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Reconversion au christianisme: Sons de cloche « Souterrain »
ENQUETE
Publié dans Le Temps le 10 - 11 - 2008

Peu, très peu d'articles de la presse écrite, n'ont abordé de façon approfondie la poussée des églises néo-évangélistes dans le tiers-monde, dans certaines régions du monde arabo -musulman, arabe en particulier, avec une percée remarquable au Maghreb, « choisi comme axe de pénétration » vers l'Afrique, puis d'autres pays arabes, et ce depuis la première guerre du Golfe.
Juste une coïncidence ?? Pas si sûr, diront certains. Au vu des débats devenus publics, pratiquement quotidiens, dans certains journaux marocains et algériens surtout, on se rend compte des nombreuses interrogations que cela soulève, des arrières pensées que cela camoufle.
Il suffit de voir les réactions des pasteurs des églises réformées (protestantes traditionnelles) qui refusent « l'amalgame », les dénonciations faites par des dignitaires catholiques, comme l'Archevêque de Dakar, l'attitude de Chavez, la prise de position virulente contre ces églises de la plus grande des associations juives américaines, pour comprendre qu'il y a quand même des signaux d'alarme actionnés par des personnes qu'on ne peut taxer « d'intolérance »( Voir encadrés)
Le nombre impressionnant de missionnaires disséminés aux quatre coins du monde est ahurissant. L'enrichissement, spectaculaire, fulgurant et dérangeant, des prêcheurs télé évangélistes américains, ou africains, qui ne prônent qu'amour de Dieu, mais qui sont en même temps propriétaires de centaines de lieux de cultes, de chaînes de télévision privées, semble ne gêner aucun nouveau converti.
Soyons clairs : il ne s'agit nullement de barrer la route à tout citoyen voulant pratiquer le culte de son choix, comme le lui permettent les lois du pays (l'article 5 de la Constitution stipule bien : « La République tunisienne garantit l'inviolabilité de la personne humaine et la liberté de conscience, et protège le libre exercice des cultes, sous réserve qu'il ne trouble pas l'ordre public », l' adhésion à la Charte des Droits de l'Homme et aux autres conventions internationales, etc), mais il s'agit de comprendre et de démonter ce qu'il y a derrière un système qui risque d'introduire encore une cause de déstabilisation dans des pays passablement ébranlés soit par le virus intégriste, ou par les divisions ethniques, la corruption, la pauvreté, ou la mal gouvernance.
Il ne s'agit nullement de dénoncer des choix religieux de citoyens majeurs, dont la liberté de conscience est garantie, mais de monter que certains sont bien des éléments d'un ensemble dont ils ne contrôlent rien, et qu'en définitive, ils en deviennent les instruments, tout en croyant à leur complète indépendance.
Un peu d'histoire pour rappeler à tous ceux qui ont la mémoire courte, à ceux qui ne veulent pas « voir », à ceux pour qui « une conversion est juste un choix individuel, sans implication politique », à tous ceux et celles, qui, par manque de discernement, ou par « innocence », que ce sont les mêmes puissances, avec les mêmes paravents, qui ont « créé » les Frères Musulmans en Egypte pour déstabiliser Nasser et contrecarrer la montée des mouvements nationalistes libérateurs. Les mêmes qui, avec Itzhak Shamir, ont aidé à la naissance du Hamas en Palestine pour briser l'emprise de l'OLP et détourner une partie des énergies vers des lutte internes ( la preuve !!). Ce sont les mêmes qui ont protégé, puis, installé Khomeiny à Téhéran. Les mêmes qui ont financé, transporté, entraîné, ces mercenaires de tous pays pour combattre en Afghanistan l' « Ours Rouge », sous la houlette de leur marionnette Ben Laden. On connaît le reste.... et les effets dévastateurs de ces organisations créées de toutes pièces, inoculant ainsi des virus là où il faut, au bon moment.
