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Quand l'inspecteur pédagogique fait irruption en classe...
Enseignement
Publié dans Le Temps le 22 - 11 - 2008

Des milliers d'enseignants, à tous les niveaux de l'enseignement public, sont soumis à tout moment et sans préavis à une inspection pédagogique, qu'ils soient stagiaires ou titulaires.
Quel que soit le cas, la visite d'un inspecteur est toujours appréhendée par la plupart des enseignants, dans la mesure où elle peut créer chez les uns et les autres le souci de ne pouvoir satisfaire les attentes d'un inspecteur trop exigeant et la hantise de perdre quelques points de leur dernière note pédagogique. Et pourtant aucun enseignant ne peut nier l'importance de l'inspection qui est nécessaire à l'accomplissement de la tâche éducative, du moment qu'elle constitue officiellement une évaluation des efforts des enseignants et leur apporte un soutien moral et professionnel. Cette mission de l'inspecteur scolaire est-elle toujours édifiante et bien accomplie ? Pourquoi la visite inopinée d'un inspecteur plonge-t-elle souvent l'enseignant inspecté dans le désarroi complet ? Les visites effectuées par les inspecteurs sont-elles toujours bénéfiques et précieuses pour le travail de l'enseignant ? Certaines inspections pourraient-elles être inutiles, injustes ou peut-être vexatoires pour certains enseignants ?

L'inspecteur est avant tout un enseignant. Il est donc supposé connaître les spécificités du métier, de par sa longue carrière dans l'enseignement. De là, il est appelé, lors de ses visites aux enseignants, à les conseiller, les soutenir, les diriger et faciliter leur tâche, (ô combien difficile !) tout en évaluant leur travail. En tant que fonctionnaire d'Etat, il exerce les attributions prévues par la loi régissant le métier d'inspecteur ; il doit ainsi veiller à la bonne application de la politique scolaire et des programmes officiels. Ses fonctions sont principalement d'ordre pédagogique, mais il est chargé également de tâches administratives (rédaction des rapports relatifs aux inspections effectuées, envoi des comptes-rendus concernant des journées de formation, réunions avec les directeurs régionaux ou responsables nationaux, supervision de l'élaboration et de la correction des examens nationaux...). Son rôle essentiel est de suivre les enseignants dans leurs démarches pédagogiques pour qu'ils soient plus efficaces dans leur travail quotidien avec leurs élèves. Ainsi défini, l'inspecteur ne peut être que le miroir de l'enseignant, son ange gardien ! D'où vient alors que pas mal d'enseignants se plaignent de la férule de certains inspecteurs qui viennent, à l'improviste, les contrôler ? Y a-t-il encore des inspecteurs « malintentionnés » qui cherchent uniquement à pénaliser les efforts de l'enseignant sans tenir compte des conditions de travail souvent précaires ou de l'état psychologique dans lequel se trouve l'enseignant inspecté ?

Critères d'évaluation
Les enseignants « victimes » d'une inspection jugée injuste sont nombreux. C'est que les critères d'évaluation ne sont pas toujours les mêmes chez l'inspecteur et l'enseignant ; cela relève de la subjectivité. Il faut voir aussi dans quelles conditions l'inspection est effectuée : le choix de la date, de l'heure, de la classe est déterminant pour le bon déroulement de l'inspection. Quand un inspecteur vient effectuer une visite inopinée la veille des vacances, une période marquée par un relâchement complet et un manque de concentration chez les élèves, ou pendant la dernière séance (de 11h à 12h ou de 17h à18h) où la majorité des élèves sont déjà atteints de fatigue ; ou bien au cours de la semaine avant bloquée, là où les élèves passent les devoirs de certaines matières dites secondaires et se préparent pour la semaine bloquée ; une inspection dans de telles conditions est susceptible d'éveiller des soupçons chez l'enseignant inspecté. Il est vrai qu'un enseignant doit être à jour, prêt à toute visite ; mais il est toujours normal qu'il soit déconcerté et peut-être désorienté par cette visite impromptue, surtout que des élèves mal ou non préparés pourraient être à l'origine d'un mauvais déroulement du cours. C'est qu'un inspecteur est toujours tenté de contrôler le cahier d'un élève pris au hasard pour en vérifier le contenu. Les élèves doivent donc avoir des cahiers à jour et apporter leurs livres le jour de l'inspection. Zouheir, prof dans un collège, est contre ces visites imprévues des inspecteurs : « Personnellement, je crois qu'il est plus judicieux de prévenir le prof d'une inspection imminente, ne serait-ce qu'un jour ou deux auparavant. L'inspection pédagogique ne peut en aucune manière être un piège ; loin de là, elle doit être un soutien, un encadrement pour le prof inspecté ; il ne faut pas qu'elle soit traumatisante pour l'enseignant ou pour les élèves. Les profs doivent être prévenus d'une éventuelle inspection, non qu'il y ait un cours « spécial inspection » à préparer, mais parce qu'une préparation psychologique est importante dans ces conditions. » Son collègue, prof d'histoire, est du même avis : « La visite de l'inspecteur peut être déterminante pour l'avenir professionnel d'un prof. Celui-ci va être apprécié, jugé, noté d'après les impressions (bonnes ou mauvaises) ressenties par l'inspecteur lors de cette visite. Or, il arrive que le jour de cette visite inopinée, l'enseignant ne soit pas en bonne forme pour une raison quelconque (problèmes de santé, soucis de famille...), ce qui pourrait influer négativement sur le déroulement du cours et par conséquent l'appréciation de l'inspecteur est défavorable ! Un inspecteur est toujours le bienvenu, pourvu qu'on soit avisé d'avance. Il y a pourtant des inspecteurs qui annoncent leur visite aux collègues, sans pour autant fixer la date exacte, mais en leur indiquant approximativement la période (telle semaine ou tel mois). Ainsi, le prof peut travailler aisément en attendant la visite sans traumatisme ! »

