L'histoire que vient de nous raconter un jeune homme de 35 ans est quelque peu étrange, mais elle est surtout révélatrice d'une réalité amère vécue par un grand nombre de Tunisiennes en âge de se marier. Notre interlocuteur a été jeudi dernier accosté en pleine rue par une demoiselle d'une trentaine d'années, qui a pris le soin auparavant alors qu'ils prenaient le même métro, de lui jeter des regards suggestifs auxquels il ne fut pas insensible tout au long du trajet. Croyant l'avoir perdue à jamais de vue à la sortie de la station quelle ne fut sa surprise lorsque, quelques mètres plus loin, la demoiselle l'aborda et entama tout de go un interminable questionnaire à propos du passé et du présent du jeune homme sur lequel elle a jeté son dévolu ce jour-là. Ce dernier, amusé et peut-être aussi tenté par une passade, se laissa prendre au jeu de la fille et répondit avec beaucoup de courtoisie à toutes ses questions. Après quoi, il se mit à lui poser de son côté d'autres questions sur ce qu'elle attendait de lui. A son grand étonnement, il apprit que la fille habitait depuis des années dans le même quartier que lui, qu'elle avait une bonne situation professionnelle et qu'elle s'intéressait à lui depuis un certain temps déjà. Voyant qu'il ne s'en rendait pas compte, elle prit le parti d'aller elle-même à sa rencontre et de tout lui révéler sur sa passion muette. Il ne sut rien lui dire tout de suite, mais passé le temps de la stupéfaction, il lui fit savoir qu'il était marié et père de deux enfants. Amère, l'amoureuse éconduite s'excusa et prit congé du jeune homme presque au bord des larmes. Cette anecdote donne à réfléchir sur les difficultés que trouvent beaucoup de jeunes filles de chez nous pour se ranger, alors qu'elles ont tout pour plaire aux hommes désireux de fonder une famille.
Des atouts et des déceptions Le mariage reste en effet dans nos contrées le rêve de presque toutes les filles. Certes beaucoup d'entre-elles pensent d'abord à s'assurer une situation sociale convenable. Mais une fois cet objectif atteint, il ne leur reste plus qu'à dénicher l'élu du cœur et le mari de demain. C'est souvent là où malheureusement ça coince ! Nos filles sont pourtant de plus en plus belles et aguichantes ; elles font ce qu'elles peuvent pour le paraître du moins. Côté élégance, elles font également des efforts et consentent beaucoup de dépenses à cet effet. La plupart d'entre elles ne posent plus de conditions insurmontables pour accepter des demandes en mariage. Leurs parents s'arrangent aussi pour les aider dans la quête du bon parti. Or celui-ci met toujours du temps pour se manifester. Quelquefois la fille célibataire croit tomber sur l'homme de sa vie, elle commence dès les premières rencontres à se voir en robe blanche aux bras de son prince charmant en train de recevoir les félicitations de toutes ses amies qu'elle voulait tant rendre folles de jalousie. Mais les malentendus imprévus se multiplient ainsi que les disputes pour déboucher finalement sur une rupture très douloureuse pour la fille et pour son entourage. Dans d'autres cas, le fiancé s'avère volage et donc peu sérieux ; la séparation est alors plus rapide. Jamais désespérées, nos filles tentent encore leurs chances avec un collègue, un voisin, un parent ou un inconnu, pour peu qu'ils soient animés de bonnes intentions. Les concessions de certaines filles sont parfois du genre inattendu : elles acceptent de se lier pour le meilleur et pour le pire à un homme sans emploi stable voire à un chômeur. L'âge du futur mari n'importe plus comme autrefois, ni son physique.
Toujours de l'espoir Dans les annonces matrimoniales, on fait de moins en moins la fine bouche ; on jure fidélité et obéissance au premier qui compte se présenter ! Une célibataire de 25 ans qui met en avant ses origines honorables et ses aptitudes de mère de famille sans défauts ne voit pas de mal à épouser un homme de l'âge de son père. La « belle au bois dormant » accepte désormais d'être réveillée de son sommeil profond par un Quasimodo. Le soupirant n'a pas de maison, ne possède pas de voiture, qu'à cela ne tienne ! C'est mieux que rien, on construira ensemble la villa rêvée et qui sait, des châteaux en Espagne, pourquoi pas ! La quête du parti convenable peut prendre des années, sans que l'espoir d'une liaison viable ne soit devenu réalité. Des mèches grisâtres apparaissent sous les tempes de la future « vieille fille », des rides indésirables tracent déjà leurs lignes indélébiles sur son front, quelques-unes de ses dents craquent et des varices couvrent déjà ses mollets moins fermes tandis qu'une pâleur inquiétante parce que difficilement dissimulable envahit les traits de son visage. C'est alors que commence pour elle la dure étape de l'hypocrisie : elle cachera en permanence son âge véritable ; comptera un peu plus sur les effets des produits de maquillage; sollicitera plus qu'avant les services des salons de coiffure et de soins esthétiques ; consultera régulièrement les diseurs de bonne aventure et verra en chaque homme un mari virtuel. Au fil du temps, elle perd une à une toutes ses illusions ; pour se consoler, elle se dit qu'un tel sort est peut-être meilleur que celui de tomber sur un mauvais parti. Son entourage fait d'ailleurs de son mieux pour la conforter dans cette conviction. Mais quelque chose dira toujours à notre jeune vieille fille que tant qu'il y a de la vie...