Pour d'autres, évidemment, ces conversions, clandestines et secrètes, relèvent de l'apostasie, ou de l'abjuration, et l'opposition à ces mouvements néo-évangélistes est d'un ordre tout autre.
Toute violence en retour, ne peut servir que les tenants du « choc des civilisations », qui curieusement, sont tous des adeptes de ces nouvelles églises. Et pour ceux-là, la problématique se pose ainsi : ou me laisse évangéliser à ma guise, et on obtient en conséquences « un satisfecit », comme « bon démocrate », ou alors on est de suite taxé d'intolérance, de semeur de haine, et « de montrer le visage de l'Islam qui ne peut être que violence ».
L'engrenage est en route. Le travail de fourmi commence alors. Les missionnaires, contrairement aux autres communautés chrétiennes qui portaient des habits distinctifs et reconnaissables, refusent de s'afficher au grand jour.
On avancera donc dans la discrétion absolue, dans la clandestinité, sous prétexte de ne pas « provoquer » des réactions hostiles. On mobilisera, pour les éventuels « martyrs » qui se feraient « agresser », toute la machine médiatique qui ne manquera pas de monter en épingle les « violences anti-chrétiennes » en Egypte , en Irak ou ailleurs. Mais on passera sous silence les autodafés du Nouveau Testament que le maire d'un village israélien a organisé pour faire face à l'invasion de missionnaires évangélistes dans sa commune ( voir encadré).
La faim, la soif, les maladies, l'injustice,les inégalités dans le monde ? L'environnement ?? Les pasteurs Hagee, Jackson, Mike Merry, Parsley, feront une prière.
Des moyens considérables
Il est notoire que les néo-évangélistes américains disposent d'aides multiples : des dons de milliardaires, des subventions de toutes sortes, en plus des kermesses, des repas payants, des adhésions dont le montant est fixé au prorata des rentes et des revenus, des ventes de millions de cassettes, de livres écrits par les ténors, etc. Mieux, si vous ne savez que faire de votre argent, des sites web ( voir page PSN Port St Nicolas) faits sur mesure, invitent ces téléspectateurs acquis à faire des « placements éthiques » ( !).
Ces sommes servent à financer des prosélytes, jeunes pour la plupart, filles et garçons, qui sont envoyés « battre le pavé » dans les pays à « conquérir », dont ils apprennent d'abord parfaitement la langue, l'histoire, les coutumes, dans des stages encadrés par des autochtones déjà convertis. Les points de chutes sont prévus. Des adeptes les attendent. Pas de soucis pour se loger, tout est prévu. Il suffit de voir « les passages d'amis » dans certaines ONG. Ils sont ainsi comme un poisson dans l'eau lorsqu'ils sont immergés dans l'espace sélectionné. Ces ONG « humanitaires » sont des milliers à travers le monde, financées et téléguidées par des « fondations ».
C'est l'Amérique latine, le Brésil surtout, qui sert de grand vivier pour encadrer les ONG disséminées en Afrique et ailleurs. Ces organisations humanitaires sont subventionnées et contrôlées par ces nouvelles églises. Des têtes de ponts indispensables pour s'implanter dans le pays. Le « social » a toujours servi de porte d'entrée à un travail souterrain à long terme (voir l'encadré Chavez). Les fondamentalistes musulmans utilisent aussi ce portail.
D'autres moyens d'approche, de contact, d'implantation sont connus aujourd'hui : stages de formation, associations sportives et de loisirs, séjours de méditation dans le désert, sphères de réflexion, conférences sur les énergies purificatrices, pèlerinage à la découverte des hauts lieux de la chrétienté, etc.
