Appel à un nouveau « Bretton Woods » Le Temps-Agences - Les perspectives de récession mondiale ont fait souffler un vent de panique hier sur les marchés financiers, tandis que l'Europe s'apprêtait à appeler à un "nouveau Bretton Woods" pour réformer un système financier mondial secoué par une crise historique. Après Tokyo et New York qui ont enregistré leurs pires chutes depuis le krach de 1987, les Bourses européennes, déjà en fort repli mercredi, s'efforçaient de résister à la tempête. En chute de 5 à 6% à l'ouverture, Londres, Paris et Francfort limitaient leurs pertes à la mi-journée (13H30 HT) entre 2,5% et 4%. "Les craintes concernant les menaces de récession ont pris le pas sur l'optimisme retrouvé suite aux plans de sauvetage du secteur financier", ont estimé à Paris les analystes de CM-CIC Securities. Hier, Berlin a drastiquement révisé sa prévision de croissance pour 2009, de 1,2% à seulement 0,2%. La croissance de l'Allemagne, premier exportateur mondial, s'établirait ainsi à son plus bas depuis 2003. Aux Etats-Unis, les responsables américains ont multiplié mercredi les avertissements: baisse de la consommation, crise immobilière qui "n'a pas touché le fond" et reprise qui "n'est pas pour demain" Une responsable de la Fed avait même lâché le mot dès mardi: les Etats-Unis semblent être déjà entrés en "récession". A Tokyo, le Parlement a approuvé hier une rallonge budgétaire de 14 milliards d'euros pour stimuler la deuxième économie mondiale et le Premier ministre japonais Taro Aso a attribué la chute des Bourses au fait que les investisseurs jugent insuffisant le plan américain de sauvetage bancaire. Même la Suisse, traditionnel refuge bancaire, a cédé à l'interventionnisme. A Zürich, le gouvernement et la banque centrale (BNS) ont annoncé qu'ils allaient entrer au capital d'UBS, première banque suisse, à hauteur de 6 milliards de francs suisses (3,9 milliards d'euros) et reprendre dans un fonds spécial une partie de ses actifs jusqu'à 60 milliards de dollars. Et la deuxième banque helvétique, Crédit Suisse, a annoncé une augmentation de son capital d'environ 6,5 milliards d'euros, après une perte nette de près de 900 millions d'euros au 3e trimestre. A Bruxelles, au second jour de leur sommet, les 27 pays de l'UE ont souligné leur "détermination à prendre les mesures nécessaires pour réagir au ralentissement de la demande et à la contraction de l'investissement". Mais il n'y "aura pas de programme de relance généralisé" de l'économie en Europe malgré le risque de récession, a souligné le président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker à l'issue du sommet. Les esprits sont surtout accaparés par le projet de convoquer un "nouveau Bretton Woods", à l'image du sommet de juillet 1994 qui avait créé un nouvel ordre financier mondial. Demain, le président américain George W. Bush doit recevoir dans sa résidence de Camp David le président en exercice de l'UE, Nicolas Sarkozy, et celui de la Commission européenne José Manuel Barroso. L'UE fait pression sur les Etats-Unis pour obtenir si possible dès novembre un sommet des grandes puissances du G8 (Etats-Unis, Japon, Canada, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, France et Russie) et des plus importantes économies émergentes. Un "G15" ou un "G20" est évoqué. Réticents au départ, les Etats-Unis en ont accepté mercredi le principe "dans un avenir proche". L'Europe veut notamment s'attaquer aux paradis fiscaux, aux agences de notation et aux fonds spéculatifs. Londres et Berlin proposent aussi de réformer le Fonds monétaire international (FMI) pour lui donner un rôle de supervision mondiale. Le président français Nicolas Sarkozy a suggéré que la réunion se tienne "de préférence à New York, là où tout a commencé". "L'Europe présentera une vision commune et ambitieuse: nous ne voulons pas que cela recommence, nous voulons que des conséquences soient tirées" de la crise, a-t-il souligné. Bruxelles veut aussi relancer l'idée d'un "système coordonné de supervision du secteur financier européen", aujourd'hui émietté au niveau national. Mais l'UE n'a jamais réussi à parler d'une seule voix sur cette question sensible. Avant un éventuel "nouveau Bretton Woods", un sommet réunira les 24 et 25 octobre à Pékin 43 pays d'Europe et d'Asie. Ce sommet biannuel de l'ASEM (27 pays de l'Union européenne, 10 de l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (ASEAN) et six autres pays asiatiques) permettra des "discussions très intenses" sur la crise financière, a indiqué hier l'UE. En Asie, la chute des Bourses a été généralisée : outre Tokyo (-11,41%), Séoul a perdu 9,4%, Shangai 4,25% et Hong Kong 4,8%. Autre victime des perspectives de récession, le pétrole a continué de chuter, le prix du baril tombant à Londres à 68 dollars, après un sommet à 147 dollars en juillet 2007.