La gestion des déchets solides dans notre pays semble échapper à la maîtrise de qui en a la charge, au vu de l'état de totale désolation qui caractérise la situation environnementale dans les régions. Partout où on s'oriente, le regard croise inévitablement un spectacle préoccupant où les déchets règnent en maîtres absolus des lieux : des bouteilles et des sachets en plastique qui se mêlent insolemment aux plantes et aux arbres conférant à l'endroit un aspect d'une rare laideur, des cannettes de bière abandonnées après usage sur nos plus belles plages par les saoulards ou tout simplement jetées par-dessus bord par certains usagers de la route pour s'en débarrasser car trop encombrantes, des amas d'ordures ménagères de constitution multiforme entassées à même le sol attendant le passage de la benne municipale qui tarde à venir, des restes provenant des chantiers de construction abandonnés à la hâte par le camion transporteur dans l'endroit le plus proche, sans respect des biens d'autrui ; à telle enseigne qu'on a l'impression de ne plus être dans ce si beau pays propre qu'est la Tunisie dont on disait tout le bien. Devant l'ampleur du phénomène de la prolifération des déchets solides et l'envergure de plus en plus croissante que ne cesse de prendre un tel fléau, on ne peut que demeurer perplexe, abasourdi et méditatif quant au sort ingrat auquel a été réduite la situation de l'environnement dans notre pays. Il n'y a pas si longtemps pourtant, nos villes, nos campagnes, nos routes, nos plages étaient plus propres et rien n'y agressait le regard du visiteur. A qui incombe donc la responsabilité d'une telle dégradation ? Force est d'admettre qu'en matière de politique environnementale, l'exemple de l'expérience tunisienne est édifiant eu égard à l'approche rationnelle adoptée par le ministère de l'Environnement et du Développement durable. Un Programme National de Gestion des Déchets Solides a été mis au point, couronné par la réalisation de certains projets dont notamment la création de décharges contrôlées associées aux centres de transfert. Toujours dans le cadre de ce programme, on a adopté le système de collecte de plastique rémunérée, on a procédé à la pose de containers dans les établissements publics et dans certains endroits dans les villes, on incite au recyclage des déchets collectés avec l'aide du Fonds de Dépollution constitué sur la base d'une redevance prélevée sur les matières premières en plastique, importées ou produits localement et instaurée par la loi des finances de l'année 2003. Tout a été mis en œuvre au plus haut niveau pour préserver l'environnement de la nuisance et assurer une meilleure qualité de vie, tant au niveau de la sensibilisation par l'intégration des questions relatives à l'environnement dans les programmes scolaires et la promotion de l'information y afférent en vue d'enraciner la culture environnementale, qu'au niveau de la législation par la promotion du cadre institutionnel et législatif chargé de définir la politique générale du pays dans ce domaine précis. Au vu de cette politique savamment définie, traduite par la mise en œuvre d'une panoplie de dispositions et de mesures, tout prédestinait la situation environnementale dans notre pays à un sort meilleur, à un devenir plus reluisant, plus radieux. Comment se fait-il alors que l'état des lieux en terme de maîtrise des déchets solides dans les milieux urbain et rural s'avère paradoxalement contraire aux objectifs escomptés et logiquement attendus, et qu'au lieu de voir nos campagnes, nos villes, nos plages, nos routes débarrassées à jamais de ces corps indésirables et enlaidissants, nous assistions impuissamment à leur prolifération et nous nous trouvions submergés par leur présence ? Il va sans dire que la réussite d'une telle politique et d'un tel programme de maîtrise des déchets solides est tributaire de l'implication sine qua non des autorités régionales et locales, et que leur aboutissement dépend de leur collaboration étroite et inconditionnelle. Or, il se trouve malheureusement que l'engagement de ces partenaires régionaux et locaux a été en deçà des attentes et qu'ils ne remplissent pas comme il se doit les responsabilités qui leur sont assignées. Si la situation environnementale est ce qu'elle est, c'est dire que nos décideurs à l'échelle des gouvernorats et des municipalités ne font plus de la maîtrise des déchets solides une priorité majeure. L'amoncellement des ordures ménagères dans certains endroits dans nos villes et nos quartiers, la prolifération généralisée des déchets en plastique ne semblent plus préoccuper nos élus municipaux qui continuent à dormir sur leurs lauriers, insensibles aux doléances des citoyens avertis et indignés par la prévalence de ce gâchis environnemental qui frappe leur cher pays qui, faut-il le rappeler, s'avère une destination de choix de millions de touristes étrangers qui ne font que constater l'ampleur des dégâts et donner libre cours à des jugements dont il est aisé de deviner la teneur et la gravité.. L'évolution démographique, le développement économique, le changement des modes de consommation et du mode de vie des Tunisiens n'ont fait qu'aggraver la dégradation de la situation ; en parallèle, en revanche, les moyens mis en œuvre et les dispositions prises pour y remédier n'ont pas évolué d'un iota : la fréquence des dessertes de ramassage des déchets demeure inchangée, les véhicules servant au transfert sont vétustes et dans un tel piteux état à faire rougir de honte, le nombre des containers posés dans certains endroits ne répond plus aux besoins réels des habitants, les quelques containers existants, faute d'entretien et de vidange réguliers, sont dans un état lamentable dégageant des odeurs nauséabondes dues au taux d'humidité caractérisant les ordures ménagères, le personnel municipal chargé du ramassage des déchets manifeste une telle nonchalance dans l'accomplissement de son devoir qu'il ne daigne plus s'acquitter efficacement de la besogne selon les normes requises. Faut-il encore attendre que la situation empire pour réagir ? Doit-on encore attendre que notre pays devienne un dépotoir à ciel ouvert pour intervenir ? Ou espère-t-on peut-être que le Tunisien renonce à sa nuisance à l'environnement et qu'il daigne faire montre de davantage de civisme et de savoir-vivre pour ne plus se permettre de polluer et de porter préjudice à la qualité du cadre de vie dans lequel il évolue ? Si la situation environnementale continue à être telle qu'elle est en dépit de tout ce qui se fait en matière d'information, d'éducation et de sensibilisation pour enraciner la culture environnementale, nous est-il encore permis de porter nos espoirs sur le citoyen pour le voir un jour se soumettre aux impératifs comportementaux que nécessite le principe de la vie en société et respecter le droit sacré de tout un chacun de vivre dans un environnement sain? Il est regrettable de devoir admettre qu'une telle perspective s'annonce d'emblée sans lendemain et qu'elle s'avère en définitive une illusion perdue ; en conséquence, la solution est entre les mains des responsables régionaux et locaux de la volonté desquels dépendra l'issue salvatrice, à savoir l'amélioration de la situation délicate de la gestion des déchets solides. Une vaste campagne de ramassage pointilleux et généralisé des déchets doit être entreprise en urgence à l'échelle des gouvernorats par tous les acteurs potentiels qui devront coordonner leurs efforts pour débarrasser le territoire du pays de ces corps dont le séjour encombrant et indélicat n'a fait que trop durer. En outre, en vue d'éviter la récidive et de maîtriser dorénavant la gestion des déchets solides, il faudra penser à augmenter le nombre de containers à installer dans les endroits névralgiques, à continuer à appliquer le système de collecte rémunérée, à intensifier et régulariser la fréquence des dessertes de ramassage des déchets, à améliorer et la capacité et l'état des véhicules de transfert des déchets, etc... Le salut de la situation environnementale dans notre beau pays est à ce prix. NACEUR BOUABID