Après l'Amérique latine, premier objectif géographique choisi, où la pénétration de ces églises a été relativement facilitée par l'assise chrétienne dominante, ce sont aujourd'hui l'Afrique et certains pays arabes qui sont visés. Bien sûr, on évite, pour l'instant, la Péninsule Arabique et le Golfe, où les réactions éventuelles risquent d'être extrêmement dangereuses pour les missionnaires éclaireurs. Pour les mêmes raisons la Libye est pour l'instant en dehors du « champ ». La cible prioritaire est maintenant l'Afrique du Nord, et l'Egypte, parce que dans ces pays, l'ouverture démocratique est à l'ordre du jour, qu'elle fait des avancées, avec tout ce que cela implique, comme droit du culte par exemple, droit d'association, droit de réunion, etc
La deuxième raison du choix de ces pays est « le niveau éducatif » de la population et du nombre de cadres supérieurs diplômés de l'université.. Echantillon social privilégié « capable de dialoguer » et facile d'approche. Les conversions déclarées ces derniers temps, ne sont le fait ni de dockers, ni de manœuvres de chantiers, ni de femmes de ménage. Tous les cas de conversion dont on a eu connaissance, appartiennent à un niveau social et intellectuel relativement élevés.
En Tunisie, on constate que tous les convertis portent des pseudonymes bi syllabiques, sonorités résonnantes très faciles à mémoriser : on a toujours affaire à un Yacine, un Moez, une Basma, un Youssef ou un Imed. Jamais de son « khâ », de « dhad » ou autres plus gutturaux, difficiles à prononcer. Des prénoms un peu « in », genre jeune cadre d'un feuilleton égyptien, doux, qui n'écorchent pas la gorge. Des « prénoms » qui se marieront bien avec l'autre prénom chrétien qu'on prendra le jour du baptême...
Tout cela est relayé par une propagande organisée en un réseau en toile, diffusée surtout par des chaînes et des radios connues pour être financées au grand jour par le Congrès américain, plus discrètement par la CIA, ou par des paravents sous couvert de fondations, d'associations patronales ou par des mécènes. Des projets d'aide au développement servent aussi de moyens de pénétration, comme le Programme GIPI ( Global Internet Policy Inititive) ou le MEPI qui touche la majorité des pays arabes.
Au niveau forcing médiatique, on cite pêle-mêle Life-TV, CNA- Channel North Africa, Al Hurra, Al Hayat, Radio Mahabba, et même Radio Monte-Carlo !!! .Pas moins de 1200 stations de radio et 300 chaînes de télévision émettent ainsi sans relâche. Bizarrement, c'est pratiquement, de façon exclusive, la langue arabe, la « darija » marocaine, le tamazight, ou le kabyle, qui sont utilisés. Pas d'émissions en bambara, ouloff, pakistanais, afghan, indonésien ou malaisien !! C'est dire les objectifs.

C'est souvent vécu, par les auditeurs qui tombent dessus par hasard ou par ouïe dire, « comme une propagande sournoise débitée à longueur d'année, de façon continue, un discours mielleux, d'une douceur et d'une sagesse infinie » me disent des amis, connus pour leur appartenance à la société civile, militants pour plus de laïcité, ayant une vision progressiste du monde, à qui j'ai proposé de voir une émission précise, sur quelques jours, et de me donner ensuite leurs impressions. Ils ont été « surpris par une mise en scène étudiée, où une Mouna, un Fayez, un Nathanyahou et une Victorine, entourent un savantissime Boutros Zaakria . On veut prouver que cette nouvelle religion (« Born Again ») attire des gens de tous bords, de toutes religions, une sorte de convergence de toutes les origines, un œcuménisme d'un nouveau genre. Et tous répondent sagement comme des élèves bien dressés à des questions bien préparées ». D'autres s'étonnent de « la virulence des discours et de la volonté de montrer les vérités de la Bible en faisant référence aux « imperfections » du Coran ». D'autres émissions, traduites en « off » en arabe, mettent en scène des prêcheurs américains, devant des parterres acquis, avec de gros plans sur des visages touchés par la béatitude.
