D'après la publication mensuelle de janvier 2008 émanant du ministère de l'Education et de la Formation, on relève l'information suivante : « Dans le cadre de son programme d'animation culturelle des établissements, le ministère de l'Education et de la Formation a acquis dernièrement 30 nouveaux bus tout confort d'une capacité de 55 places chacun qui seront mis à la disposition des écoles en vue d'organiser gratuitement des excursions aux élèves. On peut lire dans le même document que « ces excursions scolaires seront organisées suivant un calendrier préalablement élaboré par un conseil local formé d'enseignants qui sera soumis au conseil régional et que chaque élève aura le droit à 3 excursions durant l'année scolaire organisées selon un programme bien déterminé et approuvé par les autorités compétentes ...» Un tel projet s'inscrit dans la nouvelle vision de la vie scolaire, le document ne mentionne pas si ces excursions sont gratuites ou payantes et jusqu'à présent, on ne sait pas encore si ces 30 bus sont déjà fonctionnels et si les établissements scolaires profitent pratiquement des services de ces bus. Nous n'avons eu aucune information de la part de certains directeurs d'écoles interrogés sur ce programme d'excursions destiné aux élèves. Aucune circulaire ne leur est parvenue dans ce sens, nous ont tous confirmé. Serait-ce un projet mort-né ? Pourtant, un tel projet serait d'un grand apport sur le plan culturel et éducatif pour la majorité des élèves amateurs d'excursions et de sorties scolaires qui attendent avec impatience que ces 30 bus se mettent en route !
Joindre l'utile à l'agréable Les excursions sont en effet nécessaires à la vie scolaire, du fait qu'elles assurent à l'enfant un moment privilégié de découverte et de construction de sa culture et qu'elles lui procurent des moments de détente et d'ouverture sur l'extérieur. Encore faut-il savoir quelles destinations choisir par les organisateurs et dans quels buts opte-t-on pour tel ou tel lieu à visiter ? Selon les chefs des établissements contactés, il s'agit en premier lieu de joindre l'utile à l'agréable, c'est-à-dire, s'amuser tout en se cultivant. Mais l'expérience nous a montré que la majorité des élèves sont tentés par les villes côtières (Hammamet, Sousse, Nabeul...), là où il y a plus de distractions et d'ambiance. Rares sont les élèves qui aiment visiter les monuments historiques ou les musées. Une excursion est par définition un délassement, un défoulement. Pour les élèves du primaire et des collèges, c'est surtout les parcs de jeux qui sont préférables ; ceux du secondaire, sont plutôt tentés par un week-end dans un hôtel, dancing compris. Lors d'une petite enquête menée parmi des lycéens sur leurs préférences, nous avons remarqué qu'ils insistaient presque tous sur le côté distractif, récréatif, évasif de l'excursion sans contrainte et loin des climats studieux de l'école. Pour certains, la visite d'un musée en compagnie d'un professeur leur rappelle l'ambiance scolaire ! Pour Haifa, une élève de 1ère année secondaire, « une excursion, c'est d'abord une évasion, des moments à passer pour se marrer avec les copains, loin des contraintes scolaires ; c'est pour cela qu'on préfère les régions touristiques où il y a plus d'ambiance ! Un musée, ça rappelle un peu les études ! Autant s'en abstenir ! » Abstention aussi de la part des organisateurs qui se découragent de plus en plus en voyant le manque d'enthousiasme chez la plupart des élèves quand il s'agit d'une sortie culturelle. D'où le choix d'un programme privilégiant des lieux de distraction et d'ambiance (villes côtières, parc de jeux, dancing, promenades libres...) Il est souhaitable que les responsables des établissements pensent désormais à asseoir des traditions pour des sorties destinées aux visites des musées et des sites archéologiques afin que nos élèves prennent connaissance de leur histoire et leur patrimoine et qu'ils soient surtout accompagnés lors de ces visites de leur professeur d'histoire et/ou d'éducation artistique qui pourront sans doute leur être d'un grand intérêt. Une sensibilisation à l'importance de ces lieux est indispensable, non seulement de la part des enseignants, mais aussi à travers les mass médias, en vue de développer cette tradition des visites de musées chez la nouvelle génération. L'absence de statistiques relatives à la fréquentation des musées et des sites archéologiques par le public scolaire ne permet pas d'établir des données détaillées et d'élaborer une étude approfondie sur la question. On garde cependant la conviction que la majorité de nos élèves hésitent mille fois quand ils sont appelés à visiter un musée, même si le transport et l'entrée sont gratuits ! C'est que ces sorties « studieuses » ne les intéressent plus. Ahmed, élève en 4è sciences, avoue n'avoir jamais visité un musée : « A quoi bon ? a-t-il ajouté, le musée est pour moi synonyme du passé ; pour moi, seul le présent compte et peut-être l'avenir. Allez demander à un gamin de six ans s'il aime les contes des fées ; il vous dira qu'il préfère plutôt les histoires de science-fiction qui parlent du futur. Même chose pour moi, les musées, c'est l'histoire, donc le passé. Ça ne m'intéresse pas beaucoup ! » Cette réponse trop choquante est malheureusement partagée par la majorité des élèves interrogés !
