Le Temps-Agences - Un mois après y avoir négocié un cessez-le-feu, Nicolas Sarkozy reprend aujourd'hui le chemin de Moscou et de Tbilissi pour tenter d'accélérer l'application d'un accord toujours retardée par des Russes décidés à profiter jusqu'au bout de leur avantage militaire. Lors de son premier séjour, le chef de l'Etat, président en exercice de l'UE, avait négocié seul et dans l'urgence un texte qui lui a valu les critiques de plusieurs partenaires européens. Il revient en Russie et en Géorgie flanqué du président de la Commission José Manuel Barroso et du diplomate en chef de l'UE Javier Solana, avec un mandat précis et le soutien unanime des 27. Réunis le 1er septembre à Bruxelles, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE ont chargé la "troïka" européenne d'obtenir au plus vite l'application intégrale de l'accord en six points négocié le 12 août, dont les Russes tardent à respecter plusieurs dispositions. En retrouvant aujourd'hui son homologue russe Dmitri Medvedev, Nicolas Sarkozy espère donc obtenir des "avancées" sur trois points jugés essentiels, selon son entourage. D'abord le déploiement rapide sur le sol géorgien d'une mission d'observateurs indépendants. A la mission de l'ONU déjà en Abkhazie et à celle que l'OSCE souhaite positionner autour de l'Ossétie du Sud, l'UE souhaite ajouter un autre contingent civil à ses couleurs. Réunis vendredi et samedi à Avignon, les chefs des diplomaties européennes ont confirmé cette volonté. Mais, comme l'a souligné Javier Solana, la zone de déploiement de cette mission, et donc son efficacité, devra être discutée avec la Russie. Le deuxième objectif consiste, selon l'Elysée, à "obtenir des dates précises, des mécanismes et des engagements de Moscou qui garantissent l'achèvement du retrait" des troupes russes encore présentes sur le sol géorgien, hormis l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie. Moscou affirme avoir retiré du territoire géorgien l'ensemble de ses effectifs, et n'en maintenir dans des zones tampon que conformément au point 5 de l'accord. La France estime à environ un millier le nombre de soldats russes encore déployés autour de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. "Si on y arrivait dans un délai court (...) ce serait déjà pas mal", dit-on à Paris. Nicolas Sarkozy espère enfin obtenir de Moscou "une date et un lieu" pour engager les discussions prévues au point 6 de l'accord sur "la sécurité et la stabilité" dans les deux républiques séparatistes géorgiennes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud. "Ce serait déjà une satisfaction" de voir les Russes, qui ont reconnu le 26 août l'indépendance de ces territoires au grand dam des Occidentaux, accepter l'ouverture de ces discussions, commente-t-on à l'Elysée. Mais la Russie ne semble guère disposée à faire de concessions, comme le suggère sa réaction à peine contrariée à la décision de l'UE de geler les négociations sur leur futur partenariat. Et Moscou invoque maintenant des ambiguïtés de traduction de l'accord pour traîner des pieds. "Les Russes veulent absolument faire consacrer le rapport de force né de leur intervention. Il ne faut pas être surpris qu'ils ne respectent pas l'accord", juge le chercheur Thomas Gomart, spécialiste de la Russie à l'Institut français des relations internationales (Ifri). Sans vouloir anticiper un échec de la "troïka" européenne, Paris rappelle toutefois que, le cas échéant, les discussions des 27 reprendraient sur une "longue liste" de sanctions possibles, parmi lesquelles une annulation du sommet UE-Russie du 14 novembre. Après Moscou, MM. Sarkozy, Barroso et Solana rallient ce soir Tbilissi pour redire leur soutien au président géorgien Mikheïl Saakachvili. Et lui livrer les résultats très attendus de leur discussion avec Dmitri Medvedev. Par ailleurs, Le vice-président américain Dick Cheney a renouvelé son appel à une coopération entre l'Union européenne et les Etats-Unis pour résoudre la crise géorgienne, a indiqué hier le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini à l'issue d'une rencontre avec M. Cheney en marge d'un forum à Cernobbio (Italie), sur le lac de Côme. "Cette crise dans le Caucase ne peut être résolue sans une intense collaboration", a ajouté le chef de la diplomatie italienne, assurant que collaboration il y aura. L'entretien a également porté sur la dépendance de l'Union européenne vis-à-vis des hydrocarbures provenant de Russie. Environ 30% des importations de pétrole de l'UE viennent de Russie, de même qu'environ 40% des importations de gaz.