Les animateurs et les prêcheurs, souriants, calmes, polis, officiant sur ces chaînes, ont beau jeu de prendre à contre-pied la violence des discours des fondamentalistes musulmans, ou des prêcheurs enturbannées des chaînes satellitaires venues d'Orient, embourbés dans les mêmes discours, ne prônant que haine de l'Occident, fustigeant tous les mécréants, méprisant les autres religions en vrac, présentés comme des ennemis de Dieu, donc de l'Islam, des sataniques qui ne méritent que l'enfer.
Ne pas oublier non plus, qu'avec les moyens actuels on peut dupliquer à l'infini, dans n'importe quel endroit discret, des cassettes vidéos, des DVD, des CD, racontant la vie de Jésus, les discours de certains prêcheurs connus, ou des explications de vulgarisation, toujours dans ces langues et dialectes des territoires visés.
A part quelques exceptions qui, pour des raisons « personnelles » sont venues à la conversion, tous les contacts directs, ou indirects, que nous avons eu à Tunis, ou ailleurs à l'intérieur du pays, convertis, en voie de l'être, ou qui ont été « approchés » sans succès un moment, répondent pratiquement tous au même profil. Entre 25 et 40 ans, c'est toujours une personne fragilisée par la vie qui est en point de mire, une personne isolée, loin de la famille, sans beaucoup d'amis, qui passe par des moments difficiles, suite à une rupture, un décès, une séparation. Dans l'écrasante majorité des cas, des personnes éduquées et diplômées. Très vite on l' « invite » à une réunion d'amis, dans un lieu privé, discret, où elle se retrouve entourée, soutenue, admirée et adulée même. On écoute des chants liturgiques, d'abord. Puis si l'intérêt est sensible, on passe à l'écoute des enregistrements de prêches, en arabe évidemment, la langue du pays. On recommande d'écouter telle radio à telle heure, on cite des noms d'orateurs connus, on prête des livres. Dans tous les cas, la majorité des présents, sinon tous, sont tunisiens. Ne pas placer la « cible » dans un milieu qui lui semble étranger ou hostile. Au contraire, avec des gens du pays, qui parlent la même langue que lui et qui avaient la même religion que lui. La preuve que la conversion est possible, que c'est un saut fait par d'autres, comme lui, avant lui. On lui présente même des pasteurs qui assurent un service. On l'invite même à « venir voir », pour commencer. La personne ne se pose même pas de questions sur ces « pasteurs autoproclamés », qui connaissent la Bible certes, qui ont participé par ci par là à quelques « stages », mais qui n'ont pas la formation nécessaire d'un Pasteur qualifié....
Jouer sur l'égo pour montrer que cette personne a une valeur que les « autres » ne reconnaissent pas et très vite, ces « autres » deviennent l'incarnation du « rejet, de la haine, de l'intolérance » » et que le « bien, l'amour de l'autre, le partage» ne se trouvent que dans ce milieu où cette personne est si bien soutenue. « C'est pas nouveau », me dit un ami professeur de psychologie, « la même technique que les sectes, que les fondamentalistes et autres intégristes de tous bords ».
Il y a aussi la méthode dite « - la pêche à la ligne - ». On distribue des imprimés, des documents, ou même la Bible, soit dans les boîtes à lettres, au hasard, soit dans des réunions organisées par des personnes complices. Ou sous enveloppe, par la poste. Cela suppose qu'on a déjà un minimum d'informations sur la personne, qu'on connaît son identité, son adresse exacte, et son éventuelle prédisposition......Des visiteurs de blogs tunisiens trouvent de discrets appels à la conversion. D'autres reçoivent des mails ou des spams pour des « rencontres interculturelles ». Et dans le vaste filet, il y aura bien un ou deux individus, intrigués ou « intéressés ».
Deux exemples du vécu : un ami, journaliste connu de la place, prit un jour un taxi. Bavardant à bâtons rompus avec le chauffeur, de tout et de rien, celui-ci fut intrigué par la connaissance très pointue que cet ami avait du monde du football. Lorsque le taxiste sut que cet ami était journaliste, il lui fit la confidence suivante : « j'ai pris ce matin un étranger pour une course vers la banlieue nord de Tunis. Il parlait le tunisien de façon courante avec un léger accent, je crois que c'était un américain. Avant de descendre il m'a offert ce livre, en me disant de le lire, si j'ai le temps. Tenez prenez le, j'en ai rien à faire, moi. Faites en ce que vous voulez !! ». C'était une Bible en arabe.
