L'une des associations de droit tunisien qui s'est distinguée dans ce domaine figure "Enda Inter-arabe". Celle-ci, qui aspire à se convertir en banque dans un proche délai, a choisi, en prévision, de s'ouvrir et de s'imprégner des expériences étrangères dans le domaine de la micro-finance. A cet effet, elle a invité M. Pancho Otero, fondateur, en 1992, de la plus grande institution de micro-finance en Amérique latine "Bancosol ou Banco Solidaro" (Bolivie) pour animer une communication sur "l'expérience de la micro-finance en Amérique latine : Quels enseignements pour la Tunisie ".
Les préalables au succès "La mise en place d'un cadre juridique approprié, l'incitation des établissements de crédits à fournir des micro-crédits et l'encouragement d'investisseurs sociaux à soutenir les associations de micro-crédits constituent les préalables au succès de tout système de micro-finance" a indiqué M. Pancho Otero. Il a précisé que le plus gros défi auquel fait face, de nos jours, la microfinance consiste en la rareté des ressources de financement permanentes d'où l'enjeu d'identifier, partout dans le monde, les mécanismes de cibler les investissements plus que les dons, de convaincre les établissements de crédits quant à la rentabilité des micro-crédits et de créer des associations qui jouent le rôle d'intérimaires entre les établissements de crédits et les micro-entrepreneurs. Il a affirmé que ce système demeure le moyen "le plus efficace" pour la lutte contre la pauvreté, la création d'emplois et la mobilisation de sources de revenus pour les personnes aux besoins spécifiques, rappelant que tous les engagements financiers fournis depuis 1946 par la banque mondiale n'ont pas permis d'éradiquer la pauvreté, hélas, ce fléau continue à se propager, a t-il ajouté. Evoquant l'idée de la création de son institution « la Bancosol », il a fait savoir que ce sont les paysans en Bolivie qui lui ont inspiré l'idée. Ils étaient tous, a-t-il ajouté, pleins de bonne volonté mais à chacun manquait « un sou pour avoir un franc » comme dit un ancien proverbe. L'un ne pouvait pas acheter les semences, l'autre n'avait pas les sommes nécessaires pour acheter les insecticides, l'autre ne disposait pas de filets pour pêcher,... »Ces gens n'ont pas besoin de sommes énormes pour éviter le chômage alors les micro-crédits constituaient la solution par excellence pour résoudre ce genre de problème », a-t-il indiqué.
Relation Bancosol et Enda M. Pancho Otero a affirmé l'engagement de son association à échanger les expertises avec « Enda interarabe », soulignant que l'expérience de la micro-finance en Amérique Latine peut être transposée en Afrique et harmonisée avec les spécificités propres à chaque pays. Il a fait savoir que l'expérience de la micro-finance en Bolivie repose essentiellement sur la formule de prêt de petites sommes - sans garantie mais à un taux d'intérêt minime - plus que sur des dons. Car avec la donation, a-t-il ajouté, il est difficile de motiver les gens, l'argent facile ou gratuit, si l'on ose dire, rend un mauvais service et n'encourage pas la productivité. Il est alors important de faire participer les gens dans ce système et de les sensibiliser à la nécessité de le réussir. C'est la raison pour laquelle, il est recommandé actuellement à « Enda interarabe » de se convertir en banque pour garantir sa pérennité et continuer ses efforts à l'égard des gens pauvres et à conditions démunies, a affirmé M. Pancho Otero. « En effet, en se convertissant en banque, l'association de micro-crédits peut collecter l'épargne des gens à qui elle prête et aide. Ces gens déplorent souvent la maltraitance et le mépris qu'ils trouvent dans les banques ordinaires », a-t-il dit. Active dans le domaine de micro-crédits depuis 1995, Enda interarabe finance aujourd'hui près de 40 000 micro-projets dont 86% lancés par des femmes, pour un portefeuille de 80 MD. Le taux de remboursement de ces micro-crédits est de 99,6%. "En donnant la priorité aux femmes, essentiellement analphabètes ou ayant un faible niveau d'instruction mais possédant des compétences entrepreneuriales apprises sur le tas, Enda-Interarabe contribue au renforcement de leur rôle dans le développement économique et l'épanouissement de la famille", a souligné Mme Asma Ben Hamida, directrice d'Enda. Selon Mme. Ben Hamida, l'idée n'est pas de convertir « Enda » en banque mais de solliciter auprès de la Banque centrale de Tunisie (BCT) le statut d'une institution de micro-finance réglementée. Seul ce statut permettrait à « Enda » de subvenir à ses besoins en financement estimés pour les quatre prochaines années à 50 millions de dinars devant bénéficier à 135 mille clients actifs. Outre les services financiers, cette ONG à but non lucratif propose des services d'accompagnement pour renforcer les capacités entrepreneuriales. Elle vient de publier un recueil "l'Argent de la Baraka " recueillant des témoignages de micro-entrepreneurs issus de quartiers populaires de Tunisie. Il s'agit de son second ouvrage, après " la Débrouille au féminin" qui comprend des récits de vie de femmes-entrepreneurs. Elle a reçu le prix du Président de la République pour la promotion de la famille au titre de l'année.