Et si on prévenait les enseignants ?
On comprend à partir de ces témoignages que les enseignants préfèrent être prévenus avant d'être inspectés, du moment que le but d'une inspection n'est pas de déstabiliser ou de dérouter l'enseignant ou de démolir son travail, mais plutôt de l'assister, de l'aider à remédier à certaines carences pédagogiques ou défaillances méthodologiques. D'autant plus que ces dernières années, de nouveaux programmes ont été introduits à tous les niveaux et pour toutes les disciplines, ce qui demande des enseignants assez de temps pour s'y adapter et des élèves un certain temps pour se familiariser avec les récents manuels et les nouvelles méthodes : « Dans ces conditions, a fait remarquer un prof de maths, une inspection doit être avant tout constructive et de ce fait, l'inspecteur n'est là que pour soutenir l'enseignant dans l'exercice de sa profession en l'aidant à mettre progressivement en œuvre ces nouveaux programmes qui exigent de nouvelles méthodes de travail » . Même si les inspecteurs qui préfèrent effectuer leurs visites à l'improviste attestent de leur bonne foi, ces visites sont toujours à l'origine de certaines anxiétés chez l'enseignant, avant, pendant et après l'inspection. C'est ce que nous a expliqué un ancien professeur : « Ces visites inopinées sont entourées de mystères, de suspense et de surprises. L'enseignant est toujours dans l'expectative (viendra, viendra pas ?) et l'inspecteur vient généralement au moment où l'on s'y attendait le moins ! Et c'est le choc ! Une fois inspecté, c'est l'attente angoissante du rapport et de la note pédagogique. Pour les anciens, une inspection est un acte normal, il n'y a pas d'affolement outre mesure ! Qu'elle soit inopinée ou prévue, la visite d'un inspecteur est toujours la bienvenue pour les anciens collègues. Ce sont en général les enseignants stagiaires ou ceux encore en début de carrière qui ont constamment la hantise d'être visités à l'improviste. Ces nouveaux profs ont besoin d'être soutenus surtout au début de leur carrière, ils sont tellement obsédés par l'idée d'être à tout moment inspectés ; les prévenir d'une visite imminente leur ferait tant de bien surtout sur le plan psychologique ! »