Un autre cas de figure : l'année dernière, une connaissance, une jeune enseignante dans un lycée du sud, a cohabité avec une européenne d'une trentaine d'années. Celle-ci, parlant parfaitement l'arabe avec l'accent du coin même, passait son temps à « se promener » dans les villages, ou organisait des soirées « débats » autour de thèmes ayant rapport à « l'œcuménisme », « la fraternité », « la tolérance dans les religions monothéistes », où étaient invités quelques jeunes professeurs et des amis « de passage ». Et il y avait très souvent des « amis de passage » de tous pays, qui ne séjournaient pas longtemps d'ailleurs..... Rien d'illégal dans tout cela. Elle n'avait aucun travail rémunéré, « voyageait » tout le temps, allait à Tunis, et très souvent « pour des problèmes de visa », faisait un saut à Paris ou à Marseille disait-elle. Extrêmement discrète sur ses « revenus ». La jeune enseignante a fini un jour par dire « qu'une Fondation lui envoyait mensuellement un soutien financier pour vivre ».
Interrogé sur le rôle du Ministère des Cultes quand à la nomination des dignitaires religieux, non musulmans, officiant officiellement en Tunisie, on nous a fait savoir « que le Ministère, en coordination avec d'autres administration, délivre des documents à l'intéressé pour obtenir un renouvellement du titre de séjour ». Quand aux organisations religieuses « non officielles » (non musulmanes), et concernant la position du Ministère sur le prosélytisme (autre que musulman), la réponse est nette « cela tombe sous le coup de la loi : article 165 et 166 du Code pénal ». ( Nous avons mis trois jours pour obtenir ces informations !!!!)
Pour beaucoup « cette opération d'évangélisation à grande échelle a pour but principal de faire naître, ici et là, et surtout dans le monde arabe, des situations qui favoriseraient une « déstabilisation », en commençant par les maillons les plus fragiles ou les plus réceptifs, en jouant sur les différences ethniques (berbères- kabyles- arabes), ou religieuses. Au Liban chaque été, les plages huppées sont « envahies de petits groupes de jeunes américains cherchant à débattre de problèmes religieux ». En Jordanie, des groupes entiers de missionnaires évangéliques ont été expulsés du royaume, à la demande expresse de la hiérarchie catholique. En Israél même, ce sont les juifs originaires d'Ethiopie et du Soudan qui sont visés par des vagues de prosélytisme, ce qui a provoqué ici ou là des réactions extrêmement violentes (voir encadré).
Beaucoup d'articles de presse et de personnalités politiques, pas toujours hostiles à la pluralité des cultes, s'interrogent sur cet intérêt que portent ces églises protestantes d'un nouveau genre aux minorités ethniques du Maghreb et d'ailleurs. La même approche a été remarquée au Maroc, à Oujda, chez les berbères du Haut Atlas, à Mellila et dans les endroits de passages des migrants africains vers l'Europe.
En France le mouvement touche essentiellement les jeunes des populations immigrées, beaucoup d'africains, mais aussi des maghrébins, qui habitent hors des cités. Parce que dans les ghettos, le terrain est occupé par les groupes fondamentalistes et ils ne s'y risquent point .Curieusement, on en voit très peu, ou pas, dans les quartiers chics de Paris ou dans les quartiers ibériques.

« Des églises au pied du Djurjura »
En Algérie, ces dernières années, le nombre de convertis est en augmentation constante, ainsi que le nombre d'églises, clandestines ou pas, au point que cela soulève des débats publics, débats télévisés, parfois houleux, où interviennent des personnalités de premier plan, y compris le ministre des Affaires Religieuses, Mr Bouabdallah Gholamallah. Des journaux à très grand tirage en font des titres à la une, parfois tapageurs et racoleurs, du genre « les cloches des églises résonnent aujourd'hui au pied du Djurjura ».
