failli disparaître. Spécifiquement tunisien, un dérivé du barbe d'ailleurs, le poney de Mogod, à la robe généralement bai ou alezan, originaire de la côte nord de Tunisie, entre Tabarka et Ras Jebel, est aussi très recherché et apprécié. Petit de taille, il convient particulièrement à la monte pour les enfants, avec tout un matériel bien adapté aussi bien au niveau de la sellerie que des harnachements.
Randonnées et endurance Parallèlement, ce sont les randonnées, faites en groupe ou à titre individuel, avec des parcours balisés ou pas, à travers la campagne, les collines ou les sous bois, qui attirent les adhérents. De longues promenades pour découvrir un monde qu'on croit connaître, de le voir autrement. Ce n'est pas une simple marche en file, mais une discipline pour apprendre à être avec les autres, faire des rencontres pour les plus timides, ou les personnes seules, et se faire des amis partageant la même passion. Surtout, « décompresser », oublier le temps, oublier le reste. Des pique-niques sont ainsi organisés périodiquement. D'ailleurs, tous ces clubs et autres associations de sport équestre qui apparaissent un peu partout, donnent un petit coup de fouet à toute une activité économique moribonde, le travail du cuir, remplacé par les usines à chaussures, ou de la cordonnerie pour touristes. Ainsi, on revoie, dans l'environnement des clubs, des maîtres selliers qui se réinstallent, avec leurs apprentis. Souvent, ce sont les lads et les garçons d'écuries qui s'y mettent, pendant leur temps mort, en commençant par « bricoler » quelques harnachements défectueux, pour se faire la main. Certains centres équestres ne se contentent pas de « débourrer » certains chevaux, les dresser, initier les enfants et les jeunes, organiser des randonnées, ils participent aussi à des concours d'endurance. Ces courses, très particulières, obéissent à des règles draconiennes. Rien à voir avec la course de vitesse, la piste, le handicap, le trop ou le trop attelé. Cela se passe sur des distances variables, selon l'âge et l'expérience du cheval, allant de 30 à 100 kms et plus même. Avec des contrôles tout au long du parcours. Les vétérinaires peuvent à tout moment obliger un concurrent à s'arrêter s'ils jugent que le cheval commence à donner des signes de fatigue ou si ses battements cardiaques sont anormaux. Il ne suffit pas d'arriver premier, il faut être aussi en parfait état physique. Une course exigeante de l'animal et du cavalier. Quand on connaît l'énorme potentiel tunisien, en qualité de chevaux et le niveau de nos cavaliers, on s'étonne du peu de participation à l'échelle internationale et du relatif oubli de toutes ces compétences inexploitées.
Circuits touristiques Dans toutes les zones touristiques, et pratiquement aux portes de chaque hôtel, des « ranchs » poussent comme des champignons. Souvent un espace à peine clôturé ou s'ennuient des chevaux attachés au soleil. Beaucoup de touristes habitués à ce genre d'activité, maintenant « démocratisée » en Europe, s'adonnent à des promenades, ou à des cavalcades de bon matin, au bord de l'eau, avec un « accompagnateur », le propriétaire du cheval, son fils ou son neveu, souvent une affaire de famille. Ils se chargent de guider le client pour un circuit déterminé, pour un tarif horaire convenu. Des trajets bien fixes. La randonnée passe souvent par « un marchand de tapis qui fera un prix d'amis ». Ces accompagnateurs, qui n'ont aucune formation particulière, connaissent les chevaux, par l'expérience et la pratique, mais très peu sont couverts par une assurance, pour l'animal ou pour leur client, ignorant, ou faisant fi, des risques en cas d'accident. Le cadre juridique qui régit ce genre de commerce impliquant les chevaux, est plus que flou.
Hippothérapie Aujourd'hui, dans certains centres spécialisés, on commence à utiliser l'équitation pour calmer les enfants violents, agités ou les enfants super actifs en les mettant en contact avec l'un des animaux, spécialement dressé pour cela. Il s'établit une relation particulière entre l'enfant et la bête : c'est l'équitation thérapeutique ou l'hippothérapie. De la même façon, on utilise aussi ce rapport pour certains cas d'adolescents délinquants, trop rapidement appelés « a-sociaux », en rupture de liens affectifs et qui résolvent tout cela par le refus, la violence verbale, physique, l'agression. Cela leur apprend d'abord à retrouver la vie de groupe, les règles qu'on applique pour se faire obéir par le cheval, la nécessité des règles donc dans la vie, les rapports de tendresse, mais aussi la hiérarchie. Au bout retrouver la vie sociale en fait. Se voir confier un cheval est une responsabilité à assumer. Et l'insertion sociale commence par cette étape. Etablir un rapport d'harmonie avec le cheval, facilite le rapport avec les autres. Il faut évidemment un encadrement particulier et des éducateurs hautement spécialisés pour tout cela. L'hippothérapie est aussi extrêmement utile pour un certain nombre d'handicaps, aussi bien des troubles du développement, que de la communication. Il existe à Sidi Thabet un centre réputé pour l'éveil, l'intégration, l'insertion, des handicapés par cette approche. Un monde un peu à part, ce monde du cheval. Mais tous, arrivistes snobs, amateurs amoureux, entraîneurs, éducateurs, moniteurs, lads, enfants, parlent de leurs chevaux comme on parle d'un bijou rare, avec beaucoup de lumière dans les yeux. C'est ça la passion, le respect. Ils savent tous, aussi, combien cet animal est sensible aux humeurs, au comportement du maître. On ne peut s'empêcher de rappeler l'adage : « le cheval peut porter l'homme, mais il ne doit pas le supporter »