* "Il faut libérer l'information" Le 24 octobre 2002, le forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) a reçu son visa légal. A l'occasion de son 6ème anniversaire nous avons invité le secrétaire général du parti Dr. Mustapha Benjaafar pour nous parler de cet événement, des raisons qui ont empêché le FDTL de tenir son premier congrès de ses relations avec les autres, des prochaines échéances électorales et d'autres questions. Interview.
Interview du Dr Mustapha Benjaafar, Secrétaire Général du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL)
Le Temps : Le 24 octobre 2002 le FDTL reçoit son visa légal. Quel est votre bilan de l'exercice écoulé ? Mustapha Benjaafar : Il serait long et fastidieux de faire le bilan de six années d'activités multiples et variées, six années pendant les quelles nous avons animé le débat politique dans un climat de lutte pour la survie. Pour ne pas rentrer dans les détails, disons que tout s'est passé comme si notre parti a été légalisé après plus de huit années d'attente( le Forum démocratique pour le travail et les libertés a été fondé le 9 avril 1994) mais non reconnu en pratique. Nous avons été systématiquement exclus des médias audio visuels, des espaces publics et même, comme ce fut récemment le cas à Sfax des espaces privés. Le RCD veut jouer en solo et interdit aux autres toute participation ; c'est tellement plus confortable. Pour desserrer l'étau, nous avons lancé en janvier 2007 notre journal Mouatinoun qui parait tous les mercredi. Il est, comme notre parti, privé de financement public et même de publicité. La saisie du dernier numéro vient comme un cadeau d'anniversaire pour nous signifier que la liberté se fait encore attendre. Nous avons pourtant interprété notre invitation et notre prise de parole à la conférence nationale sur l'emploi comme un début de décrispation mais le maintien de notre camarade Zakia Dhifaoui en prison et la saisie de Mouatinoun nous ramènent à la case de départ
. Mais le FDTL n'a pas encore tenu son premier congrès. Quelles en sont les causes et pensez-vous le tenir cette année ? - Dans les conditions que je viens de décrire il est difficile de réfléchir à un congrès qui marque un temps fort de réflexion et qui se prépare généralement dans la sérénité. A moins de faire comme les autres tout juste pour sortir une nouvelle direction préfabriquée. Ceci dit nous sommes conscients, en dépit des difficultés qu'un congrès est nécessaire pour actualiser nos choix et adapter nos positions en fonction des changements intervenus sur la scène politique nationale et internationale. C'est pour cela que nous avons décidé de nous réunir en congrès au cours du premier trimestre de 2009 en espérant que cette année « électorale » se passe dans un climat plus détendu.
.Vous avez déclaré dans une récente interview que vous êtes pour un candidat « réaliste » de l'opposition pour l'élection présidentielle de 2009. C'est quoi un candidat « réaliste » et est-ce que vous avez un nom en tête ? Laissez-moi vous dire tout d'abord que la loi « exceptionnelle et transitoire » proposée par le gouvernement et adoptée, sans surprise et malgré le refus de quelques voix courageuses, par le parlement, consacre l'exclusion de nombreuses personnalités du monde politique et de la société civile potentiellement aptes à briguer une telle responsabilité. Je rappelle que notre parti, fondé en 1994 par des personnalités qui militent depuis des dizaines d'années et assument des responsabilités dans différentes organisations, est exclu de la course. L'obligation imposée par la loi exceptionnelle exigeant que le candidat à la candidature soit « le premier responsable d'un parti élu depuis plus de deux ans » est une bizarrerie constitutionnelle unique dans le monde concoctée dans le seul but de m'écarter. Tout cela pour vous dire que la liberté de candidature, pilier fondamental de toute élection démocratique, n'est pas garantie. Il ne faut pas cependant en conclure que par la seule présence de tel ou tel candidat quel qu'il soit l'élection deviendra par miracle plus démocratique. Ajoutez à cela que, dans les conditions actuelles, l'enjeu électoral est absent. L'hégémonie d'un parti Etat et le code électoral qui soumet l'intégralité de l'organisation des élections au bon vouloir du ministre de l'Intérieur et de ses subordonnés ne laissent aucune illusion. Que reste -t-il sinon d'envisager une bataille essentiellement politique au service du changement démocratique. C'est dans ce cadre que, une fois la loi adoptée, j'ai lancé l'idée du « candidat possible », Je l'ai fait pour que cesse une fausse querelle qui a trop duré au détriment de l'effort de mobilisation auquel tous les démocrates sont appelés. Cette querelle nous a fait perdre un temps précieux. Il est urgent de se mettre autour d'une table sans calculs et sans illusions. Ce n'est évidemment pas à moi de choisir le ou la candidate « possible ». Les instances du PDP et d'Ettajdid sont plus habilitées pour le faire. Le plus tôt serait le mieux car la vraie bataille susceptible de rassembler tous les démocrates est celle qui sera centrée sur le nécessaire changement des règles du jeu pour assurer une égalité des chances dans le cadre d'une vraie compétition. La question du leadership comme d'autres questions se poseront après...
. Pour les législatives, le FDTL va présenter ses propres listes ou va-t-il y participer dans le cadre d'alliance avec d'autres partis ? -La question présente un volet technique imposé par le code électoral actuel qui ne favorise pas les alliances et qui doit être réformé avant les prochaines élections. Quant au volet politique c'est le congrès qui décidera si nous participons et sous quelle forme... L'heure est aujourd'hui au rassemblement pour pousser le gouvernement vers une vraie ouverture indispensable au déroulement d'élections démocratiques.
. Quelles réformes suggérez-vous pour promouvoir la vie politique ? Il y a beaucoup de choses à dire que l'espace ne permet pas. Très rapidement je dirai qu'il faudra ramener plus de sérénité dans le climat général en vidant nos prisons de tous les détenus d'opinion même si le gouvernement persiste, contre toute évidence, à les considérer comme des détenus de droit commun. La question de l'indépendance de la justice est fondamentale en raison de ses incidences non pas seulement dans la sphère politique mais aussi dans la vie quotidienne des citoyens, dans les relations internationales, en raison aussi de son impact sur l'investissement privé national et étranger et sur l'économie en général... Il faudra surtout libérer le secteur de l'information, C'est l'urgence et c'est en même temps le meilleur critère, par sa visibilité, d'une volonté politique de changement crédible. Il ouvrira la porte à un débat démocratique sur les questions qui nous inter pellent en ce temps de crise. Une information plurielle sera le meilleur prélude à un rendez-vous électoral qui doit être le couronnement d'un processus de participation à la vie politique et non une simple parenthèse dont on connaît les résultats à l'avance.