Il est de notoriété publique aussi que c'est en Kabylie surtout que ce mouvement néo-évangélique a pris fortement racine, où des algériens « manifestent publiquement leur foi chrétienne ». C'est dans les régions des Ouadhias et Draa Ben Khedda qu'on trouve les foyers les plus nombreux, des temples et des lieux de culte partout, dans des hangars ou dans des caves. L'historienne Karima Direch-Sliman rappelle que, c'est parce le Cardinal Charles Martial de Lavigerie était « convaincu de l'ancienneté des racines chrétiennes en milieu berbère » qu'il mena une action missionnaire en Kabylie, à partir de 1867, qu'il considérait comme « le Mont Liban d'Afrique ».
C'est le cas de cette fameuse « Eglise DBK », initiales de Draâ Ben Khedda, du « Pasteur » Azzoug Saïd, « qui s'est accordé lui-même ce titre après avoir abjuré l'islam », selon Al Akhbar. Il affirme « baptiser 5 à 6 convertis par jour dans son église ». Cela fait penser à tous ces imams et tous ces émirs qui s'autoproclament chez les intégristes musulmans. Encore une fois la même démarche. L'Eglise de Ouadhia est autorisée par le Ministère de l'Intérieur, à servir de lieu de prière, conformément à l'ordonnance N° 06-03-28/02/2006 relative aux « conditions et règles d'exercice des cultes autres que musulmans », pour être conforme aux dispositions de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme à laquelle l'Algérie a souscrit en 1989. C'est ce contexte juridique qui a permis l'effervescence et l'éclosion de multiples groupes néo-évangélistes en Kabylie.
D'ailleurs c'est surtout dans cette région que le nombre de conversions, le nombre d'églises, ont augmenté de façon sensible et au grand jour. De moins en moins de clandestinité, puisque selon un rapport de l'ONU daté de septembre 2002, l'Algérie compterait entre « 5000 et 20000 protestants ». De fait, des livres et des Bibles se vendent en toute liberté. La Société Algérienne du Livre Culturel importe 1000 à 2000 ouvrages bibliques par an.
Quelques faits relevés dans les journaux montrent que l'action de ces néo-évangélistes prend parfois des aspects plus que provocateurs : c'est le cas d'un directeur d'une école primaire de la région d'Ouadhia qui a été relevé de ses fonctions pour avoir utilisé l'école publique pour les besoins d'une campagne d'évangélisation !! Alors qu'il existe dans cette ville, ainsi qu'à Tizi Ouzou, des églises qui opèrent au grand jour, de façon légale.
Le Mouvement pour l'Autonomie de la Kabylie (MAK), dirigé par Farhat Mehenni est suspecté, par une grande partie de la presse algérienne, comme étant un sous-marin de ces nouvelles églises, puisque l'écrasante majorité de ses adhérents sont des convertis. De là à affirmer que les troubles qui éclatent de façon sporadique dans ces régions ne sont pas le fait du hasard, est un pas vite franchi.
Par ailleurs, les autorités algériennes ont expulsé en mars 2006, le Pasteur américain Hugh Johnson, 74 ans. Il a été prié de quitter le territoire après 45 ans de vie dans le pays. La Maison des droits de l'Homme et du Citoyen de Tizi Ouzou « s'est élevé contre la série d'entraves et de harcèlements dont furent l'objet des chrétiens d'Algérie » et proteste contre « une certaine presse qui exploite ce qu'elle qualifie de phénomène d'évangélisation ». C'est dire combien la chose est d'actualité, touche tout le monde et n'est plus « cachée ».