Le musée : un moyen de culture Ignore-t-on encore que le musée est un moyen de culture par excellence ? C'est un livre d'histoire ouvert à qui veut voir les vestiges des ancêtres, leurs arts, leurs coutumes, leurs lois, leurs institutions, leurs victoires, etc. à travers les objets exposés que des historiens, des anthropologues et des archéologues ont soigneusement collectés et conservés pour les générations futures. Qu'ils soient des musées d'Art, d'Histoire, de Sciences, d'ethnologie ou d'archéologie, ils sont des sources intarissables pour les chercheurs, les étudiants, les élèves qui peuvent y puiser à des fins d'études universitaires ou scolaires, sans compter le plaisir qu'ils procurent pour un visiteur curieux et avides de savoirs et de connaissances sur l'histoire et le patrimoine de son pays qui auraient contribué d'une manière ou d'une autre à la civilisation universelle et au progrès de l'humanité. Ces richesses historiques et archéologiques sont malheureusement ignorées par la majorité de nos élèves, quand bien même ils seraient inscrits par l'UNESCO sur la liste du patrimoine mondial. (Voir tableau ci-dessous) Les musées Tunisiens ne manquent pas. Ils sont aussi nombreux que variés et s'étendent sur tout le territoire. Ils comportent des chefs-d'œuvre de grande valeur datant de différentes étapes de notre histoire, des Carthaginois jusqu'à l'Age moderne en passant par les Romains, les Arabes, les dynasties turques. Pour ne citer qu'un seul exemple, le Musée du Bardo recèle de collections importantes de mosaïques romaines qui font l'admiration de milliers de visiteurs étrangers, alors que beaucoup d'habitants de Tunis n'y ont jamais mis le pied ! Mêmes les enfants des écoles ne sont pas suffisamment sensibilisés aux visites des musées et l'on peut dire sans exagération que 95 % d'entre eux n'ont jamais visité de musées dans leurs villes ou dans d'autres alors qu'en principe les visites des musées doivent figurer dans la programmation culturelle de tous les établissements scolaires. Deux ou trois visites effectuées chaque année scolaire dans des musées différents permettraient aux élèves de prendre connaissance de leur patrimoine dans tous les domaines et à travers les différentes époques, non seulement à travers les informations concernant les objets exposés, mais aussi à travers les études et les comptes-rendus qu'ils auront à effectuer avec leurs enseignants d'histoire ou de l'éducation artistique ; et c'est ainsi que le musée visité constitue une plateforme qui leur permettra d'exprimer et de présenter des travaux non seulement descriptifs mais critiques, analytiques et interprétatifs sur la base de ce qu'ils auront vu lors de leurs visites. Le savoir peut s'acquérir également à l'extérieur de l'école. C'est pour cela que le professeur de sciences doit sortir ses élèves dans la nature pour étudier la végétation sur le terrain, que le professeur de musique doit accompagner de temps en temps ses élèves à un concert ou à une représentation d'une troupe symphonique pour mieux découvrir les différents accords des sons et des instruments et que les professeurs de théâtre ou de dessin amènent leurs élèves à un musée pour mieux apprécier les œuvres d'art classiques. Tout cela contribuera sans doute à une meilleure formation des jeunes et au développement d'un esprit critique. Espérons que le programme des excursions annoncé par le Ministère de tutelle depuis janvier 2008 entrera bientôt en vigueur et que tous les gouvernorats bénéficieront des services des 30 bus déjà acquis pour permettre au maximum d'élèves de tout le pays d'en profiter ! Hechmi KHALLADI
*** Les sites archéologiques et historiques tunisiens inscrits sur la liste du patrimoine mondial. Carthage est inscrite par l'UNESCO sur la Liste du Patrimoine Mondial depuis le 26 octobre 1979 Le site de Dougga a été inscrit en décembre 1997 sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'UNESCO, et depuis 1991, il fait l'objet d'un aménagement en Parc Archéologique National dans le cadre d'un projet présidentiel.... Leur sauvegarde fit valoir à la Médina de Tunis le 26 Octobre 1979 son inscription sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'UNESCO. ... El DJem, le 26 octobre 1979, l'UNESCO l'inscrit sur la Liste du Patrimoine Mondial ... Kerkouane est inscrite par l'UNESCO sur la Liste du Patrimoine Mondial depuis le 28 novembre 1986 .... Kairouan a été inscrite le 7 décembre 1988 par l'UNESCO sur la Liste du Patrimoine Mondial..... La Médina de Sousse est inscrite depuis le 9 décembre 1988 sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'UNESCO **Source : Institut National du Patrimoine