Bonne ou mauvaise classe
De même, pour certains profs interrogés sur ces inspections imprévues, le niveau général de la classe constitue souvent un facteur déterminant pour l'évaluation de l'inspecteur : un prof travaillant avec une bonne classe a plus de chance d'être bien apprécié alors qu'un autre pourrait payer au prix fort le faible niveau de ses élèves, étant donné que la participation des élèves est l'un des critères fondamentaux suivant lesquels la note pédagogique est octroyée. Quelle que soit la compétence pédagogique du prof, la non-participation des élèves pourrait échouer toutes ses bonnes volontés et, dans ce cas, le discrédit ne peut que se jeter sur lui et pas sur les élèves. D'autant plus que les nouvelles approches pédagogiques reposent sur la méthode constructiviste, une nouvelle « théorie de l'apprentissage fondée sur l'idée que la connaissance est construite par l'apprenant sur la base d'une activité mentale. » Dans les nouveaux programmes officiels, il est recommandé d'adopter « une démarche inductive permettant la construction du savoir par l'apprenant lui-même ». Etant donné l'hétérogénéité des classes dans nos écoles, cet objectif semble très difficile à réaliser. Et c'est pour cette raison que certains profs souhaitent être avisés d'une inspection imminente pour pouvoir préparer psychologiquement leurs élèves, sans la participation desquels le cours pourrait échouer : « Je préfère en parler à mes élèves, nous confie une prof d'arabe, le fait qu'ils savent d'avance qu'un inspecteur viendra voir comment se passe le cours les pousse à se mettre à jour et à mieux participer, dans ce cas, ils se conduisent comme s'ils faisaient eux-mêmes l'objet de l'inspection ! Et c'est très important pour la réussite du cours ! »

La majorité des inspecteurs essaient toujours de faire leur travail dans les règles de l'art en y mettant beaucoup de conscience. Cependant, des dérapages peuvent avoir lieu comme dans tous les métiers du monde. Cela est surtout basé sur les interprétations que font les enseignants inspectés des rapports ou des notes reçus de leurs inspecteurs respectifs : les rapports négatifs sont toujours mal perçus par certains profs qui vont jusqu'à accuser l'inspecteur d'être influencé par une tierce personne, (le directeur de l'établissement par exemple !), sachant que dans plusieurs cas, le chef d'établissement pourrait faire appel aux services de l'inspecteur, suite à des plaintes contre tel ou tel prof provenant des parents ou d'autres collègues. D'autres profs se sentent un peu « infantilisés » en ne lisant dans certains rapports d'inspection que des critiques et des directives au lieu des conseils ! Comme autre accusation portée sur l'inspecteur, on note les relations de connivence qu'il entretient avec certains profs et non avec d'autres. A ce sujet, Hichem, prof dans un collège se demande : « Comment expliquez-vous que certains profs soient inspectés en moyenne une fois tous les deux ans et voient leur note pédagogique augmenter d'une visite à l'autre, alors que d'autres ne le sont pas depuis des années, bien qu'ils enseignent la même discipline et exercent dans le même établissement ? Il y a actuellement des collègues qui n'ont pas été inspectés depuis 20 ans, pourtant, ils ont vraiment besoin d'une inspection pour améliorer leur note ; alors que d'autres l'ont été plusieurs fois dans leur carrière et leurs notes se sont nettement améliorées, ce qui leur donne plus de chance en cas d'un concours de changement de grade : la note pédagogique compte beaucoup pour la promotion des enseignants, beaucoup plus que la note administrative. »

A toutes ces critiques, la réponse de tous les inspecteurs rencontrés est unanime : « pas de parti pris dans notre mission. Sans doute, il est perturbant pour un enseignant de voir un inspecteur faire irruption dans sa classe, mais il doit comprendre qu'un inspecteur est là pour le soutenir dans l'exercice de sa profession et non pour l'intimider ou le coincer. La tâche de l'inspecteur est d'abord de contrôler la conformité du travail de l'enseignant aux programmes officiels ; la deuxième tâche consiste à évaluer, aussi objectivement que possible, les efforts de l'enseignant ! » Ajoutons à ces deux tâches une troisième non moins importante, vu la complexité de la vie scolaire actuelle et les nouveaux objectifs de l'école de demain, c'est d'être avant tout un animateur qui aide à mettre en œuvre les nouveaux objectifs éducatifs en vue d'une amélioration de la qualité du système éducatif en Tunisie. Tous les inspecteurs interrogés ont souhaité garder l'anonymat mais sont tous d'accord sur le fait qu'il se pourrait que des erreurs aient lieu de temps en temps et qu'il n'est pas toujours possible de garantir le degré zéro de dérapages dans un service de 250 personnes. En effet, chaque inspecteur, toutes disciplines confondues, a en moyenne de 200 à 300 enseignants à sa charge, ce qui est trop !
Le CENAFFE (Centre National de Formation des Formateurs en Education) de Carthage qui a ouvert ses portes depuis 2004, est conscient du problème et tente d'y remédier en fournissant chaque année davantage d'inspecteurs pédagogiques formés essentiellement pour accomplir cette tâche avec une nouvelle vision et une nouvelle approche de la fonction d'inspecteur basée désormais sur l'accompagnement et l'encadrement plutôt que sur le contrôle tout court.


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