Selon La Gazette du Maroc du 3/10/2008, qui ouvre un forum de discussion à propos des remous provoqués par la vague d'évangélisation qui touche le Maroc depuis quelques années, des sites internet « proposent la Bible en darija et en tamazight », et que « chaque dimanche matin des couples mixtes et des marocains isolés, ne se cachent plus à la sortie des églises de la capitale. Ces néo-protestants évangéliques marocains ont été en majorité convertis au cours de leur séjour en Europe ou aux USA ».
Selon le même journal daté du 9 mai 2008, sous le titre révélateur « les talibans évangélistes battent le pavé », une information surprenante : « au cours du mois de septembre prochain à Seattle, le projet année internationale pour le Maroc «An international year of prayer for Morocco» tiendra son 8ème congrès. Les candidatures pour les évangélistes sont déjà ouvertes. Le projet a vu le jour en 2002, sous la houlette d'organisations évangélistes américaines et des centaines de marocains se sont convertis. Selon Said Chabar, islamologue et spécialiste du dossier, «le Maroc connaît aujourd'hui un regain d'intérêt des organisations évangélistes Nord américaines, pour son emplacement stratégique. Il sert aussi de base arrière à ces organisations pour toucher d'autres pays comme le Maghreb et ceux de l'Afrique noire».
Pour Mohamed Sarrouti (Responsable du Centre d'études sociales et humaines à l'Université Mohammed Premier d'Oujda) les missionnaires évangélistes « exploitent la pauvreté, l'ignorance et la maladie. Ils ciblent aussi les jeunes. Ils ont fixé comme objectif la conversion de 10% de la population du Maroc à l'horizon 2020. Pour atteindre leur but, les évangélistes promettent visa, mariage et immigration aux jeunes ». On retrouve cette démarche de « corruption des jeunes » un peu partout au Maghreb.
Pourtant, le code pénal marocain est clair : « Est puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 100 à 500 dirhams, quiconque emploie des moyens dans le but d'ébranler la foi d'un musulman ou de le convertir à une autre religion, soit en exploitant sa faiblesse ou ses besoins, soit en utilisant à ces fins des établissements d'enseignement, de santé, des asiles ou des orphelinats » .
La Gazette du 03/10/2008, rapporte qu'entre « 1995 et 1999, vingt Nord américains ont été expulsés du Maroc, ou jugés pour prosélytisme. Souvent, leurs ambassades interviennent pour étouffer l'affaire ». Le 28 novembre 2006, Le tribunal de Première instance d'Agadir, avait condamné un touriste copte égyptien de nationalité allemande, Sadek Noshi Yassa, à six mois de prison ferme et à une amende de 500 DHS, « pour avoir tenté d'ébranler la foi d'un musulman».
A ce propos, l'Archevêque de Rabat, Mgr Vincent Landel, a déclaré en 2005, au quotidien «Aujourd'hui le Maroc » : « Ma mission est de vivre ma foi et non pas d'essayer de convaincre qui que ce soit ».
Lorsque le télé évangéliste très connu, Josh Mac Dowell, dirigeant de la « Crusade for Christ International » qui revendique plus de 7000 missionnaires de par le monde, vint au Maroc en 2005, le Journal-Hebdo titrait à la une : " le Maroc assailli par les néo-évangélistes US ». Un rapport du World Christian Database (WCD), estime qu'il y a aujourd'hui 15000 marocains chrétiens dans la clandestinité et que c'est la religion qui a le plus fort taux de « croissance » dans ce pays. Au Maroc, aussi, le débat est public, depuis que le député de l'Istiqlal Hamid Awoual a interpellé le Ministre des Habous Ahmed Tawfik, en 2005, tous les journaux en parlent régulièrement.
organisation « Arab World Ministries » dit clairement qu'elle a pour unique but « d'annoncer la Bonne Nouvelle d'un Sauveur aux musulmans du monde arabe », et que cet organisme cherche « avec l'aide de Dieu, à atteindre les Musulmans du monde arabe là où on peut les trouver, par l'envoi d'hommes et de femmes consacrés qui renoncent à eux-mêmes, pour encourager les églises autochtones et en établir de nouvelles, là où elles n'existent pas ».
Le message est clair. Ceux qui croient encore que le choix de se convertir est un libre choix individuel, ne veulent pas reconnaître cette réalité : c'est le monde arabe, et essentiellement lui, qui est visé dans cette vaste opération d'évangélisation, prenant appui sur des milliers d' « églises » apparemment indépendantes, et parfois concurrentes.
Mais une question reste posée : pourquoi, alors que la vague néo-évangéliste a touché l'ensemble du Maghreb, et qu'elle s'y est implantée de façon diverse, nos convertis tunisiens, et il y en a plus qu'on ne semble le croire, restent terrés, refusent de se montrer, de déclarer leur foi. A part quelques individualités du monde de l'édition, et de l'art, la réponse est quasi unanime, un vrai leitmotiv : « on a peur !! ». Mais peur de quoi ?? Des réactions des cercles d'amis, de proches, de parents ? Pensent-ils que tous et toutes vont se voir applaudir et être félicités ? Toutes les personnes, sages, que j'ai interrogées à ce sujet me répondent : Ce sont les convertis qui « ont abandonné les leurs », qui « se sont éloignés des amis ou de la famille », qui ont fait « leur choix », d'autres parlent même de « trahison » .
N'est-il pas dangereux justement de rester dans l'ombre ? Ou alors si on a « peur » des réactions, c'est qu'on réalise bien l'impact des discours venimeux de Mike Merry à Jérusalem, du Révérend Hagee ( « L'Islam est une religion de l'anti-Christ »*), de Rod Parsley ( « Dieu a envoyé Hitler pour aider les juifs à atteindre la Terre promise »*), ténors et chefs de file du néo-évangélisme, qui n'ont rien à voir avec le fait de choisir sa religion en toute liberté. Si on a « peur », c'est qu'on fait siennes les visées des chrétiens sionistes, dénoncées par tous, aussi bien par des dignitaires de l'Eglise catholique ( que Hagee a traité publiquement de « grande p... » !!*), que par des pasteurs de l'Eglise réformée, que par des rabbins juifs ( voir encadré).
Si on a « peur », c'est qu'on sait que quelque part, les citoyens ordinaires de tous pays, de toutes religions, n'admettent pas qu'on maltraite des textes sacrés, qu'on dénature des phrases en les sortant de leur contexte. Les convertis tunisiens, ne doivent nullement oublier, que quelque soit la religion qu'ils choisissent librement, ils sont issus d'une histoire, d'une culture, qu'ils appartiennent à un ensemble qui est visé par une volonté d'hégémonie. Choisir sa religion, certes, mais choisir son camp aussi.

Une si éloquente dérobade......
oulant donner la parole à l'un des pasteurs néo-évangélistes officiant, au grand jour ou clandestinement, à Tunis ou ailleurs, pour permettre à nos lecteurs d'avoir accès à la « bonne nouvelle » par la bouche d'un « berger » , en plus de quelques membres du « troupeau », sur certains aspects de cette « nouvelle église », nous n'avons pas pu avoir un contact direct avec « un responsable » pouvant donner « une autorisation » pour un entretien, et ce malgré les « interventions » multiples, et les divers signes nous promettant « d'attendre le contact imminent » !! Une quinzaine de jours et rien d'imminent. Et les mails envoyés à des « adresses » qui nous ont été communiquées !! Et cela fait un moment....Et on me fait savoir qu'il faut encore « attendre 10 jours », le trait d'union est en voyage....L'argument de la « sécurité » ne tient pas la route, puisque des missionnaires connus circulent en ville... Il n' y jamais eu de refus signifié. Un mutisme et une fuite en avant plus que suspecte...... Il est vrai aussi, que face à des gens qui « savent », le discours racoleur habituel ne fait pas le poids.
Cette dérobade suffit. A bon entendeur, salut !


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